Faut-il investir dans le marché japonais

Semaine de tous les records à la faveur d’une baisse de 50 points de base des taux aux US, assortie d’une publication rassurante sur l’emploi, renforçant les anticipations d’atterrissage en douceur.

Shogun bat tous les records aux Emmy Awards. Quid du marché japonais ?

Macro 🔭

 

Aux Etats-Unis, l’indice manufacturier de la Fed de New York se redresse très significativement (mais il est volatile), le Philly Fed s’améliore également. La baisse des taux hypothécaires se reflète dans des chiffres supérieurs aux attentes dans l’immobilier (permis de construire et constructions), mais les ventes de logements existants déçoivent. Les chiffres de l’emploi se redressent avec des inscriptions au chômage en baisse à 219 000. La Fed baisse les taux de 50bps par un vote à 11 contre 1, et déclare que « la décision reflète une confiance croissante qu’en recalibrant sa politique de manière appropriée, la vigueur du marché de l’emploi peut être maintenue dans un contexte de croissance modérée et d’inflation revenant durablement vers 2% ». Le marché attend 70bps de plus d’ici la fin de l’année. 5 des 11 cycles de resserrement de la Fed depuis 1965 ont abouti à un soft landing.

En Europe, le ZEW (indice de sentiment économique) est très décevant (9,3 en septembre après 17,9 en août), et plonge en particulier en Allemagne (3,6 vs 19,2). Les salaires dans la zone ont progressé de 4,5% en glissement annuel au T2, les prix à la consommation augmentent de 2,2% en août (annualisé). L’économie allemande pourrait être entrée en récession selon la Bundesbank. La Banque de France revoit ses prévisions de croissance 2024 de 0,8% à 1,1% grâce à l’effet JO, laisse 2025 inchangé à 1,2% et revoit 2026 de 1,6 à 1,5%. La Banque d’Espagne revoit ses prévisions de croissance 2024 de 2,3% à 2,8%, sans effet JO, et le ministère des finances italien annonce un déficit budgétaire de 3% à horizon 2026. Le sud de l’Europe n’est plus ce qu’il était.

La Banque Centrale d’Angleterre laisse ses taux inchangés. Les prix à la consommation augmentent de 2,2% en août.

Au Japon, l’inflation progresse de 2,8% (annualisé, août), et la BoJ maintient ses taux inchangés (cf thème de la semaine). Exportations et importations ralentissent fortement.

Le gouvernement chinois étudie des mesures pour relancer les marchés immobilier (baisse du taux de refinancement des prêts, autorisation pour les non-résidents des grandes villes d’acheter) et financiers.

Micro 🔬

Les résultats de Fedex, indicateur avancé de l’économie en raison de ses clients dans de nombreuses industries et géographies, vont a contrario du scénario d’une économie qui se porterait bien, et le titre perd 15% vendredi après la publication de résultats trimestriels décevants et la révision à la baisse d’environ 5% de ses attentes de résultat net. La société signale que la faiblesse dans l’industrie met sous pression ses volumes BtoB, en particulier aux Etats-Unis, et que ses clients dans le monde sont de plus en plus sensibles aux prix, délaissant les options de livraison prioritaires.

Apple est sous pression en raison d’une demande d’iPhone 16 qui serait pour l’instant plutôt faible. L’UE lui demande d’ouvrir son système d’exploitation à d’autres technologies.

Rebond d’Intel à l’annonce de l’obtention de 3 Md$ de fonds fédéraux pour construire des puces pour l’armée, d’un accord avec Amazon Web Services pour co-investir dans la fabrication de semiconducteurs destinés à l’intelligence artificielle, et en fin de semaine de rumeurs selon lesquelles Qualcomm étudierait une OPA. Le groupe est clairement sur la défensive : plan d’économies de coûts de 10 Md$, mise en vente de sa participation dans Altera, suspension du dividende et cette semaine le décalage de la construction d’usines en Allemagne et en Pologne. Hoarding cash.

Amazon met fin au work from home à partir de l’année prochaine, dans une lettre du CEO sur la culture d’entreprise où il s’insurge contre la bureaucratie rampante : pre-meetings for the pre-meetings for the decision meetings, création d’une Bureaucracy Mailbox.

Alphabet remporte une victoire dans l’un de ses nombreux litiges, le Tribunal de L’union européenne annulant l’amende de 1,49 Md$ infligée en 2019 pour abus de position dominante dans la gestion de publicités via sa plateforme Adsense.

Changement salué par les marchés à la tête de Nike, dont le CEO John Donahoe est remplacé par un vétéran du groupe, Elliott Hill, parti à la retraite en 2020 après 32 ans de carrière dans le groupe.

Disney lâche le réseau de messagerie Slack (acheté 27 Md$ par Salesforce en 2021) après la diffusion online d’un térabyte de ses données à la suite d’un piratage informatique.

Salesforce et Nvidia annoncent une collaboration pour le développement d’agents IA autonomes (chatbots en bon français).

Tupperware (plus de 3 Md$ de capitalisation boursière il y a 10 ans) dépose le bilan, ayant échoué à passer de la vente directe aux circuits de distribution modernes.

Microsoft annonce une augmentation du dividende de 10% et un rachat d’actions de 60 Md$.

Bausch & Lomb envisagerait selon le FT un retrait de la cote.

Unicredit va demander à la BCE l’autorisation de prendre une participation de 30% dans Commerzbank, répondant aux tentatives de Deutsche Bank de réagir devant une opération qui créerait un groupe plus gros que lui. Le ministre des Finances allemand défend sa décision de vendre sur le marché 4,5% du capital détenu dans la banque par le gouvernement (raflés par Unicredit la semaine dernière), arguant que ce n’est pas son rôle de créer des champions nationaux. On ne peut qu’approuver et souhaiter à Commerzbank de tomber dans les bras de l’Italien.

Après BMW la semaine dernière, c’est au tour de MercedesBenz de publier un avertissement sur ses résultats en raison du ralentissement en Chine, qui affecte notamment les ventes de ses modèles haut de gamme (classe S et Maybach), et de ventes en baisse en Europe. La marge opérationnelle est désormais attendue à 8% pour l’année 2024, moins de 50% de son niveau de 2022. Les immatriculations de voitures ont baissé de 17% en août en Europe, et pour les véhicules électriques c’est -36% (-69% en Allemagne, les incitations à l’achat ayant été supprimées en janvier), mettant les constructeurs automobiles à risque de payer des amendes considérables pour absence d’atteinte de leurs objectifs de réductions d’émissions en 2025. Quand la réglementation se heurte à la réalité économique.

La minute innovation 🧚🏻

Encore un robot, de Google Deepmind cette fois, à la dextérité stupéfiante.

Les boîtes de vitesse manuelles représentent 80% du marché en Europe, bientôt 2% aux Etats-Unis, un comeback que l’on doit à la Gen Z.

Snap lance des lunettes de réalité augmentée, destinées aux développeurs dans un premier temps. Démo ici.

Zuck, Maurice (Levy) et quelques autres publient une lettre ouverte demandant à l’UE des règles cohérentes pour l’IA : « the reality is Europe has become less competitive and less innovative compared to other regions”.

Shogun 🗾 

Investir avec un prisme thématique n’exclut pas d’étudier les dynamiques géographiques, surtout quand des relocalisations (un de nos thèmes d’investissement) sont à l’œuvre, comme au Japon actuellement. De deuxième économie mondiale à la fin des années 80, le pays est passé à la quatrième place (mesurée en parité de pouvoir d’achat), après l’éclatement en quelques années des bulles immobilière (dans le quartier chic de Tokyo, Ginza, le m2 valait 230 000$) et boursière (la capitalisation boursière des actions japonaises représentait 45% de celle des actions mondiales, contre 6-7% à présent). Avec une croissance passée de 4% à 1% entre les 80s et les 90s, on a d’abord parlé de décennie perdue, puis crise bancaire (zombie loans), déflation, mesures de relance inefficaces (la trappe à liquidités, cf cette analyse du FMI datant de 2003), faible productivité et mauvaise gouvernance des entreprises ont prolongé le phénomène pour quelques décennies de plus (résumé jusqu’en 2023 dans cet article de Nomura).

Cet été, les indices japonais ont retrouvé leurs niveaux de fin 1989, alors que semblait s’enclencher le retour à un cercle vertueux de hausses des prix et des salaires susceptibles d’entraîner un changement durable de l’attitude des consommateurs et favorables pour la croissance et les marges des entreprises, accompagné de réformes de la gouvernance et de mesures de soutiens à des industries de pointe (intelligence artificielle, semiconducteurs, espace) et à l’investissement en actions (réforme du Nippon individual Savings Account), alors que 50% des économies des ménages sont sur des comptes de dépôt. De plus, la baisse du JPY favorisait le tourisme et les résultats des entreprises exportatrices. Dans sa dernière publication, la Banque du Japon jugeait que croissance (0,7% en 2024) et inflation (2,5%) étaient susceptibles de surprendre positivement.

Début août, le resserrement monétaire plus agressif prôné par l’institution a entrainé une baisse brutale du marché qui n’a été que partiellement récupérée depuis, et les flux de capitaux étrangers sont devenus négatifs. Cette semaine, la banque centrale a laissé ses taux inchangés et retiré de sa communication la mention qu’elle continuerait à augmenter les taux si ses prévisions d’activité se réalisaient.

Les situations de retournement peuvent générer des performances significatives, mais comportent leur lot de risques. Dans le cas du Japon, on relève par exemple une dette stratosphérique, une population qui baisse de 0,5% par an, une culture rigide et une classe politique qui n’a rien à envier au reste du monde, facteurs contrebalancés par une accélération potentielle de la croissance, et un marché faiblement valorisé (argument qui ne fonctionne pas pour l’Europe depuis plus de dix ans, mais l’écart de valorisation entre Seven & i et son potentiel acquéreur, Alimentation Couche-Tard, témoigne de l’opportunité). L’élection du premier ministre, le 27 septembre, devrait fournir des indications sur la future politique monétaire, qui quelle qu’elle soit ne devrait pas empêcher le yen de s’apprécier compte tenu des baisses de taux enclenchées en Europe et aux Etats-Unis, et sur la poursuite des réformes.

Cette semaine, la série Shogun est devenue la première série en langue japonaise à gagner l’Emmy de la meilleure série dramatique, et a battu le record du nombre de prix jamais remporté par une série aux Emmy Awards. La réglementation m’interdit de vous dire si je pense que le marché japonais a des chances de battre aussi des records, mais je tiens un argumentaire bull & bear à la disposition de ceux qui génèreront 5 abonnés à cette newsletter (voir ci-dessous).

Cet article ne constitue pas une recommandation d’investissement sur les thèmes ou les titres mentionnés.