Infrastructure électriques

La brutale hausse des taxes à l’importation américaines fait basculer les marchés mondiaux, qui ne prenaient pas au sérieux les menaces de Trump et s’inquiètent désormais d’une récession.

Investir dans des tendances longues pour garder le cap : point sur le thème de l’infrastructure électrique.

Macro 🔭

 

Aux Etats-Unis, Trump annonce une hausse exorbitante des droits de douane, qui en pondéré ressortiraient à 22% selon l’agence de notation Fitch, au lieu de 2,5% avant leur mise en place. En 1933, 3 ans après la mise en place de la loi Smoot-Hawley, ils étaient de 20% ; même si Trump se revendique plutôt de William McKinley, auteur de la taxe Mc Kinley de 1890 (+50% de taxes sur les importations de la plupart des produits manufacturés) et responsable de l’annexion de Hawaii, Porto Rico et Guam, ainsi que de l’arrêt de l’immigration en provenance du vieux monde. Le secrétaire d’Etat au Trésor, Scott Bessent, ajoute que c’est le maximum « tant qu’il n’y a pas de représailles », et déclare vendredi que la baisse des marchés n’a rien à voir avec les droits de douane (elle est due à DeepSeek selon lui). Quant au mode de calcul des taxes, selon le prix Nobel d’économie Paul Krugman, il pourrait venir d’une simple demande à ChatGPT : Will malignant stupidity kill the world economy ? Les risques de récession aux Etats-Unis augmentent sensiblement, dans le reste du monde également, même si la carte du commerce mondial pourrait se redessiner. Et, du Cambodge au Lesotho en passant par le Bangladesh, les taxes les plus élevées affectent les pays les plus pauvres. Désescalade (ou représailles, c’est selon) dans les prochaines semaines. En attendant, Churchill petit-déjeunait au 🍾, pensez-y la prochaine fois que vous passez devant Starbucks. Pour le reste, l’ISM manufacturier repasse en zone de contraction en mars, les composantes nouvelles commandes et emploi se dégradant particulièrement, l’ISM des services baisse fortement, mais les données d’emploi sont bonnes dans l’ensemble : créations d’emploi dans le secteur privé meilleures que prévu, nouvelles inscriptions au chômage également. Avant l’effet des mesures annoncées le 2, dont les économistes estiment l’impact négatif sur le PIB US à 1-1,5%. Powell ne bronche pas devant les menaces de Trump, déclarant que la Fed surveille toujours l’inflation, dont les mêmes économistes attendent qu’elle augmente fortement.

Dans la zone €, l’inflation ralentit encore à 2,2% pour la première estimation de mars, et l’inflation sous-jacente affiche même un tassement plus marqué, passant de 2,6% en février à 2,4%. Sur ce front, la BCE a les mains libres. Le taux de chômage baisse également (6,1% en février).  Le PMI composite de mars, revu à la hausse en dernière lecture, signe un troisième mois consécutif d’expansion. Même le PMI du secteur de la construction, bien que toujours en contraction (depuis 3 ans désormais), se redresse pour le deuxième mois d’affilée. Reste à négocier la réplique aux mesures américaines, qui devraient impacter le PIB européen de 0,3 à 0,6%, pas négligeable certes dans un contexte de faible croissance, mais nettement moins qu’aux Etats-Unis, et avec plus de marge de manœuvre pour réagir, à la fois sur le plan monétaire et sur celui des alliances avec d’autres zones.

Au Japon, l’indice Tankan (sentiment des entreprises) atteint un nouveau plus-haut depuis 10 ans pour les services, repasse en territoire positif pour les PME, et reste à un niveau solide pour les grandes entreprises. Le taux de chômage baisse à 2,4%, sans que la consommation ne reparte à ce stade : la croissance des dépenses des ménages, supérieure aux attentes, reste proche de zéro, et les ventes au détail déçoivent.

En Chine, le PMI composite (officiel et Caixin) remonte un peu, notamment grâce aux exportations, mais la composante emploi reste mal orientée. En réponse aux taxes américaines, le gouvernement annonce vendredi 34% de taxes sur toutes les importations en provenance des Etats-Unis à partir du 10 avril, ainsi que la restriction des exportations de sept terres rares et quelques mesures ciblées sur des entreprises, des secteurs de la défense et de l’agriculture en particulier. Les hausses annoncées par Trump pourraient coûter de 1 à 2,5% de PIB à la Chine en 2025 selon les estimations des principales banques d’investissement, mais la Chine a du poids dans les négociations (y compris via TikTok, cf ci-dessous). Fitch dégrade la note de la dette chinoise de A+ à A.

Micro 🔬

Les actions américaines clôturent le trimestre sur leur plus mauvaise performance relative au reste du monde depuis 2002. Avant même la baisse de cette fin de semaine, il est vrai largement partagée avec les autres marchés. Au sein du S&P 500, seuls les secteurs des services collectifs et de la consommation stable terminent en hausse, tandis que la technologie, l’énergie et les services de communication sont les plus pénalisés.

Les immatriculations de véhicules baissent de plus de 14% en France en mars, celles de véhicules électriques affichent à peu près la même performance, celles de Tesla sont en repli de 37%. Les livraisons globales du constructeur, à près de 337 000 véhicules au premier trimestre, sont à un plus-bas depuis 2022. Le titre s’offre quand même un bref répit en milieu de semaine alors que des rumeurs circulent sur un départ imminent de Musk du DOGE. Qui au-delà de l’effet d’annonce ne changerait probablement pas grand-chose à la trajectoire des ventes.

En raison de la volatilité des marchés, la valeur des introductions en bourse en Europe est en baisse de 36% au premier trimestre. Là aussi, c’était avant ces deux derniers jours.

Confirmant les rumeurs des dernières semaines, Bloomberg affirme que Microsoft a bien mis en suspens un certain nombre de développements de datacenters, sans qu’il soit possible de savoir si c’est pour des raisons de problèmes de construction ou de réévaluation de la demande pour l’IA. Microsoft confirme changer ses plans, « démontrant la flexibilité de sa stratégie », sans plus de précisions.

Les opérations américaines de TikTok devaient être vendues par le Chinois Bytedance le 5 avril, faute de quoi l’app serait interdite. Parmi les acheteurs potentiels, on comptait Blackstone, Oracle/Andreessen Horowitz, le fondateur d’OnlyFans, Amazon (en dernière minute), Project Liberty, Mr Beast, Perplexity AI. On disait l’opération finalisée en milieu de semaine (Bytedance conservant 20%), mais ce dernier annonce que le gouvernement chinois ne valide pas l’accord, et Trump repousse l’échéance à mi-juin. Négociations en vue, y compris sur les droits de douane.

La lettre annuelle de Larry Fink, le boss de BlackRock, premier gérant d’actifs mondial et spécialiste des ETF, fait la part belle aux marchés privés, nouvel axe de développement du groupe. Grâce à l’acquisition de Preqin, BlackRock compte rendre les marchés privés transparents et accessibles à tous. Lecture conseillée, pour cette stratégie mais aussi pour les données sur l’état du système de retraites américain, sur les besoins en énergie et la place du nucléaire, le « réveil » de l’Europe et le risque posé par le bitcoin pour le $.

Unicredit obtient le feu vert de la Consob pour son offre d’achat de Banco BPM.

La minute innovation 🧚🏻

Dans une étude de UC San Diego, GPT 4.5 obtient 73% au test de Turing, qui mesure la capacité d’un LLM à se faire passer pour un être humain dans une conversation. Les juges menaient deux conversations simultanées avec un humain et une IA et devaient déterminer qui était l’humain. GPT 4.5 a été sélectionné plus souvent que l’interlocuteur réel.

La levée d’OpenAI est finalisée : 40 Md$ sur une valorisation de 300 Md$, sous l’égide de SoftBank. La société aurait atteint récemment le chiffre de 20 millions d’abonnés payants, pour un chiffre d’affaires annualisé de 5 Md$.

Haute tension

Difficile d’adopter une ligne directrice quand chaque jour apporte son lot d’annonces susceptible d’envoyer un titre, un secteur ou un marché aux tréfonds de la cote, donc il est temps de reprendre l’étude de thèmes d’investissement long terme dans lesquels les chocs actuels pourraient fournir des points d’entrée.

Le 21 mars, l’aéroport de Heathrow a dû fermer en raison d’un incendie déclaré dans un poste électrique. 1000 vols annulés à cause d’un transformateur électrique en feu. Temps de remplacement : un an.

Nous avons déjà évoqué ici le rebond de la demande d’électricité dans le monde après des décennies de stagnation. Si les attentes de consommation en provenance des datacenters pourraient être revues à la baisse à court terme compte tenu d’estimations exagérées sur la consommation provenant des applications de l’IA, et d’une potentielle récession, la tendance long terme est là. Et au-delà de la question de la génération se pose le problème de l’infrastructure : l’électrification des usages et la demande accrue provenant des énergies renouvelables et de l’intelligence artificielle mettent sous pression des réseaux électriques vieillissants.

Dans la plupart des pays développés, les réseaux ont 40 à 70 ans et ont été construits pour de grandes centrales électriques. La génération est désormais beaucoup plus distribuée, et il faut gérer les fluctuations dans le système dues aux sources d’énergie intermittentes (éoliennes terrestres notamment). 900 GW de projets renouvelables sont à l’arrêt en Europe à cause de l’absence de connexion à un réseau qui n’est pas prêt.

Quant aux transformateurs, les chaînes de production et d’approvisionnement ont été prévues il y a des décennies, et structurées pour un marché sans croissance, de remplacement de pièces usées, et la main d’œuvre qualifiée se fait rare. Avec la reprise de la croissance et l’augmentation des catastrophes naturelles, voire des attaques terroristes sur les centrales, la demande est supérieure à l’offre. Pour les grands transformateurs, elle a quasiment triplé aux Etats-Unis entre 2019 et 2024 (et est importée à plus de 85%, essentiellement du Canada et du Mexique, d’où des prix qui devraient augmenter instantanément de 20%) ; le délai de livraison peut atteindre 3 à 5 ans, et les prix ont quasiment doublé depuis 2018. Pour les plus petits transformateurs, l’éventail des spécifications est un écueil supplémentaire : on compte 80 000 modèles rien qu’aux US.

Les projets de développement de réseaux sont longs : 7 à 8 ans, dont plus de la moitié pour obtenir les permis. On peut donc raisonnablement estimer que les investissements dans le secteur ne vont pas fluctuer autant que les marchés.

Cet article ne constitue pas une recommandation d’investissement sur les thèmes ou les titres mentionnés.