le pouvoir des femelles

Les commentaires des banquiers centraux américain et européen confirment des baisses de taux en septembre, entraînant une poursuite de l’euphorie boursière, avant la publication des résultats d’Nvidia la semaine prochaine.

Troisième et dernier chapitre de notre série d’été sur l’apport de la zoologie à la compréhension des comportements économiques masculins et féminins : qui est le boss dans la nature ?

Macro 🔭

 

Aux Etats-Unis, le sondage de la Fed de New York met en évidence une augmentation des transitions de carrière (7% de changements d’employeurs, un plus-haut depuis le lancement du sondage il y a dix ans), et une augmentation des anticipations de chômage à horizon quatre mois. Les nouvelles demandes d’allocations restent sur leur tendance récente (232 000 vs 180-200 000 en moyenne sur un an après la révision mentionnée ci-après). La première révision des emplois non agricoles sur les douze mois à fin mars est massive : 818 000 emplois de moins, l’ajustement à la baisse le plus sévère depuis 2009. La révision finale sera publiée en février 2025. Les minutes du comité de la Fed de juillet mettent en évidence un large consensus pour une baisse de taux lors de la réunion de septembre, un certain nombre de membres ayant même milité pour une coupe dès juillet. Lors du symposium de Jackson Hole, Jerome Powell se prononce en faveur d’un ajustement en septembre. Selon Nouriel Roubini, la politique d’émission de dette à court terme du Trésor américain a contrecarré l’effort de resserrement monétaire de la Fed. Le PMI composite est supérieur aux attentes grâce aux services, tandis que le PMI manufacturier poursuit sa baisse.

Les deux principales sociétés de chemin de fer canadiennes sont à l’arrêt à la suite de l’échec des négociations avec les syndicats, affectant environ 80% du trafic ferroviaire. Un tiers du trafic est en direction des Etats-Unis, laissant entrevoir de nouvelles tensions sur les chaînes d’approvisionnement, mais le gouvernement intervient pour forcer les parties à la table des négociations, laissant entrevoir une issue rapide.

En Europe, le PMI composite surprend même les plus optimistes (51,2 en août vs 50,2 en juillet) grâce à la composante des services, en particulier en France où l’impact des Jeux Olympiques s’est fait sentir, mais la composante manufacturière poursuit sa contraction (45,6 pour l’Eurozone, 42 en France et en Allemagne). Les prix à la consommation remontent un peu (2,6% annualisé en juillet vs 2,5% en juin), la confiance du consommateur reste déprimée (-13,4 en août). Le spread OAT-Bund reste résolument ancré à 70 bps, soit le niveau atteint au moment du duel Macron – Le Pen de 2017.

Au UK, le PMI composite continue à progresser (53,4 en août).

Kazuo Ueda, gouverneur de la Banque du Japon, réitère lors d’une session de questions du parlement son intention d’ajuster le degré d’assouplissement monétaire, minimisant l’impact de la hausse de taux récente sur les marchés, mais réitérant que le resserrement sera graduel. Le PMI manufacturier reste à la limite de la contraction, celui des services reste positif (54). L’inflation ressort à 2,8% en juillet.

Après une pause dans la hausse que nous évoquions il y a quelques mois, le lingot d’or (400 onces) dépasse pour la première fois la barre du million de $, la demande des investisseurs occidentaux s’ajoutant désormais à elle des banques centrales, en anticipation notamment des baisses de taux.

Micro 🔬

139 300 nouveaux véhicules électriques ont été immatriculés en Europe le mois dernier, une baisse de 6% par rapport à l’année précédente. La part de marché de BMW dépasse celle de Tesla (encore en tête depuis le début de l’année) en juillet.

L’UE annonce vouloir pérenniser l’augmentation des droits de douane sur les véhicules électriques importés de Chine. La mesure entrerait en vigueur le 30 octobre pour 5 ans et imposerait de 9% (Tesla) à 36% (SAIC) de taxes supplémentaires par rapport aux 10% actuellement imposés.

Le fabricant de semiconducteurs AMD (Advanced Micro Devices) annonce l’acquisition de ZT Systems pour 4,9 Md$ en titres et numéraire. ZT Systems, une société à capitaux privés, construit des infrastructures dédiées pour les datacenters des plus grands hyperscalers (centres de données à très grande échelle). L’acquisition est destinée à permettre à AMD de concurrencer Nvidia, dont une des forces est de fournir une infrastructure complète, en offrant des solutions à base de ses propres microprocesseurs IA.

Après Walmart et Home Depot la semaine dernière, les publications de résultats des distributeurs se suivent et confirment les grandes tendances : Target dépasse les attentes du consensus avec 3% de croissance de chiffre d’affaires et un mix plus tourné vers la consommation discrétionnaire, assorti d’un meilleur levier opérationnel, mais fait des commentaires prudents sur les ventes pour le reste de l’année. Lowe’s, le concurrent de Home Depot dans l’équipement de la maison, affiche des ventes trimestrielles en baisse et prédit un deuxième semestre faible (90% de ses clients sont des propriétaires, pour la plupart grâce à un crédit hypothécaire à moins de 4%, donc peu susceptibles de solliciter un nouveau prêt pour acheter ou rénover). Le soldeur TJX, favori des consommateurs à la recherche de bonnes affaires, relève ses objectifs annuels, tandis que la chaîne de grands magasins Macy’s fait un profit warning.

Toujours dans la consommation, Estee Lauder évoque une aggravation des difficultés des marques de prestige en Chine et dans le travel retail asiatique (déclin de 10 à 15% du marché au deuxième trimestre en Chine continentale, baisse plus marquée dans le commerce hors-taxe). La société attend pour les douze prochains mois une reprise du marché global de la beauté vers sa croissance de long terme d’environ 5%, à condition que la Chine repasse en positif dans la période, et une progression de son propre chiffre d’affaires comprise entre -1 et +2%.

Le consommateur chinois n’est effectivement pas à la fête (cf les résultats poussifs d’Alibaba la semaine dernière), et Walmart vend sa participation dans le site de commerce en ligne JD.com, acquise en 2016, pour 3,6 Md$ afin de se focaliser sur ses activités d’e-commerce en propre.

Retour en grâce des anges déchus du confinement, avec le rebond de Zoom grâce à la publication d’un chiffre d’affaires en hausse d’un stellaire 2% au lieu des 1% prévus, et de Peloton (30% de hausse sur la publication quand même, mais toujours à -80% depuis l’IPO), qui s’efforce désormais de vendre plus d’abonnements que de vélos d’appartement.

Alimentation Couche-Tard, chaîne de dépanneurs (j’adore cette traduction québécoise de convenience stores) remarquablement bien gérée, lance une OPA sur le Japonais Seven & i Holdings (7-Eleven) pour près de 6 trillions de JPY (38,4Md$). Ce serait l’OPA la plus importante d’un étranger sur une société japonaise, et une intégration complexe pour le groupe canadien familier de la croissance externe (cf l’opération amicale sur Carrefour envisagée en 2021) : 85 000 boutiques, à comparer aux 16 700 de Couche-Tard, pourtant valorisé 50% de plus que le Japonais. Une preuve supplémentaire que le marché japonais mérite d’être regardé.

Japan Tobacco annonce l’acquisition de Vector Group, une holding cotée réunissant le quatrième cigarettier américain et des investissements minoritaires dans des projets immobiliers, pour 2,4 Md$ en cash.

La minute innovation 🧚🏻

La neurostimulation profonde personnalisée améliore significativement les symptômes de Parkinson dans une première étude publiée dans Nature.

Voici la vidéo du nouveau robot humanoïde du Chinois Unitree Robotics, en vente à partir de 16 000$.

H, la startup d’IA française ayant levé en mai dernier 220M$ auprès d’Accel, Amazon, Samsung et Bernard Arnault, perd trois de ses cinq co-fondateurs en raison de désaccords opérationnels.

Le pouvoir des femelles 🐒

Dernière édition de notre série d’été sur les comportements des agents économiques masculins et féminins, après un bref résumé des numéros précédents : les femelles sont programmées par l’évolution pour sélectionner les meilleurs, les mâles pour prendre plus de risques. Qu’en est-il de la prédisposition aux jeux de pouvoir ? 

Le boss, c’est le mâle, répond Darwin. La compétition pour un accès privilégié à la nourriture et à la reproduction aboutit à la sélection de gros mâles agressifs. Et si les femelles de certaines espèces ont des cornes, c’est un artefact. Oui mais, chez les antilopes topis, ce sont les femelles qui se battent pour l’accès aux meilleurs mâles, qui eux sont réduits à repousser celles qui ne leur conviennent pas pour préserver leurs ressources énergétiques et spermatiques. Quant aux mignons suricates, ils sont résolument matriarcaux, et totalitaires : la société est basée sur la reproduction communautaire, c’est-à-dire qu’une femelle dominante monopolise 80% de la reproduction du groupe et que les autres gardent le territoire et font du baby-sitting. C’est aussi l’espèce la plus meurtrière de la planète devant celle des humains : à chaque disparition de dominante, ou si la dominance n’est pas assez nette, c’est le carnage dans la colonie (à transmettre aux partisans du leadership du laisser-faire). Lorsqu’une femelle hérite du statut de dominante, sa taille et son taux de testostérone augmentent.

Qu’en était-il de nos ancêtres ? Chez la plupart des lémuriens, nos cousins primates les plus primitifs, peut-être les premiers à avoir forgé des liens sociaux, toutes les femelles sont dominantes sur tous les mâles. Plus proches de nous, les bonobos sont matriarcaux et pacifiques : les femelles non apparentées nouent des coalitions entre elles, et les utilisent pour tabasser les mâles agressifs.

En revanche, babouins, chimpanzés et autres macaques sont résolument patriarcaux et agressifs : les mâles sont significativement plus gros que les femelles et rivalisent entre eux pour le contrôle d’un harem. Ce qui ne signifie pas que le vainqueur a un statut pérenne, ni qu’il décide de tout. Le rang des mâles est déterminé par leur force physique et des coalitions avec d’autres mâles, mais le mâle alpha est souvent remis en question. Quant à l’influence dans le groupe, et parfois jusqu’au maintien de la dominance du mâle alpha, ils reviennent à une femelle, et le rang de celles-ci, déterminé par l’âge et la personnalité, est stable. Chez les babouins, les femelles ont leur propre aristocratie, immuable et héréditaire, qui donne un accès prioritaire à la nourriture, à l’eau et aux rejetons des femelles de rang inférieur ; seul moyen de faire évoluer sa lignée : par un mécanisme inconnu de « bidouillage du sexe » pas totalement inhabituel dans le règne animal, les femelles aristos font plutôt des filles, les subalternes des garçons, qui pourront rehausser leur statut en se bagarrant ou en associant leurs gènes à une lignée dominante.

Chimpanzés et bonobos partagent presque 99% de leur patrimoine génétique avec nous. Et si nos instincts sont tempérés par un cerveau plus développé que celui de la plupart des autres espèces, j’espère que ces réflexions sur la nature introduiront un peu de nuances dans nos jugements sur les attributs naturels des hommes et des femmes.

Exemples tirés de l’excellent Bitch – Le pouvoir des femelles dans le monde animal (Bitch – The female of the species), de Lucy Cooke, ouvrage pas totalement dépourvu des biais de notre époque mais qui contribue au débat de manière franchement réjouissante, et se dévore avec l’appétit d’une araignée femelle pour son prétendant éconduit. Rendez-vous le 7 septembre pour un retour à nos thématiques d’investissement.

Cet article ne constitue pas une recommandation d’investissement sur les thèmes ou les titres mentionnés.