OĂč en sont les investissements dans l'ESG

Les marchĂ©s amĂ©ricains terminent lĂ©gĂšrement au-dessous de l’équilibre une semaine caractĂ©risĂ©e par de nombreuses annonces dans le registre de la guerre commerciale, et par la poursuite de rĂ©sultats dĂ©cevants pour la tech. La tendance est plus positive en Europe et en Chine.

Alors que les premiers reportings CSRD sont attendus cette annĂ©e, oĂč en sont les investissements ESG ?

Macro 🔭

 

Aux Etats-Unis, la pagaĂŻe rĂšgne chez les douaniers : report d’un mois de l’ultimatum lancĂ© au Canada et au Mexique, application de 10% de droits de douane supplĂ©mentaires Ă  la Chine, nouvelles annonces attendues la semaine prochaine. En retour, celle-ci appliquera Ă  partir du 10 fĂ©vrier 15% sur le charbon et le GNL et 10% sur les machines agricoles, le pĂ©trole brut et certaines voitures, porte plainte Ă  l’OMC, ouvre une enquĂȘte anti-trust sur Alphabet et envisage d’examiner les pratiques d’Apple, et complique les exportations de mĂ©taux critiques. Seule bonne nouvelle, les colis d’une valeur infĂ©rieure Ă  800$ ne sont plus exemptĂ©s de taxes, ce qui pourrait affecter Shein et Temu. Le dĂ©ficit commercial amĂ©ricain a atteint 920 Md$ en 2024, en hausse de 17% ; dont 300 Md$ avec la Chine et 235 Md$ avec l’UE. Peu de chances que Trump se calme. En revanche, il va laisser le patron de la Fed tranquille : son secrĂ©taire d’Etat au TrĂ©sor dĂ©clare qu’il surveille les taux longs, pas les taux directeurs. Ceux-ci dĂ©pendent notamment de la trajectoire des dĂ©penses et donc du succĂšs de DOGE. A ce propos, les Ă©quipes de Musk ont accĂšs au dĂ©partement du TrĂ©sor, et surtout Ă  l’ensemble de son rĂ©seau informatique. Comme si Simoncini voyait vos conversations sur Meetic et toutes vos donnĂ©es Ă  Bercy. Les indicateurs de production continuent Ă  montrer des signes d’amĂ©lioration, contrebalancĂ©s par la tendance baissiĂšre du PMI des services. Les indicateurs d’emploi se dĂ©gradent encore, que ce soit sur le nombre de postes non pourvus, en nette baisse en dĂ©cembre, ou sur les inscriptions au chĂŽmage ou les crĂ©ations d’emplois non agricoles ; la confiance du consommateur (indice Michigan) baisse en fĂ©vrier pour le deuxiĂšme mois d’affilĂ©e, en raison notamment d’inquiĂ©tudes sur une reprise de l’inflation.

Les prix Ă  la consommation remontent un peu dans la zone € (+2,5% pour l’estimation initiale de janvier aprĂšs +2,4% en dĂ©cembre) et l’activitĂ© se redresse pour le troisiĂšme mois d’affilĂ©e, avec un PMI composite dĂ©sormais un peu supĂ©rieur Ă  50. Les exportations allemandes rebondissent, ce qui devrait entraĂźner une rĂ©action de Trump.

Au Japon, l’embellie (relative) est toujours là : le PMI composite confirme en deuxiĂšme lecture la croissance de l’activitĂ© dans le secteur privĂ©, le taux 10 ans continue son ascension, les dĂ©penses des mĂ©nages deviennent franchement positives, et l’indicateur Ă©conomique avancĂ© est supĂ©rieur aux attentes.

En Chine, le PMI manufacturier Caixin est en expansion pour le quatriĂšme mois d’affilĂ©e mais s’approche de la zone 50, celui des services surprend nĂ©gativement. Pas encore l’euphorie.

Nouveau record sur l’once d’or (et sur notre panier de titres indexĂ©s sur l’or et l’argent, en hausse de 30% depuis avril dernier). On ne penserait pas forcĂ©ment aux lingots comme victimes des taxes Ă  l’importation, mais si : c’est le rush pour les sortir des coffres au UK et les envoyer aux Etats-Unis avant la hausse des taxes, au point que l’or vendu par la banque d’Angleterre affiche 5% de dĂ©cote sur son Ă©quivalent dans les banques commerciales parce qu’il y a trop d’attente pour le retirer. portant le Selic Ă  13,25%.

Micro 🔬

Les investissements en bourse des particuliers américains approchent le précédent record de 1997.

Les immatriculations de Tesla plongent en France (-63% le mois dernier), en Allemagne (-59%) et au UK (-12%), ainsi qu’en Californie. Musk backlash. Qui ne va pas arranger le dĂ©ficit commercial entre l’Europe et les Etats-Unis.

MicroStrategy n’a pas achetĂ© de bitcoins la semaine derniĂšre, aprĂšs en avoir achetĂ© pour 20 Md$ depuis l’élection de Trump. Lors de ses rĂ©sultats, la sociĂ©tĂ© annonce se renommer Strategy (l’activitĂ© IT ne reprĂ©sente plus qu’une infime minoritĂ© de ses rĂ©sultats, et moins encore de sa capitalisation boursiĂšre), premiĂšre et plus grande sociĂ©tĂ© de trĂ©sorerie bitcoin (Bitcoin Treasury Company), lance un nouveau site comprenant une boutique en ligne de vĂȘtements et accessoires (sic) et le dĂ©tail de ses achats de bitcoins (Ă  date 471 000 Ă  un prix moyen de 64 000$) et l’information sur sa dette convertible et ses options. A ce stade, le titre traite encore Ă  80% au-dessus de la valeur des bitcoins dĂ©tenus par la sociĂ©tĂ© (contre plus de 200% il y a six mois).

Palantir Technologies poursuit son rallye sur la publication d’un chiffre d’affaires en hausse de 36% au T4 et d’un objectif de croissance de 30% en 2025. Le titre de la sociĂ©tĂ© spĂ©cialisĂ©e dans la dĂ©fense (et l’IA) a pris prĂšs de 400% en un an

AprĂšs Microsoft (cf l’édition de la semaine derniĂšre sur les premiers rĂ©sultats des big techs), c’est au tour d’Alphabet de dĂ©cevoir sur le cloud au quatriĂšme trimestre, tout en dĂ©passant de quelque 20% les estimations de capex des analystes pour 2025 (75 Md$, 43% de plus qu’en 2024). Rien d’inquiĂ©tant en regard du cash gĂ©nĂ©rĂ©, mais si l’intensitĂ© capitalistique des big techs se rapproche de celle de l’industrie, ça va finir par se reflĂ©ter dans les marges (et les valos).

Amazon publie un chiffre d’affaires (+10%) et un rĂ©sultat opĂ©rationnel supĂ©rieurs aux attentes du consensus, mais les ventes d’AWS (cloud) n’augmentent « que » de 19%, comme lors des deux trimestres prĂ©cĂ©dents, l’objectif de rĂ©sultat opĂ©rationnel pour le prochain trimestre est dĂ©cevant, et le management prĂ©vient que la croissance va ĂȘtre volatile. Comme chez Microsoft, la direction explique l’absence d’accĂ©lĂ©ration au T4 par des problĂšmes de capacitĂ© dus Ă  la demande liĂ©e Ă  l’IA. LĂ  aussi, forte augmentation des capex avec 100 Md$, 29% de plus que l’annĂ©e prĂ©cĂ©dente.

Tous ces investissements pourraient ĂȘtre de bon augure pour Nvidia. Pourtant, cette semaine, son concurrent AMD est sanctionnĂ© pour ses prĂ©visions dĂ©cevantes aprĂšs un trĂšs bon T4, en raison d’un ralentissement dans les datacenters, encore. Toujours dans les semis, Arm Holdings, partenaire d’Nvidia et trĂšs exposĂ© au marchĂ© des smartphones, publie de bons rĂ©sultats trimestriels mais revoit marginalement Ă  la baisse ses attentes pour l’annĂ©e.

Apple devrait rĂ©vĂ©ler le nouvel iPhone SE la semaine prochaine. Le modĂšle d’entrĂ©e de gamme pourrait, avec de nouvelles fonctionnalitĂ©s, contribuer au redressement des ventes dans les pays Ă©mergents.

Le chiffre d’affaires de Qualcomm (processeurs pour tĂ©lĂ©phones mobiles) affiche une hausse de 17% au dernier trimestre 2024, dont 13% pour les composants pour smartphones, mais les prĂ©visions déçoivent : la sociĂ©tĂ© estime que le marchĂ© des smartphones affichera une croissance comprise entre 0 et 5% cette annĂ©e.

Le Danois Novo Nordisk rassure sur la trajectoire de ses traitements de l’obĂ©sitĂ© avec un chiffre d’affaires en hausse de 26% en 2024, et un objectif de 16 Ă  24% de croissance pour 2025. Son concurrent Eli Lilly affiche 32% en 2024 et vise la mĂȘme progression en 2025.

La minute innovation đŸ§šđŸ»

Cette vidĂ©o des robots d’Unitree dansant au gala du festival de printemps (Nouvel An chinois) m’avait Ă©chappĂ© la semaine derniĂšre.

Selon un sondage de McKinsey sur l’utilisation de l’IA en entreprise, l’effet sur le chiffre d’affaires est encore mineur, et seuls 23% des rĂ©pondants lui imputent une baisse des coĂ»ts.

Bytedance (TikTok) lance OmniHuman-1, un modĂšle capable de gĂ©nĂ©rer des vidĂ©os Ă  partir d’une simple photo. On ne peut presque plus reconnaĂźtre l’IA qu’à l’indigence du texte (je vous recommande Einstein).

Il n’a pas encore fait perdre 589 Md$ de capi à Nvidia, mais Le Chat nouvelle version (Mistral AI) est sorti.

Ripostes

Par un classique retour de balancier, l’ESG n’a plus la cote. Nous avions abordĂ© le sujet, et notamment les Ă©tudes contradictoires sur les performances, dans L’enfer est pavĂ© de bonnes intentions. Pour mĂ©moire, jauger un investissement Ă  l’aune de ses incidences sur l’environnement et la sociĂ©tĂ© et de sa gouvernance est non seulement louable mais souhaitable, y compris pour la performance financiĂšre, mais l’exercice requiert des indicateurs harmonisĂ©s. C’est l’enjeu de l’entrĂ©e en vigueur de la directive europĂ©enne CSRD (Corporate Sustainabilty Reporting Directive), qui impose aux entreprises un reporting basĂ© sur les standards europĂ©ens (ESRS ou European Sustainability Reporting Standards) Ă  partir de cette annĂ©e pour les plus grandes et de 2027 pour les PME cotĂ©es. S’y conformer implique entre autres de collecter jusqu’à 1200 donnĂ©es. 17 pays Ă  ce jour, dont l’Allemagne, ont refusĂ© de la transposer dans leurs lois, la jugeant trop onĂ©reuse pour les sociĂ©tĂ©s, notamment les PME.

BlackRock a rĂ©cemment trouvĂ© un accord avec le procureur gĂ©nĂ©ral du Tennessee sur ses fonds ESG : la sociĂ©tĂ© de gestion devra faire preuve de plus de transparence, mettre en place des mesures de suivi (compliance), Ă©tablir une communication en ligne avec ses obligations fiduciaires, et s’engager Ă  ce que ses votes en assemblĂ©e gĂ©nĂ©rale soient exclusivement dictĂ©s par des considĂ©rations financiĂšres pour les fonds n’ayant pas d’objectif extra-financier. Le juge estime que si les investisseurs sont libres d’acheter des produits orientĂ©s vers une cause plutĂŽt que de maximiser la rentabilitĂ© de leurs investissements, il faut s’assurer que seuls les investisseurs faisant ce choix verront leurs actifs dirigĂ©s vers des objectifs extra-financiers.  

Les fonds ESG ont perdu 20 Md$ d’encours aux Etats-Unis l’an dernier, un peu plus qu’en 2023. L’essentiel des encours (80%) se trouve de toute façon en Europe, oĂč ils ont augmentĂ© en 2024, bien que nettement moins que par le passĂ©. D’aprĂšs Morningstar, 30 Ă  50% des fonds ESG europĂ©ens vont par ailleurs ĂȘtre fermĂ©s ou renommĂ©s en anticipation de l’évolution de la rĂ©glementation SFDR, jugĂ©e trop complexe pour les Ă©pargnants, et qui n’est pourtant entrĂ©e en vigueur qu’en 2021.

Au-delĂ  de l’instabilitĂ© et de la complexitĂ© de la rĂ©glementation, le retour de bĂąton vient peut-ĂȘtre des excĂšs d’injonctions Ă  la « responsabilité » des Ă©pargnants, couplĂ©s Ă  la distribution de produits souvent hasardeusement qualifiĂ©s d’ESG. Philosophiquement, la notion de flĂ©chage de l’épargne frise l’atteinte Ă  la libertĂ© individuelle. FinanciĂšrement, au vu du trackrecord de leur allocation d’impĂŽts sur les derniĂšres dĂ©cennies, les Ă©pargnants peuvent lĂ©gitimement choisir de placer leur argent tout seuls. Y compris dans la transition Ă©nergĂ©tique. Et pour mieux orienter vos choix dans la dĂ©carbonation, on vous recommande cette prĂ©sentation.

Cet article ne constitue pas une recommandation d’investissement sur les thĂšmes ou les titres mentionnĂ©s.

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