La macro 🌡️
🤔 Une semaine en demi-teinte pour les indices mondiaux, les signaux contrastés sur l’inflation en fin de semaine ayant freiné les ardeurs des investisseurs. Un scénario de « no-landing » émerge : ni soft ni hard landing, une croissance forte et une inflation persistante.
Aux Etats-Unis, on observe de nouveau un ralentissement de l’inflation (CPI, c’est-à-dire l’inflation des prix finaux ou indice des prix aux consommateurs) pour le septième mois d’affilée, à 6,4% sur la même période de l’année dernière contre 6,5% en décembre. Le PPI en revanche (les prix à la production) augmente plus que prévu à 6% en raison du rebond des prix de l’énergie, et entraîne quelques commentaires d’officiels de la Fed sur la difficulté de juguler l’inflation malgré les hausses de taux, et un retournement à la baisse du marché. Le marché attend désormais un pic des taux à 5,3% en juillet. Sinon, poursuite des tendances récentes : inscriptions aux chômages toujours inférieures aux attentes, faiblesse de l’immobilier avec des mises en chantier en baisse pour le cinquième mois consécutif (record depuis 2009), et quand même une surprise sur les ventes au détail, en hausse de 3% après un mois de décembre inhabituellement faible (pour les restaurants et les bars, c’est +7,2%).
La Commission européenne revoit ses prévisions de croissance à la hausse pour la zone € (0,9% pour l’année), avec une inflation qui ralentirait à 6,4%. Le nombre de personnes ayant un emploi a augmenté de 0,4% dans la zone € au quatrième trimestre 2022 par rapport au trimestre précédent.
La micro 🏢
Au 10 février, les rachats d’actions annoncés s’élevaient à 175Md$, deux fois le montant de l’année dernière à la même période. 75Md$ rien que pour Chevron, 40Md$ pour Meta. Sur l’ensemble de l’année, 2022, ils se sont élevés à 1,22trn$. 1% de ce montant va au financement de l’Inflation Reduction Act, et le président Biden a menacé de quadrupler ce taux.
Palantir, la plateforme de big data un peu sulfureuse fondée par Peter Thiel et Alex Karp il y a 20 ans et financée par In-Q-Tel, le fonds de venture de la CIA, prend 22% sur l’annonce de ses résultats trimestriels, après un parcours désastreux depuis deux ans, qui succédait à une très brève euphorie après l’introduction en bourse d’octobre 2020. La société annonce des ventes en hausse de 18%, des résultats positifs pour la première fois, et compte désormais 143 clients commerciaux, réduisant la dépendance au gouvernement que lui reprochent les marchés. Palantir commercialise la plateforme d’analyse de données destinée aux services de renseignement Gotham, qui aurait aidé à localiser Ben Laden, ainsi que Foundry, une plateforme d’analyse de données pour les industriels.
Airbnb prend 13% le jour de sa publication de résultats : 40% de croissance de chiffre d’affaires en 2022, près de 2Md$ de résultat net, 6,6 millions de biens en location. Le thème des loisirs a de beaux jours devant lui.
Roblox clôture en hausse de 26% sur la publication de prises de commandes en accélération au quatrième trimestre à +21% à taux de change constant. Roblox, qui compte 59,5 millions d’utilisateurs actifs, est une plateforme permettant à ses utilisateurs de créer des expériences immersives (jeux vidéo, concerts, défilés etc). Et de personnaliser jusqu’à l’expression faciale de son avatar lorsqu’on est très attaché à son identité numérique.
Baisse de 15% de Shopify, la plateforme permettant de créer des sites d’e-commerce dont les ventes avaient explosé pendant le confinement, et qui prévient que le premier trimestre devrait voir une décélération marquée de la croissance.
DraftKings prend 15%, avec un chiffre d’affaires en hausse de 81% au quatrième trimestre et des objectifs 2023 revus à la hausse. La société opère sur un marché porteur, celui des paris en ligne.
Le fabricant d’équipements de laboratoire Watersachète Wyatt Technology pour 1,36Md$ en cash.
Les dépenses de la Saint Valentin devraient s’établir selon la National Retail Federation et Prosper Insights à 29,5Md$ – Le Singles’ day 2022 (fête des célibataires en Chine), c’était 136Md$.
Musk ne sera plus CEO de Twitter à la fin de l’année.
L’inflation profite aux géants de la distribution : Carrefouret Ahold signent de belles performances boursières sur leurs publications, avec des chiffres d’affaires en hausse respectivement de 16% et 15%.
Pour Air France aussi, tout va bien avec un CA en hausse de 50% au quatrième trimestre.
Hermès publie des résultats stellaires et offre une prime de 4000€ à tous ses employés.
Bref, contrairement aux semaines précédentes, les publications des entreprises sont plutôt bien orientées, à l’exception en France d’EDF (on ne reviendra pas sur la perte abyssale et les errements de politique étatique qui en sont au moins partiellement à l’origine) et de Kering, plombé par la contreperformance de Gucci.
Le pire investisseur du monde 🗝️
L’emblème des erreurs d’appréciation des années d’argent facile est peut-être Softbank, le conglomérat japonais de télécommunications (Softbank et Yahoo Mobile), de services aux entreprises, de distribution, de services financiers et de médias (Yahoo Japan) fondé par Mayasoshi San en 1981, qui s’est lancé en 2017 dans le venture avec le lancement du premier Vision Fund.
Softbank a publié il y a dix jours une perte de plus de 900MdJPY pour les neuf premiers mois de son exercice fiscal 2022 (qui se clôture en mars prochain) : 3,7trnJPY de profits pour les activités d’investissement de la holding (essentiellement grâce à la vente d’actions Alibaba), et 5trnJPY de pertes pour les Vision Funds (1 et 2). Entre le conglomérat japonais et les fonds de venture privilégiant les sociétés engrangeant des pertes, c’est le grand écart financier (après le grand écart culturel).
Lancés respectivement en 2017 et 2019, les Vision Funds 1 et 2 valent à leur fondateur d’être candidat au titre de pire investisseur du monde. Il a l’habitude, puisqu’il avait déjà perdu 70Md$ à l’éclatement de la bulle internet, la perte la plus importante jamais réalisée par un seul homme (enfin, avant l’avènement des cryptos). Il est également à l’origine du gain le plus important (sur Alibaba).
Tout n’est pas noir cependant : VF1 a investi 98,6Md$ et gagne à ce jour 13,1Md$. VF2, en revanche, n’a réussi à convaincre les investisseurs « qu’à hauteur » de 56Md$, et affiche à ce jour une perte de 17Md$. Avec 348 investissements, dont 311 en non coté, de Revolut à Wix en passant par e-toro, WeWork ou Arm, difficile d’éviter tous les écueils. Mais de Klarna à Wirecard, et bien sûr FTX (perte de 97M$), la stratégie d’investissement laisse effectivement à désirer. Quoiqu’il en soit, et c’est le paradoxe de l’époque, le pire investisseur du monde, comme le meilleur, est milliardaire.