Poursuite du rebond de la plupart des marchés cette semaine, malgré des banquiers centraux qui tempèrent un peu leurs discours accomodants de la semaine dernière et des signaux faibles de tension sur la dette US. Beaucoup de résultats trimestriels, des rachats d’actions en forte baisse, mais des résultats qui recommencent à croître après trois trimestres de baisse. Point sur les interfaces cerveau-machine.
Macro 🌡
Aux Etats-Unis, l’enquête sur les conditions de crédit de la FED (Senior Lending Officers’ Opinion Survey) montre une petite diminution du durcissement monétaire répercuté par les banques, mais globalement il reste difficile de se financer et la demande de prêts baisse en conséquence. Faible demande pour l’adjudication de bons du Trésor à 30 ans, alors que les coûts de service de la dette sont maintenant supérieurs à 14% des rentrées fiscales. Anecdotiquement (ou pas), les transactions sur lesdits bons passés par la plus grande banque mondiale, ICBC, ont été réglées au moyen d’un coursier muni d’une bonne vieille clef USB, les systèmes de la banque ayant été attaqués par le hacker Lockbit. Powell, intervenant à une conférence du FMI, rappelle que des hausses de taux supplémentaires ne sont pas écartées à ce stade et qu’il n’est pas certain que l’inflation soit sous contrôle. L’indice de l’université du Michigan (confiance du consommateur) chute, et les anticipations d‘inflation remontent. Les inscriptions au chômage sont marginalement supérieures aux attentes.
En zone €, les prix à la production baissent. Les ventes au détail poursuivent également leur baisse entamée il y a deux ans (-2,9% annualisé). Des membres du conseil des gouverneurs de la BCE suggèrent que les hausses de taux sont finies, voire que des baisses pourraient survenir au deuxième semestre 2024, d’autres déclarent qu’il est beaucoup trop tôt pour entamer la réflexion. Le FMI pense que l’Europe va connaître un softlanding, avec une croissance de 1,3% en 2023 et 1,5% en 2024.
Baisse marquée des exportations chinoises (-6,4%, près de deux fois plus que prévu) en septembre, ainsi que de l’inflation (-0,2% en octobre).
Le milliardaire Ken Griffin, fondateur de Citadel, le hedge fund aux 62Md$ d’actifs, déclare que le monde est sur la voie de la dé-globalisation, et que cela implique une inflation structurellement plus élevée pour des décennies.
Micro 🏢
Le groupe de médias Warner Bros. Discovery (WB, HBO, CNN, Discovery, EuroSport etc) est sévèrement sanctionné sur la publication d’une perte supérieure aux objectifs. Les revenus publicitaires des télés sont en forte baisse, et le streaming perd des abonnés, notamment en raison de la faiblesse des nouveaux contenus due à la grève des scénaristes de Hollywood. Qui ont d’ailleurs signé un accord préliminaire avec les studios cette semaine, après 118 jours de grève.
Même baisse des revenus publicitaires chez Disney, mais le streaming se redresse et les parcs à thème délivrent. Finalement, un chiffre d’affaires un peu léger et des résultats supérieurs aux attentes grâce aux économies de coûts portent un rebond du titre entamé il y a quelques semaines grâce au retour du DG historique et à la présence d’un activiste au capital.
Et pour finir sur la publicité, la plateforme programmatique The Trade Desk baisse de 17% en séance après avoir communiqué des objectifs prudents pour le quatrième trimestre en raison d’un ralentissement des dépenses de publicité dans des verticales comme l’automobile ou les médias, en raison des grèves, ainsi que dans l’électronique de consommation.
Alors que les marchés coréens rebondissent après l’interdiction des ventes à découvert (consistant à vendre un titre que l’on ne possède pas en anticipation de sa baisse), Robinhood, le paradis des petits traders américains, publie des ventes décevantes (+29% quand même). La plateforme fonctionnait mieux pendant le confinement, quand elle fédérait des investisseurs désireux de s’opposer aux hedge funds qui vendaient leurs titres favoris à découvert. Elle a perdu la moitié de ses utilisateurs actifs mensuels en deux ans.
Burger King ne va pas étendre son offre de viande à base de plantes (en partenariat avec Impossible Foods), la demande étant stable, un euphémisme au vu de la nouvelle réduction de ses objectifs de chiffre d’affaires annoncée par Beyond Meat la semaine dernière. Nous évoquions le sujet ici il y a un an, depuis le cours de l’action ne cesse de chuter.
Eli Lilly lancera Zepbound, un concurrent du Wegovy de Novo Nordisk destiné à la perte de poids, juste après Thanksgiving. Il coûtera environ 1060$ pour un mois de traitement (vs 1349$ pour le produit de Novo). Lilly est désormais la capitalisation boursière la plus importante de l’industrie pharmaceutique mondiale.
Le Chinois SheIn, pionnier de l’ultra fast fashion, envisagerait de s’introduire en bourse sur le marché américain, ciblant une valorisation de 80 à 90 Md$. Les dernières transactions sur le marché privé se seraient faites entre 50 et 60Md$, contre 100Md$ en 2022, alors que le groupe fait face à la concurrence de son compatriote Temu et que son impact social et environnemental est contesté (à juste titre).
WeWork est officiellement en faillite. La facture pour Softbank avoisine les 14Md$, la fortune du fondateur Adam Neumann est évaluée à 1,7Md$, et sa nouvelle startup, Flow, qui opère des résidences pour familles (co-living), est valorisée 1md$. Quant aux 10 SCPI françaises qui louaient des sites à WeWork, elles font leurs calculs.
L’argent n’étant plus gratuit, les rachats d’actions se tarissent : -20% au premier semestre pour les entreprises du S&P500, et probablement -30% au troisième trimestre. En revanche, les résultats recommencent à croître au troisième trimestre, après 3 trimestres de baisse.
La volonté de puissance 🧠
Cette semaine, Elon Musk lance Grok, un rival de ChatGPT, via sa nouvelle société xAI. Grok aura accès aux données de X (ex-Twitter), ce qui pourrait le rendre plus à la page (et sans doute encore plus incontrôlable) que ses concurrents, et sera accessible aux utilisateurs Premium de X. Grok est un terme martien, issu d’un livre de science-fiction de 1961, qui signifierait profonde empathie ou intuition.
Le milliardaire fait aussi la une de la presse pour les milliers de patients qui se seraient inscrits sur la liste d’attente des essais cliniques de Neuralink, ouverte en septembre à la suite de l’obtention en mai d’une autorisation de la Food and Drug Administration. La société Neuralink cherche en effet son premier candidat pour tester The Link, son implant cérébral. Il doit avoir moins de 40 ans et être tétraplégique à la suite d’une lésion de la moëlle épinière ou d’une sclérose latérale amyotrophique. La société opèrera 11 patients en 2024, et ambitionne environ 500 implants en 2027 et plus de 22 000 en 2030.
N1, la première interface homme-machine de Neuralink, comporte 1024 électrodes pour recueillir le signal neuronal, des microprocesseurs maison pour le transmettre, une batterie et un boîtier biocompatible d’environ 2,5 cm de diamètre insérable dans le crâne. Elle sera implantée par R1, le robot maison, en 25 minutes, après une craniotomie opérée par un humain en 2 heures. A ce stade, l’objectif est de prouver que l’implant permet de réaliser des actions simples, telles que bouger un curseur (le site illustre très bien le résultat attendu) grâce à la pensée : le signal électrique transmis par les neurones est converti en commandes par la machine.
Musk n’est pas le premier : le capteur Utah Array, développé par l’université de l’Utah, est à l’origine de la société Cyberkinetics et de son Braingate. Cybernetics a disparu, et Braingate est désormais un organisme de recherche qui conduit une étude pilote de son système dans les mêmes indications que Neuralink. Deux autres sociétés, Synchron et Onward, développent en clinique des interfaces cerveau-machine potentiellement moins invasives que The Link, et 37 sociétés actives dans ce domaine ont levé 560M$ l’année dernière. En revanche, s’il existe de nombreuses façons d’investir dans les innovations médicales via des actions cotées, les interfaces cerveau-machine sont encore à un stade de développement trop précoce.
Au-delà de la paralysie, d’autres applications médicales de Neuralink pourraient comprendre le traitement de l’autisme et de la schizophrénie ou la restauration de la vue et de l’ouïe, mais l’objectif est également d’augmenter les capacités des cerveaux sains, jusqu’à télécharger des connaissances comme dans Matrix ou stocker sa mémoire dixit les fondateurs, en somme d’aller au-delà des capacités biologiques humaines. On ne peut que souhaiter le succès des applications médicales, qui changeraient la vie de millions de personnes, mais pour le deuxième volet on espère que les esprits du comité scientifique auront été façonnés par la philosophie ou la littérature plutôt que par des films de science-fiction.