
Trump tempérant son discours sur le limogeage du président de la Fed et annonçant des négociations avec la Chine (toujours réfutées par celle-ci), les marchés affichent un rebond généralisé cette semaine.
Les robots (taxis et humanoïdes) : l’avenir de Tesla ?
Macro 🔭
Aux Etats-Unis, la fin des 100 jours de Trump
approche et il n’y a pas le moindre deal en vue, quoi qu’il en dise.
Le meilleur résumé du début de mandat est la note envoyée par un syndicat à l’arrivée des représentants du DOGE : CFPB Union members welcome our newest colleagues and look forward to the smell of Axe Body Spray in our elevators. Les mesures d’activité restent mal orientées : baisse des indices des Fed de Richmond, Chicago et Kansas City, ainsi que du PMI composite, qui passe de 53,5 à 51,2 en raison d’une forte diminution dans les services. Le rebond significatif des commandes de biens durables est dû à des commandes anticipées dans les transports (avions commerciaux essentiellement). Dans
l’immobilier, la tendance de la semaine n’est pas plus riante : les demandes de prêts hypothécaires sont en baisse marquée, les ventes de maisons neuves rebondissent mais celles de maisons anciennes baissent fortement. Quant aux consommateurs, si la situation de l’emploi reste stable (les inscriptions au chômage remontent un peu, mais restent dans la tendance des trois dernières années), l’indice de confiance de l’université du Michigan, bien que peu revu à la hausse en lecture finale, reste proche d’un plus-bas de dix ans, et les attentes d’inflation à un an s’établissent à 6,5%. Opinions vs faits : l’écart entre les anticipations d’inflation à un an des démocrates et des républicains a atteint un plus-haut en début de semaine : 8% pour les uns, environ 1% pour les autres. La collecte de droits de douane, essentiellement sur l’acier et l’aluminium, augmente de 60% en avril. Les autres mesures seront reflétées dans ceux de mai, et tout ceci devrait se retrouver bientôt dans les prix de ventes (ou dans les marges des entreprises).
La confiance des consommateurs se dégrade encore dans la
zone € en avril, et le PMI d’avril enregistre une nouvelle baisse, restant
tout juste en zone d’expansion (50,1) ; pour la France, la dégradation est
plus marquée. L’indice de sentiment des entreprises IFO (Allemagne) poursuit sa très graduelle remontée, mais le président de la Bundesbank avertit que l’augmentation des droits de douane pourrait entraîner une récession modérée en Allemagne cette année.
Au Japon, le PMI composite d’avril repasse en zone
d’expansion (51,1) grâce aux services. Les flux des investisseurs étrangers vers les actions et les obligations japonaises poursuivent le rebond entamé début avril (données au 19). L’indice d’inflation à Tokyo augmente encore (3,5% annualisé).
La Chine avertit ses voisins qu’elle réagirait si leurs accords avec Trump la pénalisaient, et hausse le ton avec les Etats-Unis,
demandant une révocation de tous les droits de douane réciproques après que Trump a émis l’hypothèse d’une simple baisse.
Après l’OMC la semaine dernière, le Fonds Monétaire International revoit ses attentes de croissance mondiale à 2,8% en 2025 (la prévision de janvier était de 3,3%) et 3% en 2026 (3,3% en janvier), e t attend une moindre décrue de l’inflation (à 4,3% en 2025 et 3,6% en 2026).
Pour une analyse de l’économie mondiale sous le prisme de
l’émergence et du déclin des empires, on vous conseille cette vidéo
de 5 minutes par Ray Dalio, le fondateur du hedge fund Bridgewater
Associates.
Micro 🔬
Si Trump tempère son discours sur les droits de douane, c’est qu’il a été convaincu par les CEO des distributeurs Walmart, Target et Home Depot que ses actions allaient entraîner une hausse des prix de leurs produits. Difficile pour les investisseurs de gérer sur des tweets. La preuve, les paniers de titres peu exposés aux droits de douane affichent à peu près la même performance que les paniers de titres très exposés depuis le pic du S&P 500. Les incertitudes ne seront probablement pas levées avant le troisième trimestre selon Scott Bessent, le secrétaire d’Etat au Trésor.
Après Microsoft, c’est Amazon qui aurait suspendu des discussions pour de nouveaux baux destinés à la construction de datacenters.
Le titre d’IBM est sévèrement pénalisé lors de sa publication : les résultats du trimestre sont supérieurs aux attentes (rien de stellaire quand même : 1% de croissance de chiffre d’affaires), mais le CEO relève que bien que le comportement des clients n’ait pas changé matériellement, l’incertitude actuelle pourrait les entraîner à suspendre leurs dépenses, et environ 100 M$ de contrats ont été suspendus ou annulés par le DOGE.
Alphabet publie d’excellents résultats : chiffre d’affaires en hausse de 12%, résultat net de 46%. La division Search (publicités dans la barre de recherche) n’est à ce stade pas affectée par la concurrence des IA, et le management déclare que la société n’est pas immunisée contre la guerre commerciale, mais n’anticipe qu’un petit impact négatif.
Après LVMH et Hermès, ce n’est pas de Kering que le marché attendait des chiffres extraordinaires, et de fait le chiffre d’affaires baisse de 14% au premier trimestre (-25% pour Gucci).
La minute innovation 🧚🏻
La tête et les jambes : six des vingt robots humanoïdes engagés dans le semi-marathon de Pékin l’ont terminé. Le meilleur, Tiangong Ultra, finit en 2h40.
Le Chinois CATL annonce encore une nouvelle batterie pour véhicules électriques : 5 minutes de charge pour 520 kilomètres, et 1 500 km en une seule charge.
YouTube a 20 ans et devrait devenir cette année le premier média au monde. 20 millions de vidéos téléchargées et 3,5 milliards de likes par jour : compilation par Google.
Pilotage à vue 🌫️
There is a path where Tesla is worth more than the next top five companies combined. C’était l’introduction de Musk à la conférence de présentation des résultats trimestriels de Tesla il y a trois mois. La raison de cette valorisation future ? Quasi-exclusivement les véhicules autonomes et les robots humanoïdes, autonomes également (il fait
bien de préciser puisque les précédentes démos étaient en fait pilotées à
distance). Et plutôt les robots que les véhicules. La promesse est réitérée
lors de la présentation des résultats du premier trimestre cette semaine, même si la majeure partie de l’introduction est cette fois consacrée à défendre l’action du DOGE, et à signaler qu’il y consacrera beaucoup moins de temps à partir de début mai.
Les résultats du premier trimestre en bref : chiffre d’affaires en baisse de 9%, la baisse des ventes de véhicules (-20%) étant partiellement compensée par la hausse des divisions stockage d’énergie et
services, baisse de 343 points de la marge opérationnelle (2,1% vs 5,5% au premier trimestre 2024), et baisse de 71% du résultat net (-39% hors éléments non-récurrents). Les livraisons du T1 sont impactées par les mises à niveau des usines produisant le modèle Y et par le « vandalisme » contre la marque mais la société ne voit pas de réduction de la demande, hormis l’impact des incertitudes économiques sur la consommation. Le marché a accueilli ces nouvelles avec enthousiasme, même si le titre est encore loin de son plus-haut.
On peut choisir de payer pour voir quand on connaît l’horizon et les métriques permettant de valider ou invalider sa thèse d’investissement, et qu’on croit au marché final bien sûr. Sur Optimus, j’ai des doutes. La robotique industrielle ne passe pas par des humanoïdes, et côté
gadgets de consommation, Musk pense que « tout le monde voudra son pote robot », mais à 20 ou 30 000$ pièce cela semble hautement improbable. La production cible d’Optimus est passée de 100 millions (dans quelques années) à 1 million (fin de la décennie) en l’espace d’un trimestre. A court terme, les aimants permanents pour les bras du robot ne sont plus exportés par la Chine, en guise de représailles sur les droits de douane.
Quant aux flottes de Tesla complètement autonomes, l’idée
est séduisante, mais la probabilité d’avoir plus de visibilité sur la date à
laquelle elles seront disponibles est faible : à ce stade, les Waymo
(Google) amusent les touristes à San Francisco mais sont supervisées à
distance, et depuis vingt ans que les recherches ont commencé, on est évidemment plus près du but mais on n’a toujours pas de date pour une véritable généralisation. La solution technologique de Tesla (IA généralisée vs capteurs et lidars pour la concurrence) est encore en évolution, ce que ne manqueront pas de noter les régulateurs. Et si le lancement à Austin est confirmé pour juin, c’est avec le modèle Y (le cybercab n’entrera en production qu’en 2026), obligation de regarder la route, contrôle à distance, et l’impact sur les comptes est décalé par Musk au second semestre 2026 (ce qui semble optimiste).
En attendant, restent les batteries, aucun doute sur la
valeur ici, mais c’est le produit le plus à risque dans une guerre commerciale, et les voitures, probablement pénalisées par l’image de Musk, et dont le modèle d’entrée de gamme sera très similaire au modèle Y, alors que les concurrents, chinois notamment, innovent. Le titre se paie 150x les résultats attendus pour 2025 par le consensus, qui semble encore optimiste puisqu’il attend une baisse de 20% seulement des résultats. Il n’est pas du tout impossible que la société affiche des pertes au deuxième trimestre : les droits de douane sur l’automobile entrant en vigueur début mai au Canada et au Mexique impacteront
la profitabilité de la division, et la rentabilité de la division énergie sera
particulièrement affectée, les batteries LFP venant de Chine. Enfin, le trackrecord récent du management laisse à désirer. Musk a promis au début que le DOGE ferait des économies de 2 000Md$, puis de 1 000 Md$ sur le budget de 2026. Il en anticipe désormais 150, et même ce chiffre est contesté.
Nous reviendrons sur le thème de la robotique, mais pour ce
qui est de Tesla, à moins de vouloir parier sur une résolution rapide du
conflit entre les Etats-Unis et la Chine, dont le titre sera bien sûr le
premier à bénéficier, il n’y a aucune raison de se précipiter.
Cet article ne constitue pas une recommandation d’investissement sur les thèmes ou les titres mentionnés.