Marchés euphoriques en cette semaine de pivot des banques centrales, avec une Fed plus accommodante que prévu et une BCE qui acte le ralentissement de la croissance et de l’inflation en déclarant mollement qu’il n’est pas encore question de baisser les taux. Côté micro, newsflow soutenu dans la santé. Point sur la viande cultivée en laboratoire.
Macro 🌡️
Aux Etats-Unis, l’indice des prix à la consommation baisse légèrement (3,1% par rapport à novembre dernier contre 3,2% en octobre), et le core(hors alimentation et énergie) est stable à 4%. L’inflation des biens est revenue à zéro et l’inflation des services (logement compris) est toujours deux fois plus élevée qu’avant la pandémie. Les nouvelles demandes d’allocations chômage restent basses (202 000). Le comité directeur de la Fed maintient les taux directeurs inchangés et projette 3 baisses en 2024 (le dot plot), avec une cible en fin d’année de 4,6% contre 5,1% précédemment. Il anticipe un taux de chômage en légère hausse (4,1%), et considère que l’inflation devrait être à la cible de 2% fin 2025. Le 10 ans passe sous la barre des 4% pour la première fois depuis juillet.
La production industrielle en zone € chute de 6,6% (octobre) et le PMI composite de décembre se contracte encore. La BCE laisse ses taux inchangés. Christine Lagarde déclare qu’une baisse n’a pas du tout été évoquée, mais le comité a réduit ses anticipations d’inflation à 5,4% en 2023 et 2,7% en 2024, et de croissance à respectivement 0,6% et 0,8%.
En Chine aussi la dé(sin)flation est à l’ordre du jour, avec des prix à la consommation en baisse de 0,5% et des prix à la production à -3%.
L’Argentine est malheureusement hors concours : la banque centrale laisse son taux directeur inchangé à … 133%.
Le prix du pétrole se stabilise après plus de 20% de baisse depuis fin septembre, alors que la COP 28 se conclut sur un appel à une transition hors des énergies fossiles. Le gaz naturel est néanmoins mentionné comme pouvant jouer un rôle dans la transition, tandis que les technologies clefs évoquées sont la capture et le stockage de CO2, les renouvelables et le nucléaire.
Micro 🏢
Le titre de Macy’s (grands magasins Macy’s et Bloomingdale’s) bondit sur une rumeur d’offre publique d’achat de 5,8Md$ provenant d’Arkhouse Management et Brigade Capital Management. Elle se ferait au prix 21$, soit approximativement 20% au-dessus du dernier cous coté et 60% au-dessous du plus-haut de 2015. Les actifs immobiliers de la société pourraient valoir de 5 à 8,5Md$, dont 10 à 15% pour le flagship de Herald Square à New York.
Adobe communique des objectifs 2024 décevants, hors Figma dont l’acquisition est encore en cours d’étude par l’anti-trust) et révèle que la Federal Trade Commission, chargée de protéger le consommateur, enquête sur sa gestion des abonnements.
Docusign, qui capitalise 12,8Md$ soit environ 5 fois moins qu’en 2021, quand le monde passait à la signature électronique, envisagerait de se vendre selon le Wall Street Journal.
Alphabet perd un procès contre Epic Games (Fortnite) : Google Play exerce un monopole en prévenant d’autres moyens de téléchargement. La société pourrait devoir ouvrir la porte à une distribution des apps hors de Google Play.
Tesla doit rappeler plus de 2 millions de véhicules en raison d’insuffisances de son système de conduite assistée Autopilot. Et dévoile de son robot humanoïde, Optimus – Gen 2, faisant des squats, manipulant des œufs et dansant (à la toute fin de la vidéo).
Les stocks de véhicules électriques chez les concessionnaires américains ont quasiment doublé en un et s’établissent à 114 jours de demande en décembre. La demande ralentit en raison de prix élevés et d’une infrastructure encore insuffisante.
Etsy, plateforme de commercialisation de Do It Yourself, souffre d’une relative désaffection depuis la fin de la pandémie et, face au ralentissement de ses ventes, annonce une réduction de 11% de ses effectifs.
L’assureur santé Cigna renonce à la fusion avec Humana, les deux parties ne s’étant pas accordées sur le prix.
Baisse de 7% de Pfizer à l’annonce de ses objectifs 2024. Le groupe pharmaceutique anticipe des ventes à peu près stables malgré l’intégration de Seagen, dont il finalise l’acquisition ce mois-ci. Le chiffre d’affaires est pénalisé par la baisse continue des ventes du vaccin anti-covid (encore 8Md$ en 2024), et ce n’est que le début puisque le groupe évalue à 17Md$ les ventes à risque de concurrence générique entre 2025 et 2030.
A l’inverse, les biotechs brillent cette semaine : Vertex publie des résultats de phase 2 positifs de son traitement non-opiacé des douleurs neuropathiques (+13% en séance) et Incyte affiche la plus forte hausse du S&P500 le jour de l’annonce des résultats de phase 2 de son traitement de la maladie du greffon contre l’hôte (complication de la greffe de moëlle osseuse). Quant au vaccin à ARN de Moderna, en association avec le Keytruda de Merck, il entraîne une diminution de 49% du risque de décès ou de récurrence à 3 ans dans les mélanomes (cancers de la peau) de stage III/IV dans une étude chez 157 patients, entraînant un rebond (modeste) du titre star du confinement.
La chaîne de pharmacie Walgreens chercherait de nouveau à se séparer de Boots (2 000 pharmacies au UK) pour réduire sa dette, via une cession ou un spin-off. Achetée entre 2012 et 2014 pour un montant de 10,7M$, elle vaudrait désormais 8 ou 9Md$.
Le Dollar Cost Averaging de vos ados (programmer des investissements réguliers pour lisser les points d’entrée, en actions ou en cryptos), ça marche aussi dans l’autre sens : Marc Benioff (Salesforce) vend 15 000 actions de sa société quasiment tous les jours. A hauteur de 475M$ cette année. C’est le seul de tous les milliardaires que suit Bloomberg à mettre en œuvre cette stratégie.
Le marché salue le projet de scission de Vivendi en plusieurs entités cotées en Bourse : Canal+, Havas et une société d’investissement détenant des participations cotées et non cotées dans les secteurs de la culture, des médias et du divertissement.
Selon France Fintech, les fintechs françaises ont levé 919M€ en 2023, soit une baisse de près de 70% par rapport à 2022.
Le bonheur est dans le pré 🍗
600M$ d’investissements pour 450 grammes de poulet par mois (c’est un raccourci).
Tout cela à cause de deux théories économiques dont la Silicon Valley est devenue l’épicentre : la destruction créatrice et la théorie monétaire moderne : d’une part l’innovation conduit les moins productives des entreprises à disparaître, et d’autre part la création de monnaie n’a pas de limites. Encore un raccourci, mais l’économie n’est pas une science exacte.
Nous évoquions il y a quelques mois le retournement du marché des viandes végétales. Une innovation destinée à faire du bien à la planète, à la santé humaine et aux animaux bien sûr, qui n’a pas vraiment trouvé ses consommateurs. Beyond Meat, valorisée plus de 13Md$ peu après son introduction en bourse en 2019, cote aujourd’hui moins de 650M$.
Le secteur des protéines alternatives (alt-protein) n’en a pas moins levé 724M$ au troisième trimestre 2023 en capital-risque. Les protéines alternatives, c’est aussi la viande cultivée en laboratoire, produite en extrayant des cellules souches animales pour créer des lignées cellulaires, afin de produire du muscle qui, mélangé à de la graisse et d’autres ingrédients, ressemblerait à de la viande (les différentes étapes sont décrites ici).
En 2022, l’industrie comptait 156 sociétés ayant levé collectivement 2,78Md$ auprès d’investisseurs allant de Bill Gates à Temasek Holdings, et travaillant sur des produits aussi variés que la crevette, le foie gras ou … le mammouth (un signal d’alarme sur le secteur ?). Le leader, Upside Foods, créé en 2015, pensait être distribué chez Whole Foods en 2020 et Costco en 2021. Huit ans et 600M$ plus tard, il a obtenu l’accord de la FDA et de l’USDA pour produire et commercialiser, et vend l’équivalent de 450 grammes de poulet par mois. Avec des teneurs en plomb et en cholestérol supérieures à celles du poulet naturel. Et une empreinte carbone probablement très supérieure (la viande est produite dans des bouteilles en plastique à usage unique), alors qu’il ambitionnait une réduction de 90% des émissions de gaz à effet de serre.
En somme, investir dans la décarbonation de l’économie ne dispense pas d’un questionnement sur les solutions proposées.