Just a little bit of history repeating

Macro

 🌩️ Les marchés américains terminent la semaine en hausse malgré les turbulences du secteur bancaire, le secteur de la technologie étant soutenu par les anticipations de moindres hausses de taux de la Fed. En Europe, la tech ne pèse pas assez pour compenser la dégringolade des bancaires, et la BCE n’a pas de marge de manoeuvre sur les hausses de taux.

Aux Etats-Unis, l’inflation de février est un peu au-dessus des attentes (CPI en hausse de 6% en annualisé), contrariant les espérances du marché qui s’attendait à une banque centrale plus clémente après les déboires de SVB. Déboires qui ne vont pas arranger les affaires des promoteurs immobiliers de la région de San Francisco, qui font déjà face à des baisses de prix de 30 à 50%. Les indicateurs de la semaine sont mal orientés (baisse plus marquée que prévu des ventes au détail, Empire Manufacturing au-dessous des attentes, Philly Fed très négatif), à l’exception de l’immobilier avec un fort rebond des mises en chantier et de l’emploi (demandes d’allocations chômage en baisse à 192 000).

Le taux d’inflation dans la zone € s’établit à 8,5% en février, après 8,6% en janvier. La BCE remonte ses taux directeurs de 0,5%.

Micro

First Republic Bank est dégradée à junk par S&P en raison des risques de sorties de capitaux. Pour une fois l’agence de notation n’arrive pas après la bataille (elle avait dégradé la note de SVB le jour de sa mise sous tutelle par la FDIC). Des banques systémiques viennent au secours de la banque en lui confiant des dépôts à hauteur de 30Md$, et seraient en train de finaliser un plan de soutien à l’ensemble des banques régionales. On revient sur celles-ci dans notre sujet central.

Plongeon de Credit Suisse, la plus faible des banques de ce côté de l’Atlantique, à l’annonce que son principal actionnaire, la banque nationale saoudienne, ne l’aidera pas. La banque venait d’annoncer une faiblesse dans ses reportings de 2021 et 2022, la dernière d’une série d’erreurs que nous avons eu l’occasion de relater dans ces pages. Grâce à l’intervention de la Banque Nationale Suisse, qui lui fournit une facilité de prêt de 50MdCHF, le titre rebondit jeudi.

Insulet, société de technologie médicale spécialisée dans le diabète, remplace SVB dans le S&P500.

Bons résultats de Fedex grâce à la maîtrise des coûts. Le transporteur note que la demande est toujours faible et que l’inflation continue à affecter sa structure de coûts mais relève néanmoins ses objectifs de résultats annuels.

Pfizer annonce l’acquisition de la biotech Seagen, spécialisée dans l’oncologie, pour 43Md$.

Le titre du Chinois Baidu plonge sur la démonstration de son chatbot, Ernie Bot, lors d’une conférence de presse mollassonne. Après 24 heures de tests des analystes, le cours remonte de 14%. Ernie n’est finalement pas si mal.

L’Union Européenne a reporté au 22 mai sa décision sur l’acquisition d’Activision par Microsoft.

Sous la pression des démocrates, Sanofi baisse les prix de son insuline Lantus de 78% aux Etats-Unis à partir de janvier 2024, marchant dans les pas de Novo Nordisk et Eli Lilly.

Le gouvernement américain demande à ByteDance de vendre sa participation dans TikTok, faute de quoi l’application pourrait être interdite. 

Just a little bit of history repeating 🎡

Entre 1980 et 1994, 15% des banques californiennes ou 29% des banques texanes ont fait faillite. Plus de 1 600 banques relevant du FDIC américain (le fonds de garantie des dépôts) ont reçu une assistance ou ont été fermées, menaçant de déstabiliser celui -ci. Significativement plus que dans les années 30. Les raisons étaient de trois ordres. Primo, même si l’économie, passée la récession de 1980-82, se portait bien, avec une baisse de l’inflation, des taux d’intérêt et du chômage, les banques étaient fragilisées par l’instabilité des 70s (volatilité des changes, des prix et des taux d’intérêt dans un contexte de choc pétrolier, augmentation de la concurrence, notamment en raison de la levée des restrictions sur la concurrence entre Etats, dérégulation des taux d’intérêt sur les dépôts etc). Deuxio, des récessions sectorielles ou régionales (baisse du prix du pétrole pour le Texas par exemple) ont frappé. Tertio, certaines des banques avaient pris des risques excessifs et/ou étaient mal supervisées. On pourrait y ajouter : quarto, quel que soit l’environnement économique, une crise de confiance est vite arrivée.

Nous voici donc en 2023, avec deux récessions sectorielles (tech et pétrole), et au moins une régionale (Californie), au sortir (on l’espère) d’une période de volatilité de l’inflation et des taux, dans un secteur insuffisamment supervisé : la Fed envisage de nouveau de réguler de manière plus stricte les banques de taille moyenne, qui n’étaient pas soumises aux mêmes contraintes de capital et de liquidité que les banques systémiques depuis que Trump avait relevé en 2018 le seuil d’actifs entraînant la qualification de « too big to fail » de 50 à 250Md$. 

First Republic, fondée en 1985 à San Francisco, est devenue en moins de 40 ans l’une des 20 banques les plus importantes aux Etats-Unis. Spécialisée dans la gestion de fortune (271Md$ d’actifs fin 2022), elle n’a jamais fait de pertes, doit les trois quarts de sa croissance à des clients existants ou recommandés par des clients existants, et affiche un Net Promoter Score de 80 (celui d’Apple est de 60, le secteur bancaire américain étant à 31). Et historiquement, son taux de perte sur les prêts consentis à ses clients a toujours été une fraction de celui des autres banques. Ce qui était vrai de SVB aussi (cf le numéro de la semaine dernière), illustrant la fragilité d’une banque quand les dépôts s’envolent.