La pause dans la désinflation, matérialisée par la publication du CPI US, explique une semaine en dents de scie, qui se solde par une baisse pour les indices américains, tandis que l’Eurostoxx gagne près de 1%. Exercice de prospective en se plongeant dans une sélection des tendances 2024 selon l’agence créative VML.
Macro 🌡️
Aux Etats-Unis, le chiffre le plus attendu de la semaine, le CPI de janvier, ressort à 3,1%, contre 2,9% attendu. En cause, toujours les services. Une pause dans la désinflation (confirmée vendredi par la hausse des prix à la production) qui décale les anticipations de baisses de taux du marché de mars à juin. Les obligations investment grade américaines ont perdu environ 2% depuis le début de l’année. Les ventes au détail sont en baisse de 0,8% en janvier (par rapport à décembre). Les autres indicateurs sont solides (à l’exception d’une déception mineure sur l’indice de sentiment du Michigan), avec une amélioration notable des indicateurs manufacturiers des Fed de NY et Philadelphie, et des demandes initiales d’allocations chômage toujours faibles à 212 000.
Avec 4700 Md$ de dette adossée à de l’immobilier commercial US, et environ 20% de la dette immobilière arrivant à échéance cette année, les régulateurs augmentent leur vigilance. Les prix de l’immobilier commercial ont perdu 21% depuis leur pic de fin 2022, et pour les bureaux c’est même -35%. Les ventes étaient rares, mais il semblerait que désormais elles accélèrent, permettant de mettre un prix sur les actifs, et il n’est pas très élevé. Our real estate, your problem ?
En Allemagne, encore de mauvaises nouvelles pour l’immobilier de bureau avec une baisse des prix de 13% au quatrième trimestre 2023 et de 10% pour l’année. En revanche, le ZEW (indicateur de sentiments de 350 économistes et analystes) s’améliore pour le 7ème mois d’affilée. La Commission Européenne revoit ses prévisions de croissance à la baisse, à 0,8% pour 2024 et 1,5% pour 2025.
Le UK est entré en récession l’année dernière : le PIB du T4 est annoncé en baisse de 0,3%, après -0,1% au T3. Selon Goldman Sachs, le PIB réel du UK a sous-performé celui des autres économies avancées de 5% depuis le Brexit.
Avec un PIB en baisse de 0,4% au quatrième trimestre, le Japon a également clôturé 2023 en récession.
Le bitcoin atteint les 1000 milliards de capitalisation.
7M$ pour 30 secondes de pub lors du Super Bowl 2024, pour une créativité pas toujours à la hauteur de l’enjeu, à l’exception du spot Uber Eats et de son casting en or.
Micro 🏢
Dans la foulée de ses résultats, que nous évoquions la semaine dernière, le fabricant de processeurs Arm Holdings prend 30% lundi et les perd le lendemain. Une capitalisation de 120 Md$ qui affiche la volatilité d’une biotech de 100M$, c’est un peu inquiétant.
En attendant les résultats d’Nvidia la semaine prochaine (ce graphe de comparaison de son parcours boursier avec celui de Cisco en 2000 est populaire), Applied Materials, équipementier pour les semiconducteurs, publie des résultats et donne des objectifs confortablement au-dessus du consensus, clôturant en hausse de 12%.
Jeff Bezos avait adopté le 8 novembre dernier un plan de cession de 50 millions d’actions Amazon d’ici fin janvier 2025. Il en a vendu 24 millions la semaine dernière, pour 4Md$. C’est la première vente depuis 2021, et il lui reste environ 9% du capital.
Le titre de Lyft, le Blablacar américain, prend 67% après bourse sur la publication de résultats positifs (nombre d’utilisateurs en hausse de 10% au T4, nombre de courses +26%, mais toujours en perte nette, quand même) et d’un objectif d’expansion de marge opérationnelle de 500 points de base, avant de corriger la typo une heure plus tard et de ramener l’objectif à 50. La twittosphère s’en amuse (au fait, c’est quoi l’EBITDA), et le titre finit quand même en hausse de 35%. Il faut dire que la société vise un free cash flow positif, 12 ans après sa création. Uber, qui a annoncé ses résultats la semaine dernière, était FCF positif en 2023, 14 ans et 25 Md$ de dépenses après son lancement.
Airbnb déclare que la demande reste forte, après avoir enregistré 99 millions de nuitées et une hausse de 70% du chiffre d’affaires au T4.
Zoom Video Communications affiche une croissance de chiffre d’affaires modeste (4%), due à la seule Amérique du Nord, et des marges en baisse. Pas de quoi justifier la hausse du titre après bourse (8%), qui d’ailleurs ne tiendra pas sur la semaine. La société attend 1% de croissance des ventes en 2024 et a annoncé en début d’année se séparer de 15% de ses effectifs.
Le fonds d’investissement L Catterton lance une OPA amicale sur Tod’s pour 43€ par action, plus ou moins le cours coté lors de l’intro en 2000. Pour Believe, c’est 15€ qu’offre le consortium mené par le PDG. Le titre avait été introduit en bourse en 2021 à 19,5€. Et on se plaint du manque d’attractivité des places boursières européennes.
Temenos AG, l’éditeur de softwares bancaires suisse, perd près de 35% sur la publication d’un rapport du short seller Hindenburg Research, spécialisé dans les fraudes au sens large (trackrecord ici), l’accusant de manipulation des résultats et d’irrégularités comptables. La société dément et publiera ses résultats audités la semaine prochaine, mais les allégations d’Hindenburg sont troublantes.
Un taxi autonome de Waymo a été vandalisé par la foule à San Francisco. @Decaux, des conseils pour Google ?
Toujours plus curieux ✨
Curiouser & curiouser, c’est le thème du Burning Man 2024. Cette semaine, pas d’investissement thématique, on prend un peu de recul pour un exercice de prospective en parcourant quelques-unes des tendances 2024 exposées par VML. Elles résultent d’un sondage mené auprès de 9000 adultes de 18 ans et plus en Argentine, au Brésil, en Chine, en Colombie, en France, en Inde, au Mexique, au Royaume-Uni et aux Etats-Unis, en septembre et octobre 2023.
Tout d’abord, contrairement au discours dominant, il ressort de l’enquête une grande confiance dans la technologie : 83% des sondés pensent qu’elle peut rendre le monde meilleur, 76% qu’elle est un outil précieux pour rassembler les gens, et 59% font confiance à l’intelligence artificielle pour agir dans l’intérêt de l’humanité.
Paradoxalement, la demande de déconnexion est également forte, signant le retour des luddites et leur recherche d’espaces sans wifi voire sans appareils électroniques. Attentes de ralentissement également : du rythme de vie, des collections dans la mode, du vieillissement des objets et des humains (on y reviendra), du rythme de travail avec les congés sabbatiques également nommés pauses anti-burnout de Meta, Paypal ou Adobe. La fin de l’obsolescence programmée est probablement loin, mais des signaux faibles émergent : Google s’engage à assurer la maintenance de son portable Chromebook pendant dix ans, Framework commercialise un ordinateur modulaire dont les pièces peuvent être facilement démontées et remplacées.
Autre tendance émergente : l’envie de collectif sous différentes formes, réseaux de soutien (ou communautés intentionnelles, par opposition à la famille), quartiers communautaires, voire dîners avec des inconnus, et en corollaire la multiplication des cours d’étiquette en réaction à des comportements qu’on trouve de plus en plus incivils. Et l’ouverture à l’intégration dans son environnement d’avatars ou de chatbots pour lutter contre la solitude.
Le metavers, on en parle régulièrement, est une tendance lourde, alors que 75% des habitants des Etats-Unis, du Royaume-Uni et de la Chine aiment être transportés dans d’autres mondes par des récits. 57% des Millenials aimeraient essayer des magasins dans des mondes virtuels, 11% des acheteurs mondiaux achètent activement dans le metavers (à ce stade essentiellement des NFT), et l’informatique spatiale (fusion des mondes physique et numérique) fait ses premiers pas. Elle pourrait par exemple répondre aux attentes de divertissement pendant le temps de charge des voitures électriques (30 minutes de temps de cerveau disponible). Enfin, le premier parc à thème immersif ouvre au printemps au Japon.
Le réchauffement climatique conduit à des innovations pour s’en protéger (dans le textile par exemple, avec des vêtements de travail rafraîchissants pour les ouvriers du bâtiment), et à des mouvements de lutte pour les droits des écosystèmes naturels, la nature acquérant le statut de personne morale et siégeant au conseil d’administration de Patagonia par exemple, tandis que se poursuivent des initiatives visant à préserver les espèces (cartographie du génome des 1,8 millions d’espèces connues), voire à restaurer des espèces éteintes.
Dans la santé, la quête de longévité rajeunit (j’ose) le thème un peu éculé du vieillissement : succès des longevity resorts et recherches sur la vie éternelle ; nous reviendrons sur Project Blueprint, cette tentative de l’entrepreneur Bryan Johnson de réduire son âge biologique, dans une prochaine édition. Flashback 70s avec le retour des psychédéliques, pour la santé mentale cette fois (plus de la moitié des Millenials aimeraient essayer), et plongeon dans le futur de la biologie synthétique (reprogrammation des cellules). Autre thème prégnant dans la santé, la prévention et le diagnostic, avec par exemple des sociétés proposant des scans du corps entier pour 2499$.
Finissons cet aperçu sommaire avec l’architecture, où l’IA est utilisée pour imaginer des constructions en s’abstrayant des contraintes physiques pour mieux les contourner ensuite, comme avec les magnifiques Impossible Stores de Benjamin Benichou et Midjourney.
Certaines sociétés bénéficient directement ou indirectement des mégatendances, en les exploitant ou en facilitant leur exploitation. Nous les identifions pour élaborer des solutions d’investissement, en coté et non coté. Et à propos de mégatendances, si vous avez 10 minutes, cet article vous explique pourquoi Sam Altman a besoin de 7 000 Md$ pour poursuivre le développement de ChatGPT.
Cet article ne constitue pas une recommandation d’investissement sur les thèmes ou les titres mentionnés. Si vous êtes intéressés par des thèmes d’investissement, contactez-nous.