La mondialisation est-elle arrivée à son terme? Faut-il investir dans les relocalisations?

Semaine stable sur les marchés américains, où les conditions d’une baisse de taux semblent se mettre en place, en petite baisse sur l’Eurostoxx à la veille des législatives en France.

La fin de la globalisation représente-t-elle réellement une mégatendance ? Faut-il investir dans les relocalisations?

Macro 🔭

Aux Etats-Unis, les indices d’activité des Fed régionales (Dallas, Richmond, Kansas City) déçoivent à l’exception de Chicago. Les prix des maisons (indice Case Shiller) augmentent de 7,2% (annualisé), les permis de construire sont supérieurs aux attentes, les ventes de maisons neuves et les promesses de ventes au-dessous.  La confiance des consommateurs baisse un peu (indice du Conference Board) tandis que leurs dépenses ralentissent. Le PCE (mesure d’inflation) est conforme aux attentes (2,6%). Les demandes d’allocations chômage restent sur leur nouvelle tendance (au-dessus de 230 000) et la présidente de la Fed de San Francisco, Mary Daly, évoque des signaux clairs de tassement du marché de l’emploi. Les conditions d’une prochaine baisse de taux semblent réunies. Les 31 banques américaines ayant un bilan supérieur à 100 Md$ ont passé les stress tests de la Fed, dont le scénario le plus défavorable comprenait un taux de chômage de 10%, une baisse de 55% du prix des actions et une baisse de 40% des prix de l’immobilier commercial. Selon un sondage de la Fed de Philadelphie, 22,5% des Américains ont du mal à payer leurs factures (+2,7% en un an), et c’est vrai aussi pour 6,9% des personnes ayant des revenus supérieurs à 150 000$ (+3,5%). Moody’s évalue à 250 Md$ la baisse de valorisation supplémentaire de l’immobilier commercial si le work from home persiste.

La reprise allemande marque le pas : l’IFO (indice du climat des affaires) reprend le chemin de la baisse après 5 mois d’amélioration, tandis que le moral des consommateurs est également en berne (indice GfK). La confiance des ménages (juin) est stable en France, s’améliore en Italie, est stable dans l’ensemble de la zone €, où le climat des affaires repart en revanche à la baisse. A la veille des élections en France, l’écart de rendement entre l’OAT 10 ans et le Bund atteint un plus-haut de 86 bps. Les retraits des fonds actions Europe auraient atteint 2,1Md€ en une semaine.

Rebond de la croissance (0,3% annualisé au T1) et sortie de récession au UK.

Au Japon, l’inflation sous-jacente et les ventes au détail accélèrent à respectivement 2,3% et 3%, le yen touche un plus-bas de presque 40 ans contre $, le Topix un plus-haut depuis 1990.

La fin de l’ingénierie financière et de l’augmentation des multiples signe une ère plus difficile pour le private equity selon Goldman Sachs. La BoE alerte sur les difficultés de certaines sociétés du secteur et recommande plus de transparence sur les valorisations et les niveaux de levier.

Micro 🔬

Amazon rejoint le club des capitalisations de plus de 2 000 Md$ et ouvre une section vêtements à prix cassés (importés de Chine évidemment) pour concurrencer les Shein et autres Temu.

Shein aurait déposé confidentiellement un dossier d’enregistrement pour son IPO à la bourse de Londres, conditionnée à l’accord du gouvernement chinois. Ce pourrait être l’opération la plus importante depuis 10 ans, pour une valorisation envisagée de 50 Md£. Un choix par défaut, la société pensant que la SEC lui refuserait l’IPO à New York. Le choix de la qualité pour les deux parties en somme.

Après OpenAI, Apple pourrait ajouter Meta, Perplexity et Anthropic à la liste de ses partenaires dans le cadre de son système Apple Intelligence. Par ailleurs, la Commission ouvre une enquête sur les critères d’éligibilité des développeurs dans l’App Store. C’est la première procédure pour violation du Digital Market’s Act.

Tesla a vendu 11 688 Cybertrucks. La société ne dévoile pas les ventes du modèle, mais elle a émis un rappel pour essuie-glaces défcueux.

Signaux contradictoires pour les baromètres de la croissance mondiale et de la santé de l’industrie des semiconducteurs que sont Fedex et Micron Technology. Fedex publie un chiffre d’affaires en hausse de 1% et des BPA ajustés en hausse de 10% (grâce au plan d’économies de coûts DRIVE (1,8 Md$ cette année, à rapporter à un résultat opérationnel de 6 Md$). Le titre rebondit sur la légère accélération pendant le trimestre, l’annonce d’une nouvelle réorganisation avec la cession envisagée de la filiale Fret (paquets de plus de 150 livres), et un objectif de croissance de BPA de 12-24%. Le CEO note une amélioration modeste des prix et une stabilisation des volumes, mais pas d’augmentation significative de la demande. Finalement, bonne gestion des marges mais pas vraiment d’amélioration de la demande finale. Le fabricant de semiconducteurs Micron Technology publie un chiffre d’affaires en forte croissance (82%) grâce à la demande liée à l’IA. Le titre est pénalisé en raison d’objectifs jugés timides, mais rien dans le discours du management n’est cause d’alarme sur la demande ou sur l’offre.

Rivian est sauvé, du moins pour l’instant, par Volkswagen qui annonce investir 1 Md$ (et 4 Md$ de plus à terme) dans une joint-venture avec le constructeur de véhicules électriques américain pour créer la nouvelle génération de plateforme logicielle automobile. Deux canards boiteux, et un répit pour le titre Rivian qui prend environ 50% en séance (mais cote environ 10% de son prix d’introduction en bourse).

Séance meurtrière pour le titre de Nike, dont le chiffre d’affaires trimestriel déçoit, et qui revoit ses objectifs annuels en raison d’un ralentissement des ventes, notamment en Chine. Elles sont attendues en baisse de 10% au prochain trimestre. Les difficultés portent sur le segment Lifestyle plus que sur le sport (les ventes de Converse baissent de 18%) et sont attribuées aussi à la stratégie de vente en direct au détriment des chaînes de distribution, plus rentable mais finalement moins efficace pour atteindre les consommateurs.

Vice Versa 2 (Disney) avait généré 724 M$ de recettes à l’issue du week-end dernier, en tête des sorties de 2024.

Boeing aurait offert 35$ par action pour son fournisseur Spirits Aerosystems en actions. Spirits se déferait des divisions travaillant pour Airbus, qui par ailleurs coupe ses objectifs cette semaine en raison de problèmes d’approvisionnement en pièces de construction.

Robert Bosch préparait une OPA sur le fabricant d’électroménager Whirlpool.

Une fois n’est pas coutume, OVH rebondit sur ses résultats trimestriels (CA en hausse de 10% et confirmation des objectifs annuels).

Nokia lance une OPA à 2,3 Md$ en cash et titres sur le spécialiste des réseaux optiques américain Infinera.

Le short seller Muddy Waters (qui avait alerté sur la dette de Casino dès 2015) déclare que les comptes d’Eurofins surestiment les résultats, la trésorerie et les autres actifs. Le titre décroche, la société dément, l’activiste maintient sa position.

Le consortium mené par Onepoint renonce à Atos et Daniel Kretinsky reprend les négociations.

La minute innovation 🧚🏻

GPT-5, qui aurait une mémoire et des capacités de raisonnement avancées et l’intelligence d’un PhD pour certaines tâches, devrait sortir fin 2025.

Le fonds d’innovation de l’OTAN a financé ses 4 premières startups dans l’IA, la robotique, la spacetech et les matériaux innovants.

SpaceX vendrait des actions sur une valorisation de 210 Md$ (c’était 180 en décembre), un record pour une société non cotée.

Une production française (cf le thème du jour) : la Bugatti hybride Tourbillon, livraison prévue en 2026.

Tectonique des flux

La Chine et l’Europe vont tenir des discussions sur la hausse des droits de douane censée entrer en vigueur le 4 juillet, et à laquelle quelques pays dont l’Allemagne s’opposent. 37% des exportations de véhicules électriques chinois sont destinées à la zone € (données des douanes chinoises, janvier-avril 2024). Les mesures de restriction du commerce international se multiplient, de même que les initiatives visant à relocaliser les productions, pour des raisons politiques, économiques et environnementales.

Au-delà des discours, les relocalisations sont-elles tangibles et constituent-elles une mégatendance (changement majeur et durable résultant de facteurs économiques, politiques, technologiques ou culturels entraînant des répercussions importantes sur les entreprises, les économies et les populations mondiales) ?

Le commerce mondial continue à croître : 4500% de 1950 à 2022, et 4% par an en volume, 6% en valeur en moyenne annuelle depuis la création de l’Organisation Mondiale du Commerce en 1995.

Le FMI mesure la globalisation par la somme des importations et des exportations, rapportée au PIB. Il distingue 5 phases de globalisation : industrialisation (indicateur passant de 30% à plus de 40%), guerres et protectionnisme (baisse à 15%), Bretton Woods (15-30%), libéralisation (passage de 30 à près de 60% en 2008) et « slowbalization » (oscillation autour de 55%).

Il est incontestable que le commerce global de biens et services ralentit depuis la fin des années 2000 : de plus de 7% entre 1995 et 1999, les flux ont ralenti à 2% entre 2020 et 2024, et le ralentissement de la croissance du PIB mondial n’explique pas tout. En cause, à la fois la réduction du nombre d’accords entre régions, et la mise en place de plus en plus fréquente de restrictions au commerce (2845 pour la seule année 2022 selon le FMI).

Qu’en est-il des autres dimensions de la globalisation ? L’indice de globalisation KOF (Centre de recherches conjoncturelles de Zurich) mesure la globalisation économique (commerce de biens et services, investissement), sociale (déplacements des personnes, de l’information, globalisation culturelle) et politique (ambassades etc) depuis 1970, de fait et dans la législation (les détails du calcul sont ici). Il met également en évidence un ralentissement, plus marqué dans la sphère économique mais touchant toutes les dimensions.

Plus spécifiquement, selon une étude de McKinsey, par rapport à la période 1995-2008, seuls les flux de capitaux sont en accélération ; les flux de données sont en retrait (impact des tensions entre les US et la Chine sur les collaborations de recherche internationales et restrictions de plus en plus fréquentes sur les flux d’informations imposées par certaines régions) mais encore considérables, tandis que les flux de biens et services ont ralenti.

En conclusion, la globalisation reste à un niveau historiquement élevé si l’on prend en compte les flux commerciaux, de capitaux, de données et de personnes. On assiste plutôt à un ralentissement du commerce global largement due au ralentissement de la croissance, et à une réorganisation des chaînes de production (vers le Latam, l’Inde et l’Asean au détriment de la Chine), avec un phénomène de relocalisation de la production observable pour l’instant uniquement aux Etats-Unis. Pour ce qui est de la thématique d’investissement dans les relocalisations, elle est donc valide, mais concentrée à ce stade sur les Etats-Unis, à l’exception de certaines industries où des considérations de sécurité/souveraineté entrent en jeu comme les semiconducteurs ou les produits pharmaceutiques, et où l’Europe et certains pays d’Asie ont annoncé leur intention de relocaliser.

Cet article ne constitue pas une recommandation d’investissement sur les thèmes ou les titres mentionnés.