Baisse marquée des marchés mondiaux cette semaine, les chiffres de l’emploi aux Etats-Unis renforçant les craintes d’un ralentissement de l’économie.
Alors que les ventes mondiales de semiconducteurs reviennent sur des plus-hauts, quels doutes persistent depuis la publication des résultats d’Nvidia la semaine dernière ?
Macro 🔭
Aux Etats-Unis, les PMI manufacturiers d’août (ISM et S&P Global) déçoivent marginalement à 47,9, tandis que les PMI des services s’améliorent. Les chiffres d’emploi de la semaine sont mal reçus par les marchés : les offres d’emploi affichent un total de 7,7 millions en juillet, en baisse sur le mois précédent, et l’emploi non agricole n’augmente que de 99 000 postes en août selon ADP, 142 000 selon le Bureau of Labor Statistics, qui révise également les chiffres de juin et juillet à la baisse. Seules les nouvelles inscriptions au chômage sont meilleures qu’attendu (227 000), tandis que le taux de chômage revient à 4,2%. Le nombre de postes ouverts reste supérieur à son niveau prépandémie, mais la tendance est clairement à la baisse. A l’issue de la publication de vendredi, les marchés affectent une probabilité de 50% à une baisse de 0,5% des taux directeurs lors de la réunion de septembre.
Le PMI manufacturier de la zone € s’améliore à des niveaux modestes (45,8 en août), reflétant une amélioration en France (43,9), en Allemagne (42,4) et en Italie (49,4), tandis que l’Espagne se dégrade (50,5). Pour mémoire, 50 marque la limite entre contraction et expansion. Les PMI des services sont globalement décevants, à l’exception de celui de la France grâce à l’effet JO, et les ventes au détail dans la zone baissent de 0,1% en glissement annuel. Le spread OAT Bund reste solidement ancré autour de 0,7% malgré le dérapage du déficit français annoncé cette semaine. Jusqu’ici tout va bien ?
Au Japon, le PMI manufacturier d’août, sans revenir en zone d’expansion, est supérieur aux attentes, tandis que le PMI des services est stable à 53,7. Le gouverneur de la BoJ réitère son intention de relever les taux si a croissance et l’inflation se comportent comme il le prévoit.
En Chine, le PMI Caixin des services, bien qu’encore en expansion, déçoit tandis que le manufacturier repasse au-dessus de 50.
Le prix du baril de pétrole a effacé tous ses gains depuis le début de l’année, malgré la situation géopolitique, mettant en évidence les doutes sur la vigueur de la croissance mondiale.
Micro 🔬
Tesla s’offre un rebond temporaire en confirmant la commercialisation prochaine de son système de conduite autonome (Full Self Driving, dans les faits une conduite qui reste supervisée par le conducteur) en Europe et en Chine. La société attend encore le feu vert des régulateurs.
Eli Lilly vend désormais directement aux consommateurs (sur fourniture d’une prescription) les ampoules pour les injections de son traitement anti-obésité Zepbound, à un prix décoté de l’ordre de 50%. Le produit est vendu d’ordinaire en stylo auto-injectable, plus pratique pour le patient donc plus cher, mais également plus long à produire, dans un contexte de demande toujours supérieure à l’offre.
Le fabricant de semiconducteurs Broadcom annonce des résultats trimestriels supérieurs aux attentes de Wall Street mais le titre perd plus de 10% en raison d’objectifs modestes pour le prochain trimestre, et impliquant que les ventes hors IA progressent moins que prévu.
On pouvait s’étonner de l’immixtion de la Commission européenne dans les fusions-acquisitions qui ne la concernaient pas (i.e. quand le chiffre d’affaires en cause était négligeable). La cour de justice a de fait jugé que l’OPA d’Illumina sur Grail (qui a fait l’objet d’une scission cette année) n’aurait pas dû faire l’objet d’une procédure anti-trust de la CE.
Pour la première fois de ses 87 ans d’histoire, Volkswagen annonce envisager la fermeture de deux usines en Allemagne. La société, premier employeur industriel allemand (la production industrielle allemande est en déclin depuis 2017), met également fin à son programme de protection de l’emploi, en place depuis 1994.
Deutsche Qualität contre Veni Vidi Vanquish, même tendance pour la performance boursière mais réserves sérieuses sur la créativité des slogans d’Aston Martin, qui dévoile sa nouvelle Vanquish cette semaine.
Tout va bien en revanche pour le constructeur de véhicules électriques chinois Nio, dont le chiffre d’affaires double au deuxième trimestre, sur une base certes minuscule (57 000 véhicules livrés pendant le trimestre), et qui prévoit de construire une troisième usine d’ici le troisième trimestre 2025.
Salesforce annonce l’acquisition de Own Co (sécurité des données) pour 1,9 Md$, l’opérateur de télécommunications Verizon celle de Frontier Communications pour 20 Md$.
L’administration Biden serait en passe de refuser l’acquisition de US Steel par Nippon Steel pour des raisons de sécurité nationale. Et le Japonais Seven & i (magasins 7-Eleven) rejette l’OPA à 39 Md$ d’Alimentation Couche-Tard, la jugeant sous-évaluée.
La minute innovation 🧚🏻
Le prochain tour de financement d’OpenAi pourrait valoriser la société 100 Md$, et compter parmi les investisseurs Apple, Microsoft et Nvidia.
C’est la rentrée et vous êtes résolus à vous lever à 5h du matin pour enchaîner yoga, mails et réunions ? Les routines sont faites pour les robots, concentrez-vous sur ce qui peut avoir un impact majeur sur votre carrière ou votre entreprise.
Amazon lance une nouvelle version (payante) d’Alexa le mois prochain. Elle ne s’appuiera pas sur l’IA maison, dont la performance laisse à désirer, mais sur celle d’Anthropic, Claude.
Le régulateur des télécoms brésilien menace de sanctionner Starlink, y compris en révoquant sa licence, en raison du refus de ce dernier de se soumettre à l’interdiction de diffusion de X dans le pays.
Elon, toujours : xAi vient de lancer Colossus, le plus puissant système d’entraînement d’IA au monde selon son créateur. Destiné à entraîner le LLM Grok, il est composé de 100 000 GPU H100 d’Nvidia (cf le prochain sujet), a été construit en 122 jours, et sa capacité doublera dans les prochains mois.
L’ombre d’un doute 🎢
Les semiconducteurs sont les produits manufacturés en plus grand nombre dans l’histoire de l’humanité : 900 milliards en 2023, plus de 100 par être humain.
Selon les données publiées cette semaine par la Semiconductor Industry Association, qui représente 99% de l’industrie des puces américaine et les deux tiers des fabricants hors US, les ventes de semiconducteurs dans le monde ont augmenté de 19% en juillet en glissement annuel. L’augmentation est marquée pour les ventes destinées aux Etats-Unis (40%), à la Chine (20%) et à l’Asie-Pacifique (+17%), tandis que les ventes baissent marginalement au Japon et décrochent en Europe (-12%). Globalement, l’industrie retrouve le niveau de chiffre d’affaires atteint lors du dernier plus-haut au premier semestre 2022.
Cette semaine également, l’association représentant l’industrie européenne des semiconducteurs (ESIA) publie ses recommandations pour dynamiser l’industrie au-delà du Chips Act de 2023, et s’assurer d’atteindre l’objectif de 20% de part de marché pour la production européenne de puces en 2030. C’est-à-dire la part de marché probablement atteinte par le seul Nvidia au T2 2024…
Mardi, dans le décrochage de marché provoqué par les chiffres d’emploi, Nvidia signe la plus forte baisse de capitalisation boursière enregistrée en une journée de l’histoire de la bourse (-280 Md$). Le lendemain, Bloomberg annonce que la société (qui a démenti l’information depuis) a reçu une citation à comparaître envoyée par le Department of Justice américain, qui la soupçonnerait de violer la législation anti-trust en offrant des conditions préférentielles aux clients qui utilisent exclusivement ses produits et en faisant l’acquisition d’une société qui rendrait plus difficile à ses clients d’opter pour un autre fournisseur.
La semaine dernière, le titre avait été malmené sur sa publication de ses résultats trimestriels : chiffre d’affaires en hausse de 122% par rapport au même trimestre de l’année dernière, chiffre d’affaires de la division datacenters en hausse de 154%, bénéfices par action en hausse de 168% et annonce d’un rachat d’actions de 50 Md$, tous les voyants au vert donc, mais un petit déclin de la marge opérationnelle (toujours supérieure à 50%), un objectif pour le prochain trimestre jugé un peu timide, et des doutes persistants sur le lancement du prochain produit, Blackwell.
Des inquiétudes justifiées ? La prévision de chiffre d’affaires pour le prochain trimestre implique une croissance d’environ 80%, sympathique mais qui signe la fin des taux de croissance à trois chiffres enregistrés depuis le troisième trimestre 2023. Environ 40% du chiffre d’affaires provient d’une poignée de clients, les opérateurs de grands datacenters : sur les 1,5 à 2 millions d’unités de la gamme H100 qui pourraient être vendues cette année par Nvidia, 350 000 sont destinées à Meta, et 200 à 250 000 à la galaxie Musk (doublement de capacité du Colossus d’xAI compris). La suite dépend donc beaucoup des capex de ces derniers, et du lancement de Blackwell, dont les problèmes de production seraient résolus, et dont le management a déclaré attendre plusieurs milliards de $ de ventes dès le T4 sans parvenir à rassurer le marché (le titre baissait de 8% dans les échanges après bourse à la fin de la conférence de présentation des résultats). Quant à la croissance de résultat, compte tenu de la légère pression attendue sur les marges, elle va converger vers celle des ventes.
Rien de grave, mais quelques questionnements, et un contexte macro moins favorable. Sans compter les déboires d’une star de l’IA d’un autre genre, Super Micro Computer, dont la capitalisation boursière était passée de 5 à près de 60 Md$ entre mars 2023 et mars 2024, et qui affichait encore la troisième meilleure performance du S&P500 jusqu’à la semaine dernière. Le fabricant de serveurs a fait l’objet le 27 août de la publication d’un rapport édifiant du short seller Hindenburg Research sur ses pratiques comptables et sa gouvernance, suivi le lendemain de l’annonce qu’il reportait la publication de ses comptes.
Cet article ne constitue pas une recommandation d’investissement sur les thèmes ou les titres mentionnés.