
Les marchés américains caracolent en tête dans une semaine de hausse généralisée, en raison du relatif dégel des relations entre la Chine et les US, où par ailleurs les données d’inflation rassurent. La dégradation de la dette américaine par Moody’s vendredi soir, alors que Trump peine à mettre en oeuvre ses baisses d’impôts, pourrait tempérer l’euphorie.
Les dépenses de défense repartent à la hausse, intensifiant le découplage entre les Etats-Unis et le reste du monde.
Macro 🔭
Aux Etats-Unis, après le moratoire de 90 jours sur l’escalade des droits de douane avec la Chine, Trump abandonne l’art du deal et déclare qu’il communiquera à ses différents « partenaires » les droits de douane qui leur seront appliqués au cours des deux ou trois prochaines semaines. Les indicateurs du marché immobilier restent mal orientés, avec notamment un indice de sentiment NAHB proche des niveaux covid et des demandes de prêts en fort ralentissement. Déjouant les craintes d’accélération de l’inflation à cause des droits de douane, l’indice des prix à la consommation d’avril ralentit (2,3% annualisé) grâce à la baisse des prix de l’énergie. Les ventes au détail sont toujours bien orientées, les données d’emploi sont stables, pourtant l’indice de sentiment de consommateur de l’université du Michigan approche un plus-bas historique, et les attentes d’inflation flambent (7,3% pour les anticipations à un an, au plus haut depuis 1981). La production manufacturière se reprend en avril, l’indice manufacturier de la Fed de New York aussi, celui de la Fed de Philadelphie signale une petite amélioration. La note de la dette souveraine est dégradée d’un cran par Moody’s. Les chiffres de Département du Trésor pour mars confirment que la Chine est passée derrière le UK pour la détention de dette américaine.
La croissance du PIB européen est confirmée à 1,2% au T1. L’indice de sentiment économique ZEW rebondit fortement dans la zone €, la production industrielle montre une accélération marquée en avril, et le marché de l’emploi poursuit son expansion. L’Allemagne consacrera 5% de son PIB aux dépenses militaires. Sur l’attractivité de la France ou de l’Europe pour les investissements étrangers, on peut lire l’étude d’EY : -5% en 2024, -16% sur les emplois liés. Choose France ?
Au Japon, l’Economy Watchers Survey (sondage auprès des petits commerçants) s’affiche en déclin pour le quatrième mois consécutif, reflétant l’inquiétude sur l’évolution des prix. La première estimation de la croissance du PIB au T1 déçoit, en raison notamment d’une baisse des exportations. Le taux des emprunts d’Etats à 30 ans atteint 3% (il était inférieur à 0,5% il y a trois ans).
En Chine, les prix à la consommation sont en baisse de 0,1% en avril, comme en mars, dans un contexte de demande interne toujours peu soutenue. Les prix à la production baissent de 2,7%. La trêve dans la guerre commerciale, même si elle est assez relative et ne résout pas le problème de l’impossibilité pour les agents économiques mondiaux de s’adapter à une situation aussi changeante, vient à point.
Micro 🔬
62% des CEO américains anticipant un ralentissement ou une récession dans les six prochains mois selon Chief Executive magazine.
Walmart publie des résultats supérieurs aux attentes. Le directeur financier avertit que l’impact des droits de douane se verra sur les prix à partir de mai et deviendra ensuite plus prononcé. La société maintient ses objectifs annuels mais n’en communique pas pour le trimestre en cours en raison de son incapacité à prévoir l’évolution des taxes, le scénario « changeant à la semaine, et parfois à la journée ».
Alibaba publie un chiffre d’affaires trimestriel en hausse de 7% et des résultats en hausse de 22%. La division cloud croît un peu plus vite que prévu (18%), grâce aux applications destinées à l’IA. Préfigurant une tendance qui devrait se généraliser chez les grandes valeurs technologiques mondiales, les marges et le cash-flow de la société sont sous pression en raison des investissements dans l’intelligence artificielle. C’est rarement de bon augure pour la tenue des cours de bourse, mais contrairement à ses homologues américaines, et malgré la hausse récente, Alibaba ne se paie que 13x les résultats.
Le Taiwanais Hon Hai, principal producteur des iPhones et des serveurs IA d’Nvidia, coupe ses objectifs annuels de chiffre d’affaires en raison des droits de douane et de la hausse du $ taiwanais, et ce malgré une hausse de 26% de ses ventes en avril.
DICK’s Sporting Goods lance une OPA sur Foot Locker en cash ou titres, avec une prime de 86%, valorisant la société à 2,5 Md$. La chaîne de distribution de vêtements de sport compte 2 400 boutiques dans 20 pays, et permet à DICK de faire ses premiers pas à l’international et de générer des synergies opérationnelles, dans un secteur mis à mal par la désaffection des consommateurs pour les boutiques et la concurrence de ses propres clients, qui ont mis en place leurs propres boutiques et sites d’e-commerce. Une stratégie sur laquelle des marques comme Nike commençaient à revenir, constatant qu’il est dangereux de s’aliéner sa distribution.
Les introductions en bourse reprennent grâce au rebond récent : aux Etats-Unis, la plateforme de trading israélienne eToro lève 310 M$, tandis que ses actionnaires vendent le même montant dans l’opération. La société avait suspendu son IPO, prévue en mars, en raison des incertitudes ambiantes, et a finalement pu la faire au-dessus du haut de la fourchette envisagée compte tenu de la forte demande. Le spécialiste du stockage d’électricité Contemporary Amperex Technology (CATL) fait son entrée en bourse à Hong Kong lundi avec une levée de 4,6 Md$ réservée aux investisseurs hors US, CATL contestant son ajout par les Etats-Unis en janvier à la liste des fournisseurs de l’Armée chinoise avec lesquels ne pas interagir. Là aussi, le prix est attendu en haut de fourchette et avec une décote beaucoup plus réduite que d’ordinaire sur le prix coté à la bourse de Shenzhen. C’est la plus grosse opération de l’année dans le monde.
La plateforme de cryptos Coinbase est victime d’un vol de données et d’une demande de rançon de 20 M$. Coût estimé : 400 M$ pour dédommager les clients.
La minute innovation 🧚🏻
Un traitement personnalisé d’édition génomique par la technologie CRISPR-Cas 9 a été développé et autorisé à la mise sur le marché en 6 mois afin de sauver un nourrisson atteint d’une maladie rare.
Les tendances d’utilisation des modèles d’IA sont ici.
Meta décale le lancement de Llama 4 à l’automne en raison de problèmes de performance.
Google lance AlphaEvolve, un agent IA spécialisé dans les algorithmes destiné à coder, mais qui a également déjà fait des découvertes mathématiques majeures.
Si vis pacem 🕊️
Cette semaine, le gouvernement du chancelier Merz a exprimé son intention de porter les dépenses militaires en Allemagne à 5 % du PIB, contre environ 2,1 % actuellement. Ce montant serait réparti entre dépenses militaires directes (3,5% du PIB) et investissements connexes tels que les infrastructures et la cybersécurité (1,5%), autrement dit des infrastructures à usage civil pouvant également avoir un usage militaire. Il reprend les objectifs du secrétaire général de l’OTAN (en ligne avec les exigences de Trump) qui doivent être validés lors du sommet de juin, et sont fixés à horizon 2032 pour les pays membres.
La part des dépenses de défense dans le PIB mondial a connu une baisse continue (avec quelques brefs sursauts, au début des années 80 notamment) depuis le début des années 60, passant d’environ 6% du PIB mondial à un plus-bas de 1,8% en 2018. Elles étaient sur le dernier chiffre communiqué par la Banque Mondiale de 2,3% en 2023. Les champions de la dépense (hormis l’Ukraine, à 34%) sont la Russie, l’Arabie Saoudite et l’Algérie (7% du PIB), tandis que le Japon, la Chine et la plupart des pays d’Europe sont à ou au-dessous de 2%, et les Etats-Unis à 3,5%.
Plus récemment, l’accélération est notable, tirée par la Russie et l’Allemagne notamment : +9,4% en 2024 pour les dépenses mondiales, l’augmentation la plus forte depuis la fin de la guerre froide, pour un montant de 2700 Md$. Les Etats-Unis représentent environ le tiers de ce montant, et plus des deux tiers des dépenses de l’OTAN. La croissance du marché devrait se situer au-delà des 5% par an pour les 5 à 10 prochaines années.
Ce n’est pas la tendance la plus réjouissante du moment, même si dans les circonstances actuelles on ne peut que souhaiter ne pas dépendre des Etats-Unis pour sa défense, et si jusqu’aux praticiens de l’ESG admettent désormais qu’il est parfois nécessaire de faire usage des armes. Au-delà des industries de défense, les thèmes de la cybersécurité et de l’infrastructure devraient rester porteurs. De nombreux véhicules d’investissement sont disponibles, en coté comme en non coté.
Cet article ne constitue pas une recommandation d’investissement sur les thèmes ou les titres mentionnés.