Bitcoin fondant à la manière de l'or

Hausse généralisée cette semaine, à l’approche du prochain comité de la Fed et dans un contexte de déclin des tensions sino-américaines.

Krach crypto de la semaine dernière : le Bitcoin s’institutionnalise, mais n’est pas une valeur refuge.

Macro 🔭

 

Aux Etats-Unis, la principale donnée de la semaine était l’inflation de septembre, publiée avec une semaine de retard à cause du shutdown (désormais deuxième plus long de l’histoire). A 3%, elle est au plus-haut de l’année, mais inférieure aux attentes, et le marché continue à parier sur une baisse de taux la semaine prochaine. L’absence de rebond plus marqué vient du ralentissement des hausses de prix dans le logement et l’assurance, et pour les produits touchés par les droits de douane, de ce que les importateurs comme les exportateurs choisissent pour l’instant d’absorber une partie de la hausse dans leurs marges. Les signaux d’activité sont plus positifs que ces dernières semaines : l’indice de la Fed de Kansas City poursuit sa reprise et le PMI composite d’octobre surprend à la hausse. 

Dans la zone €, le PMI composite d’octobre (52,2) confirme l’expansion, grâce à l’activité dans les services, qui touche un plus-haut d’un an, tandis que l’activité manufacturière évite la contraction attendue. L’amélioration touche plutôt l’Allemagne ; sans surprise, le PMI français affiche le quatorzième mois de contraction, plus surprenant, les indicateurs de confiance des consommateurs et des entreprises se redressent un peu.

Au Japon, Sanae Takaichi devient la première femme à décrocher le poste de premier ministre, et nomme une femme au ministère des Finances. Dans un pays où plus de 80% des députés sont des hommes, il s’agirait d’un séisme si Sanae n’était pas ultra-conservatrice (malgré sa pratique de la batterie et son amour d’Iron Maiden). Partisane d’une politique budgétaire expansionniste, elle complique encore la tâche de la banque centrale, qui se réunit la semaine prochaine, d’autant que la reprise de l’inflation en septembre (2,9%) justifierait une hausse de taux. Les PMI d’octobre sont mal orientés, en raison de l’impact des droits de douane, qu’elle doit renégocier avec Trump prochainement.

En Chine, la croissance du PIB au T3 est satisfaisante à 4,8% mais elle reste tirée par les exportations, qui représentent encore 6,2% du PIB, tandis que la consommation, qui n’est pas repartie depuis la pandémie et stagne à 40% du PIB ; les ventes au détail affichent d’ailleurs leur plus faible croissance depuis fin 2024 (à 3%). La quatrième session plénière du PC donne les grandes lignes d’un plan à 5 ans qui met l’accent sur l’autonomie technologique, l’investissement dans la production et le soutien à la consommation, et vise une croissance de 4,5% par an. Les détails seront communiqués en mars. Les prix des logements neufs baissent encore, comme depuis plus de trois ans maintenant, mais de moins en moins (2,2% en septembre). Un nouveau round de négociations avec les Etats-Unis se tiendra en Malaisie du 24 au 27 octobre.

Micro 🔬

C’est au tour du gouverneur de la Banque d’Angleterre d’alerter sur la dette privée, faisant un parallèle avec les subprimes. Les acteurs du secteur pourraient être prochainement soumis à des stress tests.

Quiconque a déjà essayé de shorter Tesla sait ce qu’il en coûte, et pourtant, à 195x les résultats des douze prochains mois la veille de la publication, c’était tentant. La réaction sur les résultats du troisième trimestre a été négative, mais modérée : malgré un trimestre de ventes record grâce au rush avant la fin des subventions, le résultat opérationnel plonge de 40%, le résultat net de 30%, mais Musk fait le show sur le robot Optimus et les robotaxis, donc ça passe à peu près. Et s’insurge contre les « terroristes corporate » (les sociétés de conseil en vote actionnarial ISS et Glass Lewis), qui s’opposeront à son package (1000 Md$ sur 10 ans si les objectifs sont atteints). Il le défend ainsi : “There needs to be enough voting control to give a strong influence, but not so much that I can’t be fired if I go insane”. A débattre.

Les résultats et les objectifs d’Intel, sans être stellaires, confirment le redressement que les nouveaux actionnaires (l’Etat, Nvidia et Softbank) vont contribuer à pérenniser.

Anthropic et Alphabet signent une nouvelle méga-opération dans l’IA, par laquelle Anthropic s’engage sur l’achat de dizaines de Md$ de puissance de calcul à Google, sans détails sur les conditions.

Meta élimine 600 postes dans sa division Intelligence artificielle.

Le titre Texas Instruments est pénalisé en raison d’objectifs prudents pour le quatrième trimestre. Le fabricant de semiconducteurs, relativement peu exposé à l’IA, signale un attentisme de ses clients industriels et une reprise plus lente que prévue dans l’automobile. Texas est un indicateur du cycle manufacturier global, et ces résultats renforcent l’impression d’une croissance qui tient essentiellement aux investissements dans l’intelligence artificielle.

La défaillance d’un datacenter d’Amazon Web Services, leader mondial du cloud avec 30% de part de marché, entraîne lundi l’impossibilité d’accéder à plus de mille sites web et apps, des plateformes financières Robinhood et Coinbase à Snapchat ou au site du gouvernement britannique. Pour le cloud, on peut aussi choisir OVH, dont les serveurs ne font plus parler d’eux depuis quelque temps, a contrario du cours de bourse : -25% cette semaine, sur l’annonce d’objectifs tout aussi poussifs que la performance du trimestre (9% de croissance de chiffre d’affaires, soit deux à trois fois moins que ses concurrents, et un résultat tout juste à l’équilibre), et du retour d’Octave Klaba à la direction générale. Si on veut un cloud européen, il va falloir une véritable politique industrielle.

Warner Bros. Discovery annonce explorer ses options, scission ou cession, après avoir refusé l’offre de Paramount, jugée trop basse.

Netflix publie des résultats et des objectifs en ligne avec les attentes (17% de croissance de chiffre d’affaires notamment), mais le titre est pénalisé par l’annonce d’un paiement de 619 M$ au Brésil pour régler un litige fiscal remontant à 2022. La sanction boursière est inhabituelle pour ce qui reste une charge exceptionnelle, et pour une société qui devrait générer 9 Md$ de free cash flow cette année. Elle doit peut-être aussi aux interrogations des investisseurs sur l’impact de l’IA sur la création de vidéos et sur le fait que le temps passé par les utilisateurs sur Netflix stagne.

Selon Counterpoint Research, les ventes d’Apple sont mieux orientées : celles de l’iPhone 17 seraient plus élevées de 14% que celles de son prédécesseur aux Etats-Unis et en Chine.

Une baisse de chiffre d’affaires plus modérée qu’au trimestre dernier propulse Kering vers de nouveaux sommets, quelques jours après l’annonce de la cession de Kering Beauté (Creed, licences Gucci, Bottega Veneta, Balenciaga) à L’Oréal pour 4 Md$.

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La minute innovation 🧚🏻

Dans une étude publiée dans le New England Journal of Medicine, l’implant sous-rétinien de la medtech française Pixium Vision restaure la vue de 27 patients sur 32. La société ayant fait faillite, c’est l’Américain Science Corp, qui a repris les actifs, qui commercialisera.

OpenAI, dans sa quête de l’intelligence générale artificielle, a fait une gaffe en publiant le week-end dernier que GPT-5 avait résolu 10 problèmes du mathématicien Erdös, pour se voir répondre sur X que les problèmes en question avaient été résolus, et que l’IA n’avait fait que scraper internet pour trouver les réponses.

OpenAI, toujours, lance son navigateur Atlas (uniquement sur macOS pour l’instant), qui mêle IA et navigation et possède un mode Agent (pour les abonnés ChatGPT Plus et Pro). La société annonce également recruter dans le cadre du Projet Mercury plus de 100 ex-banquiers d’investissement pour entraîner son modèle à répliquer les tâches des analystes junior.

Le Bitcoin à l’épreuve du feu 🔥

Après avoir qualifié le Bitcoin de fraude (par l’intermédiaire de son CEO), JP Morgan annonce cette semaine qu’elle autorisera ses clients à l’utiliser, ainsi que l’Ether, en collatéral de prêts à la fin de l’année (la banque accepte déjà les ETF crypto en collatéral). C’est une énième preuve d’institutionnalisation, qui va dans le sens de la thèse communément défendue sur le Bitcoin, à savoir qu’il serait une réserve de valeur, ou le pendant numérique de l’or.

Que penser dans ce cas du krach de la semaine du 10 octobre, qui a vu la capitalisation du marché crypto chuter de 600 Md$ (dont près de la moitié pour le bitcoin) en réponse à une flambée de tensions entre les Etats-Unis et la Chine ? Manifestement, il ne fait pas office de couverture contre le risque économique et géopolitique.

Le krach, comme souvent, vient de l’effet de levier, qui avait atteint un plus-haut historique les jours précédant la chute : les positions futures représentaient 40% de tout le Bitcoin détenu par les plateformes (soit environ 10% du total déjà « miné »), quand elles représentent par exemple 25-30% pour le S&P 500. L’étroitesse du marché (la formation du prix se fait sur les plateformes) le rend beaucoup plus sensible aux chocs exogènes. La baisse de la crypto a entraîné des liquidations forcées, évaluées à 19 Md$ pour l’ensemble des cryptos.

Du levier, il y en a aussi dans les Bitcoin treasury companies, ces sociétés cotées qui changent leur objet social pour devenir des machines à lever de l’argent pour l’investir en Bitcoins, ou qui investissent une partie de leur trésorerie dans la crypto. Cette semaine, à Hong Kong, le régulateur a bloqué au moins cinq de ces transformations. L’Inde affiche également une position restrictive. Les modèles les plus en vue, Strategy aux Etats-Unis et Metaplanet au Japon, affichent de fortes baisses cette année, et on estime les pertes des investisseurs retail sur le secteur à 17 Md$. Avant le rebond de cette semaine, Metaplanet traitait avec une décote sur sa valeur d’entreprise, comme 25 (seulement ?) des 206 Bitcoin treasury companies recensées par BitcoinTreasuries (à noter : le site ne retraite ses calculs de prime ni de la dette, ni des actions à émettre). Strategy traite encore avec plus de 35% de prime (en réintégrant la dette et les actions à émettre), Trump Media & Technology Group à plus de 100%.

En conclusion, on peut avoir plein de raisons, l’incurie des gouvernements en place notamment, pour acheter du Bitcoin, mais bien qu’il soit en voie d’institutionnalisation, il n’a pas encore les caractéristiques (profondeur du marché et structure des flux notamment) d’une valeur refuge. Si l’effet de levier a été fortement réduit la semaine du 10 octobre, il y en a encore. De plus, la hausse a été largement portée, au-delà des ETF, par les achats des Bitcoin treasury companies, en particulier Strategy, qui à lui seul a acheté depuis le 1er janvier 2024 451 000 btc, soit une quantité supérieure à l’offre nouvelle (les Bitcoins « minés » pendant la période), et par le développement du marché des dérivés, qui a amplifié les mouvements haussiers, et les amplifie également à la baisse.

Prochaine édition le 7 novembre.

Cet article ne constitue pas une recommandation d’investissement sur les thèmes ou les titres mentionnés.