Semaine de hausse des indices, avec des données économiques mitigées aux Etats-Unis, tandis que s’ancrent les attentes d’une stabilisation des taux aux niveaux actuels des deux côtés de l’Atlantique. Les publications des distributeurs, de vêtements notamment, mettent en évidence une consommation soutenue au troisième trimestre, mais un ralentissement à venir. Point sur les résultats d’Nvidia et la saga OpenAI: l’intelligence artificielle un an après le lancement de chatGPT.
Macro 🌡️
Aux Etats-Unis, l’indice économique avancé du Conference Board baisse pour le 19ème mois d’affilée, de même que l’indicateur d’activité nationale de la Fed de Chicago. Les ventes de logements existants baissent de 4,1% en octobre par rapport à septembre. Le PMI composite stagne (50,7). En revanche, les nouvelles demandes d’inscription au chômage baissent à 209 000, tandis que les attentes d’inflation des Américains exprimées dans le sondage de l’Université du Michigan remontent pour le deuxième mois d’affilée, à 4,5%. La publication des minutes de la Fed montre des officiels inquiets que l’inflation ne réaccélère.
Pour François Villeroy de Galhau, gouverneur de la Banque de France, les taux ont atteint un plateau, un constat dont certains membres de la BCE se font l’écho. Alors que l’Allemagne est probablement entrée en récession au troisième trimestre, l’IFO (enquête sur les anticipations des entreprises) s’améliore et se trouve désormais au plus-haut depuis 6 mois, laissant espérer une sortie de la crise. L’Allemagne est la seule des grandes économies qui devrait afficher une baisse de PIB cette année. Les PMI européens se redressent, mais en France le PMI manufacturier baisse et celui des services ne s’améliore que marginalement.
La Chine multiplie les mesures de soutien à l’immobilier, dont on estime les besoins de financement à 450Md$.
Après la SEC, c’est au tour de la FCA (le régulateur britannique) de se pencher sur les méthodes de valorisation des portefeuilles par les fonds privés. Alors qu’on parle beaucoup de démocratisation du private equity, cela semble une bonne idée.
Micro 🏢
Apple aurait enregistré une baisse de 4% des ventes d’iPhones en Chine pendant le Single’s Day, alors que Huawei et Xiaomi enregistraient des hausses à deux chiffres.
C’était la semaine des publications de la consommation discrétionnaire, et dans l’ensemble difficile de dire que le consommateur américain est à la peine. Parmi les marques de vêtements, Aeropostale publie un bon troisième trimestre et attend des ventes en hausse de près de 10% au quatrième, mais perd 16% à l’annonce de coûts en forte hausse ; Abercrombie & Fitch publie 20% de croissance de chiffre d’affaires au troisième trimestre, confirmant son retour après des années difficiles (qui vaut au titre une performance proche de celle d’Nvidia cette année), et projette 12 à 14% pour l’année pleine. Chez Urban Outfitters, le chiffre d’affaires a progressé de 9% mais la direction attend une modération de la demande. Bref, à l’exception de la chaîne de grands magasins Kohl’s, dont les ventes ont baissé de 5%, le format ne séduisant plus depuis des années, la consommation se porte bien.
Elle a néanmoins bénéficié d’un effet d’aubaine avec l’argent injecté dans le système après le confinement, et un retour à la normale est probable. Et si les données du Black Friday ne sont pas disponibles (Deloitte attend des ventes en hausse de 13% pour Black Friday et Cyber Monday), Salesforce attend une croissance des ventes en ligne de 1% en novembre et décembre et Mastercard attend un retour aux taux de croissance pré-pandémie (3,7%) pour l’ensemble des ventes au détail (en ligne et magasins).
Capital G, une filiale d’Alphabet, serait sur le point de prendre une participation dans la néo-banque Monzo sur la base d’une valorisation de 4Md£. Une stratégie plus crédible que les annonces de services financiers de X/Twitter.
Dans une saison de résultats européenne qui s’apparente à un champ de mines, c’est au tour de Bayer de dévisser : -18% en séance à l’annonce de l’échec en clinique de son futur médicament anti-coagulant, tandis qu’un tribunal du Missouri condamne sa filiale Monsanto à payer 1,5Md$ de dommages et intérêts à trois utilisateurs de l’herbicide Roundup ayant développé un cancer. Le glyphosate dont l’UE compte réautoriser l’usage pour une durée de 10 ans… L’acquisition de Monsanto en 2018 (après deux ans de bataille) pour un montant de 63Md$ s’est sans surprise révélée l’une des pires opérations de l’histoire, et Bayer capitalise désormais un peu plus de 30Md€.
Pire qu’un fast-food Tex Mex ? Peut-être un fast-food végétarien opéré par des robots : 15 Kernel devraient ouvrir en 2024 à NYC, lancés par le fondateur de Chipotle Mexican Grill, qui capitalise environ 60Md$ 30 ans après son lancement. Alors certes il a fait ses preuves, mais dans notre exploration des tendances du monde de demain on n’est pas convaincu que ce soit le concept gagnant, et on espère avoir raison.
Novo Nordisk investit 2,1Md€ dans un site de production en France.
Science et conscience 🧙
Un an après le lancement de ChatGPT, Nvidia publie des résultats en forte accélération et OpenAI entame un nouveau chapitre de son histoire.
Commençons par les résultats d’Nvidia, le fournisseur de cartes graphiques et microprocesseurs fournissant la puissance nécessaire entre autres pour le gaming et les applications d’intelligence artificielle. La société a publié au troisième trimestre un chiffre d’affaires en hausse de 206% par rapport à la même période de l’année dernière et des bénéfices par action ajustés multipliés par 6. De quoi justifier la hausse de 227% du titre depuis le début de l’année, et la tentation d’investir dans l’intelligence artificielle.
Quant à la saga OpenAI, elle a débuté quelques jours auparavant avec le limogeage de Sam Altman, co-fondateur et DG, par un conseil d’administration évoquant son manque de transparence sans plus de précisions (nous y reviendrons), suivie de la démission de Greg Brockman, co-fondateur. Microsoft leur fait rapidement une proposition, tandis que 700 des 770 employés d’OpenAI menacent de démissionner. Microsoft possédait déjà une licence perpétuelle pour la propriété intellectuelle d’OpenAI (à l’exclusion de l’intelligence artificielle générale), désormais elle a les ressources humaines pour l’exploiter et a transformé une participation minoritaire dans une organisation à profit plafonné en division pleinement intégrée.
Finalement, ce sont les administrateurs qui se font virer, à l’exception d’Adam D’Angelo, rejoint par Bret Taylor, ancien co-DG de Salesforce, et Larry Summers, ancien secrétaire d’Etat au Trésor de Clinton, pour former un nouveau CA autour d’Altman et Brockman. D’autres les rejoindront à terme, pour atteindre 9 personnes. Les administrateurs sortants ont obtenu que la gestion d’Altman fasse l’objet d’une enquête indépendante, mais Reuters a déjà dévoilé qu’une percée dans l’intelligence artificielle générale, dont le nom de code serait Q* (Q-Star) et qui aurait fait l’objet d’une lettre de certains chercheurs au conseil d’administration, ferait partie des éléments ayant mené au licenciement d’Altman. Le modèle pourrait résoudre certains problèmes mathématiques, de niveau école primaire certes, mais cela impliquerait des capacités de raisonnement et ouvrirait la voie vers l’Intelligence Artificielle Générale, celle qui signerait la victoire des machines.
Le fond du problème, c’est la structure d’OpenAI, et sa gouvernance. OpenAI Global LLC, la société, valorisée 86Md$ sur la base du rachat en cours d’une partie des actions des employés par des fonds, est détenue par Microsoft (minoritaire) et une holding (majoritaire), elle-même détenue par les employés, d’autres investisseurs et par OpenAI Inc, une organisation à but non lucratif (public charity), dont le conseil d’administration n’est contrôlé par personne, laissant effectivement le soin de décider de l’avenir de l’IA à 6 personnes. La mission d’OpenAI est de développer une IA qui « bénéficie à l’humanité tout entière, non contrainte par le besoin de générer un retour sur investissement ». Le problème, c’est que les investissements sont très élevés, et que pour les financer, à défaut de généreux donateurs, il faut des investisseurs en quête de ROI.
Altman veut développer sa technologie, peut-être sans trop réfléchir aux conséquences. Reste que quels que soient les risques que ferait peser une IAG sur l’humanité, stopper OpenAI ne stopperait certainement pas la recherche ; elle serait menée par d’autres. Il serait souhaitable de contrôler, mais cela passe par un consensus politique difficile à obtenir (cf des précédents comme le nucléaire ou la génomique), et en tout cas trop lentement pour suivre le développement le plus rapide jamais observé pour une technologie. En revanche, opposer le lucratif au non lucratif, le deuxième étant à en croire la teneur des débats, notamment en France, plus susceptible de prendre une décision éthique, est un peu simpliste. On doit pouvoir trouver dans l’histoire quelques exemples de dérives qui devaient tout à une idéologie et rien à l’argent.