Les résultats des GAFAM ne lèvent pas les doutes semés par DeepSeek

La semaine se passe mieux en Europe et en Asie qu’aux Etats-Unis, où DeepSeek agite les marchés, tandis que la lune de miel avec Trump montre des signes d’essoufflement.

Les résultats des GAFAM cette semaine valident-ils les promesses de l’IA ?

Macro 🔭

 

Aux Etats-Unis, l’enthousiasme économique retombe un peu : la confiance des consommateurs (indice du Conference Board) plonge en janvier à un plus-bas de quatre mois et les indicateurs de l’immobilier déçoivent. La croissance du PIB au dernier trimestre est inférieure aux attentes. L’inflation mesurée par le PCE augmente plus en décembre (2,6% annualisé) qu’en novembre (2,4%), en ligne avec les anticipations. La tentative de Trump de geler les subventions et prêts fédéraux est bloquée par un juge, et l’administration choisit de faire machine arrière. Le secrétaire d’Etat au Trésor propose des droits de douane généralisés de 2,5%, Trump veut plus et enclenche (ce samedi) les 25% pour le Mexique et le Canada. Sans surprise, la Fed maintient les taux inchangés et son président déclare attendre des précisions sur les politiques mises en place par Trump, et plusieurs lectures d’inflation satisfaisantes pour évaluer la trajectoire future.

Sans surprise, la BCE abaisse son principal taux directeur de 0,25% et continue à surveiller une inflation pourtant déjà proche de la cible (et inférieure aux attentes en France et en Allemagne cette semaine), tandis que la première lecture de la croissance de la zone (PIB stable par rapport au trimestre précédent) déçoit les attentes, et que le taux de chômage s’établit à 6,3% en décembre après 6,2% en novembre. La confiance du consommateur rebondit un peu. L’enquête de la BCE sur les prêts bancaires au T4 met en évidence un durcissement des conditions de crédit pour les entreprises, une stabilité pour les particuliers, et une petite augmentation des prêts aux entreprises et à la consommation, sur des niveaux faibles, tandis que le crédit immobilier affiche un rebond plus marqué.

La banque d’Angleterre s’inquiète des tensions inflationnistes que pourrait entraîner la baisse marquée du GBP, causée par les incertitudes sur la trajectoire fiscale.

En Chine, les données de la semaine sont mitigées : le PMI composite officiel (inférieur ces derniers mois à celui que publie S&P) reste tout juste en zone d’expansion, sa composante manufacturière se dégradant plus que prévu. En ce début d’année du serpent, le CLSA Feng Shui Index analyse les marchés à l’aune de l’horoscope chinois : smart et perché comme un Anglais sous les Tropiques et probablement aussi fiable que les prévisions des stratégistes classiques.

Au Japon, à l’exception du fléchissement de la confiance des consommateurs, la tendance reste positive, avec une accélération de la hausse des ventes de détail en décembre, un taux de chômage en baisse à 2,4%, et une amélioration des indicateurs de l’immobilier et du PMI manufacturier.

La banque centrale du Brésil relève de nouveau son taux directeur de 1%, portant le Selic à 13,25%.

Micro 🔬

Nvidia perd sa place de première capitalisation boursière mondiale lundi, le titre affichant une baisse de 17% (soit 589 Md$) sur la révélation du nouveau modèle LLM du Chinois DeepSeek évoqué la semaine dernière dans la section Innovation de cette lettre, et dont les deux premières minutes de cette vidéo expliquent l’essentiel. La nouvelle affecte également les titres liés à l’énergie, des producteurs d’uranium ou de réacteurs nucléaires aux services aux collectivités ou aux fournisseurs de systèmes d’installation comme Schneider Electric ou Legrand (DeepSeek consommerait 10% de la quantité d’énergie nécessaire à OpenAI). Pendant ce temps, Microsoft et OpenAI lancent une investigation sur un potentiel siphonnage des données d’OpenAi par DeepSeek, et le gouvernement américain enquête sur un éventuel achat par la société chinoise des derniers processeurs Nvidia malgré les restrictions à l’exportation. Les perspectives de l’IA sont au centre des publications des GAFAM cette semaine, détaillées dans le thème final de cette édition.

Selon Trump, Microsoft serait en pourparlers pour le rachat des activités américaines de TikTok. La société avait de fait négocié en 2020, dans les mêmes circonstances; cette fois elle ne commente pas.

L’anti-trust enquête sur une possible entente entre Lyft et Uber pour limiter les salaires des chauffeurs, et le DoJ tente de bloquer l’acquisition de Juniper par HP Enterprise.

Le titre du transporteur UPS s’enfonce encore sur l’annonce que les ventes 2025 baisseront, en raison notamment de l’accord passé avec Amazon : le volume de paquets Amazon livrés par UPS baissera de plus 50% d’ici le deuxième semestre 2026. Officiellement, UPS n’en veut pas car l’activité a une marge faible. Il se trouve qu’Amazon a développé son propre réseau de transports, où les salaires sont dans l’ensemble très inférieurs à ceux pratiqués par UPS, qui n’a pas de marge pour négocier.

ASML s’offre une hausse mercredi en publiant des commandes très supérieures à celles du troisième trimestre. La société confirme l’objectif d’une croissance des ventes 2025 comprise entre 6 et 24% et déclare que la demande est tirée par l’intelligence artificielle. 1-0 pour l’IA (boursièrement, pas sûr : le titre prenait 12% à l’ouverture, 5% à la clôture).

Mediobanca refuse l’OPA de Banca Monte dei Paschi di Siena, soutenue par le gouvernement italien, la jugeant sans rationnel industriel ou financier.

Les résultats de LVMH mettent en évidence une petite accélération au T4, mais les publications précédentes, de Richemont notamment, avaient fait monter les anticipations, et le titre est pénalisé.

La minute innovation 🧚🏻

Vous voulez utiliser DeepSeek R1 ? Le setup nécessaire (hardware et software, coût total 6000$) est décrit ici. Attention, vos données ne sont pas protégées et sont conservées sans limite de durée.

Alibaba lance le nouveau Qwen 2.5, dont il affirme qu’il surpasse DeepSeek.

Au-delà des 15 Md$ promis dans le cadre du projet Stargate, Softbank serait en discussions préliminaires pour un investissement de 15 à 25 Md$ dans OpenAI, dans le cadre d’une levée de 40 Md$ sur une valorisation qui pourrait s’établir à près de 300 Md$, deux fois celle d’octobre dernier.

Land of promise 🦄

La réaction du marché cette semaine à DeepSeek R1, révélé en novembre et lancé il y a une dizaine de jours, démontre si c’était nécessaire que les valorisations du secteur technologique américain en général, et des titres liés à l’IA en particulier, sont tendues. Quand on lui vend du rêve, le marché accepte de regarder loin, mais de temps en temps il demande du concret, et le parallèle avec la bulle internet ressurgit : après une première phase d’excitation, la création de valeur avait mis des décennies à se matérialiser, dans le cas présent cela pourrait être plus rapide (40% des Américains utilisaient l’IA générative en 2024, deux ans après son apparition, un ratio atteint en 10 ans pour internet); les business models de la fin des années 90 étaient dans leur immense majorité non soutenables, dans le cas présent quelques entreprises ont des marges astronomiques (ce n’est évidemment pas le cas des milliers de startups qui disparaîtront sans doute) ; reste que la capitalisation boursière des sociétés au cœur de la révolution IA a augmenté de l’équivalent de 15% du PIB, alors qu’au pic de la bulle internet, c’était 10%, donc on guette le grain de sable et la matérialisation de l’effet IA dans les résultats. Que nous apprennent-ils cette semaine ?

Tesla clôture en hausse grâce à la communication de Musk. Au T4, les ventes de véhicules baissent de 8%, le chiffre d’affaires total augmente de 2%, la marge opérationnelle perd plus de 200 points de base pour s’établir à 6,2%, et le résultat net baisse de 71%. Sur l’année, le chiffre d’affaires augmente de 1% et les résultats baissent de 53% (-22% en données retraitées). Pour 2025, Musk promet le lancement de la conduite autonome non supervisée aux Etats-Unis, supervisée en Europe et en Chine, et celui d’un modèle d’entrée de gamme, mais ne s’engage plus sur une croissance de 20 à 30% des ventes de véhicules ni sur des baisses de coûts de la même ampleur qu’auparavant. Pas folichon quand on se paie quelque 13x le chiffre d’affaires attendu sur les 12 prochains mois et 120x les résultats, mais le discours fait rêver et la prime d’homme du président se maintient. Never underestimate the guy who overestimates himself?

Microsoft affiche un chiffre d’affaires en hausse de 12% au T4 (+21% pour le cloud, en deçà des attentes) et un résultat net en hausse de 10%. L’IA est sur une trajectoire de 13 Md$ de ventes annualisées (soit environ 5% du CA). Le groupe fait état de contraintes de capacité (en espace et en énergie) dans l’IA pour les deux prochains trimestres. Les commandes sont en forte hausse, essentiellement en provenance d’OpenAI, mais les prévisions pour le trimestre en cours ne sont pas très inspirantes. Encore ce sentiment de wait and see.

Apple publie un chiffre d’affaires trimestriel en hausse de 4%, pas si mal compte tenu de l’effondrement des ventes d’iPhones en Chine (les ventes globales d’iPhones baissent quand même de 0,8%), et des BPA en hausse de 10%. La base installée atteint 2,35 milliards d’appareils actifs, et les premières fonctionnalités d’Apple Intelligence sont disponibles depuis octobre aux Etats-Unis. En Chine, le groupe espère bénéficier de la fin du déstockage et du programme de relance de la consommation annoncé le 20 janvier. Les objectifs pour le prochain trimestre sont honorables : croissance de chiffre d’affaires de 1 à 5% malgré 2,5% d’effets devises négatifs, soit à peu près le même rythme que pour ce trimestre, et marge brute à peu près stable. Le CEO déclare que les iPhone 16 affichent une plus forte croissance dans les marchés où Apple Intelligence a été lancé mais n’attend néanmoins pas d’accélération au prochain trimestre mais plutôt au suivant. A confirmer, donc.

On termine par bro number 2, qui adopte un discours offensif en publiant les résultats de Meta : plus de 3,35 milliards d’utilisateurs quotidiens, le T4 est bon (CA +21%, résultat net +50% environ), mais l’objectif pour le T1 est décevant (chiffre d’affaires en hausse de 8 à 15%, après trois points d’effet devises négatif), et pour l’année 2025 les dépenses sont prévues en augmentation de plus de 20%, sans objectif de chiffre d’affaires. Meta AI génèrera du chiffre d’affaires « à terme », pas en 2025. Meta prend toujours son temps pour monétiser, à raison, mais encaisse de temps en temps une baisse de marge. Introduction de Mark: This is going to be a really big year. I know it always feels like every year is a big year, but more than usual, it feels like the trajectory for most of our long-term initiatives is going to be a lot clearer by the end of this year. So, I keep telling our teams that this is going to be intense because we have about 48 weeks to get on the trajectory that we want to be on. Qui fait une bonne conclusion : on saura plus tard si l’argent a été jeté par les fenêtres ou pas.

Cet article ne constitue pas une recommandation d’investissement sur les thèmes ou les titres mentionnés.

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