
Les marchés américains retrouvent leur niveau d’avant l’élection de Trump au terme d’une semaine agitée par les volte-face sur les droits de douane et des données macro mitigées, tempérées par l’intervention rassurante de Powell vendredi soir. Bien qu’en négatif, L’Europe fait mieux, tandis que les marchés asiatiques progressent.
Sommet crypto à la Maison Blanche : beaucoup de bruit pour rien ?
Macro 🔭
Aux Etats-Unis, le rapport sur l’emploi de vendredi met en évidence une augmentation significative de emplois non agricoles, mais également une petite hausse du taux de chômage. Les autres données sur l’emploi de la semaine sont mal orientées : les créations dans le secteur privé (rapport ADP) sont très décevantes à 77 000, un plus-bas de plus de 6 mois, et les licenciements du rapport Challenger augmentent fortement. L’intervention de Jerome Powell en fin de semaine, déclarant que l’économie va bien, limite la casse sur les marchés mais la récession revient dans les débats, d’autant que l’estimation de croissance de la Fed d’Atlanta est de -2,4% (tout le monde regarde son modèle GDP Now, pourtant notoirement imprécis. La semaine est caractérisée par la poursuite de la guerre commerciale : droits de douane portés à 20% sur la Chine, qui répond en frappant de taxes de 15% tous les produits agricoles américains et en interdisant les exportations vers certaines sociétés de défense, des montants minimes mais qui frappent les Etats républicains au portefeuille ; le Canada réplique également. L’annonce en fin de semaine d’un moratoire d’un mois sur les taxes appliquées aux véhicules en provenance du Canada et du Mexique n’est vraiment un soulagement : aucune entreprise ne peut gérer sa chaîne d’approvisionnement au mois le mois.
La croissance annualisée du PIB de la zone € au quatrième trimestre 2024 est revue à la hausse pour sa dernière estimation, à 1,2%, une accélération menée par l’Espagne. Le PMI manufacturier de la zone remonte également en dernière lecture pour février, même s’il indique toujours une contraction de l’économie (47,6), celui de la construction reste solidement en contraction. L’inflation est stable à 2,4%, et le taux de chômage s’améliore un peu à 6,2%. La BCE baisse ses taux directeurs de 0,25%, portant le taux de dépôt à 2,5%. Enfin, le futur chancelier allemand annonce que son gouvernement amendera la constitution afin que les dépenses de défense et de sécurité soient exclues des limites de déficit, ainsi que son intention de soumettre au parlement un fonds pour les infrastructures de 500 Md sur dix ans. La Commission Européenne propose également un prêt de 150 Md€ pour la défense et autorise les pays a budgéter 650 Md de dépenses supplémentaires sur 4 ans. Ces annonces entraînent une violente remontée des taux longs.
Au Japon, le PMI composite final de février, à 52, signe un quatrième mois consécutif de croissance de l’activité dans le privé. Les taux remontent (la dernière adjudication du 10 ans se fait à 1,4%), et la confiance du consommateur reste relativement déprimée.
En Chine, les « Deux Sessions » se déroulent toute la semaine : le gouvernement fixe ses objectifs de croissance, de déficit et d’inflation à respectivement 5, 4 et 2%, en ligne avec ses usages pour le premier, à un plus-haut de 30 ans pour le deuxième, à un plus-bas de 20 ans pour le troisième. En résumé, la déflation n’est pas encore complètement exclue, et le gouvernement est prêt à dépenser plus pour atteindre son objectif de croissance, et spécifiquement pour « faire de la demande intérieure le principal moteur de la croissance économique ». Dans le contexte « d’un environnement extérieur de plus en plus complexe et sévère ». La consommation des ménages représente environ 40% du PIB chinois, contre 53% en Europe et 68% aux Etats-Unis. Elle n’a contribué qu’à 30% de la croissance économique en 2024, contre près de 60% fin 2018.
C’est la journée internationale des droits des femmes. Merci pour les 🌹, le futile est plus que jamais essentiel et c’est plus joli que l’écriture inclusive. Vous avez certainement eu votre quota de chiffres plus ou moins robustes dans la presse ces jours-ci, alors voici un indicateur mettant en évidence l’écart entre les montants levés par des deeptechs selon qu’elles sont dirigées par des hommes ou des femmes (on le savait), mais également l’écart notable dans les valorisations de sortie, en faveur des femmes cette fois (on le sait moins). Et ce sondage du think tank Pew Research est daté, mais ses conclusions sont parfaitement robustes dans le contexte du leadership américain actuel.
Micro 🔬
Les immatriculations de Tesla plongent de 76% en Allemagne en février, mais sont en hausse de 21% au UK.
Un consortium mené par BlackRock achète au hongkongais CK Hutchinson une participation majoritaire dans la division qui opère ses infrastructures portuaires dans le monde (43 ports dans 23pays), et dans celle qui opère les ports de Panama, pour 19 Md$, soit l’équivalent de la capitalisation boursière de CK Hutchinson pour moins de 20% de son EBITDA. C’est une opération privée, mais Trump a son contrôle de Panama.
Le distributeur Target publie des résultats trimestriels supérieurs aux attentes mais déclare attendre une baisse substantielle de ses résultats au T1 en raison de l’incertitude du consommateur, qui impacte ses ventes de février, et des inquiétudes sur l’impact des droits de douane, prévenant que les prix de certains produits vont augmenter significativement. Costco déclare qu’il s’efforcera de minimiser l’impact sur ses clients : 30% de ses ventes proviennent de produits importés, dont un peu moins de la moitié du Canada et du Mexique. Best Buy (électronique grand public) est pénalisé sur des objectifs pour l’année en cours ne tenant pas compte des changements de droits de douane, alors que la direction précise que ses produits viennent à 55% de Chine et 20% du Mexique.
TSMC annonce un investissement supplémentaire de 100 Md$ en Arizoa.
Aramco coupe son dividende à 85 Md€ après avoir versé 124 Md$ l’an dernier. Un coup dur pour le budget de l’Arabie saoudite.
La minute innovation 🧚🏻
Alibaba lance QwQ-32B, développé avec 20 fois moins de paramètres d’entraînement que DeepSeek R1, pour des performances comparables.
La société suédoise de paiements fractionnés Klarna cherche à lever 1 Md$ via une IPO au NYSE prévue début avril. Elle vise une valorisation supérieure à 15 Md$ (vs 45,6 Md$ lors de sa levée de 2021).
OpenAI se prépare à lancer des agents IA selon The Information: de 2000$ par mois pour un « travailleur du savoir » à 20 000$ pour un chercheur de niveau PhD, en passant par 10 000$ pour un développeur. Better be good ?
Apple pourrait reporter à 2027 le lancement de Siri assisté par IA.
Crypto et crédibilité 🎪
Le premier sommet crypto à la Maison Blanche, contrepartie d’une campagne financée à 50% par l’industrie, s’avère décevant à en juger par la trajectoire du bitcoin. Il faut dire qu’après avoir flambé sur l’annonce par Trump dimanche dernier de l’établissement d’une réserve stratégique nationale comprenant ethereum, Solana, XRP, Cardano et bitcoin, la devise était repartie tout aussi violemment à la baisse. Reflétant la baisse de la crédibilité présidentielle, accentuée par un soupçon d’insider trading ? (un individu inspiré s’est exposé à hauteur de 200 M$ 35 minutes avant l’annonce, et a vendu 16 minutes après).
Lors du sommet, la réserve stratégique a été confirmée, mais a minima puisqu’elle n’implique pas d’achats par le gouvernement : le décret stipule que les 200 000 tokens saisis à date seront conservés (mais peuvent être vendus si c’est approprié), et que les acquisitions futures devront être neutres pour le budget, et ne rien coûter au contribuable américain. Quant aux Etats, à date 24 d’entre eux ont proposé des projets de loi établissant des réserves stratégiques de bitcoins. Depuis le début de l’année, la loi a été votée dans l’Oklahoma, tandis que ses promoteurs au Montana, dans le Dakota du Nord et du Sud, et dans le Wyoming ont perdu. Le Wyoming est l’Etat de la sénatrice Lummis, celle qui a introduit le projet de loi visant à établir une réserve nationale de 1 million de bitcoins.
Que disent les autres indicateurs de marché ? Les meme coins $TRUMP et $MELANIA sont en baisse de plus de 80%, les ETF affichent des retraits conséquents, et le cours de Strategy (ex-MicroStrategy) baisse depuis décembre. Pour mémoire, cette société de logiciels de business intelligence est devenue le plus grand détenteur institutionnel de bitcoins grâce à sa stratégie d’acquisition. Le principe : elle émet des obligations (zéro coupon pour les dernières) qui peuvent être converties en actions si le titre monte ; grâce aux montants perçus, elle achète du bitcoin. Soutenant au passage le cours : au T4 2024, Strategy a acheté pour 21 Md$ de bitcoins, plus que tous les ETF du marché (16 Md$). De plus, des ETF à effet de levier (promettant 2 ou 3 fois le rendement de MicroStrategy) ont été lancés au cours des trois dernières années, totalisant jusqu’à 10 Md$ d’exposition au titre.
Strategy détient près de 500 000 bitcoins, avec un prix d’acquisition moyen de 66 000$, pour un total de 43 Md$, et affiche une capitalisation boursière de 74 Md$. La justification de l’écart ? Au début, les difficultés pour les institutionnels pour acheter du bitcoin (alors qu’ils peuvent acheter un titre), mais ce n’est plus vrai avec les ETF au comptant. Plus récemment, le fait qu’elle lève pour acheter du bitcoin (42 Md$ annoncés entre 2025 et 2027, en dette et fonds propres). Le Grayscale Bitcoin Trust, premier véhicule d’investissement sur le bitcoin, traitait à plus de 2x la valeur de ses actifs en2017 (comme Strategy il y a quelques mois). A 50% en 2023.
Quel est le risque ? Pour Strategy, la hausse du bitcoin est cruciale : le modèle ne tient que sur l’anticipation d’une hausse et, alors que son activité de logiciels est déficitaire, le groupe doit payer des intérêts sur certaines de ses obligations, ainsi que sur l’action préférentielle STRK introduite au NYSE il y a quelques mois. Or, des signaux de moindre confiance sont apparus récemment : les 2 Md$ (quand même) de dette convertible émis le 22 février dernier l’ont été après avoir revu la prime de conversion de 40-50% à 35% (c’est à dire que les investisseurs ont demandé à pouvoir convertir à un prix de 433$ au lieu de 400-480$). Et l’émission d’STRK s’est faite à 8% de coupon. Moody’s ne note plus la société depuis octobre.
Et pour le bitcoin, Strategy est-elle cruciale ? Probablement si on en juge par le précédent de 2021/2022, où le levier dans le système a entraîné la faillite d’un certain nombre d’acteurs et la baisse du bitcoin.
Les analystes sont en grande majorité à l’achat sur Strategy. Et shorter un titre aussi volatile, avec un président aussi bavard, est une stratégie risquée. Comme le dit son patron, Michael Saylor, qui ambitionne d’entrer dans le S&P 500 (il faut pour cela que le bitcoin atteigne 96 000$ d’ici la fin du premier trimestre) : Volatility is a measure of energy. And as you can see, Strategy is the most volatile stock out of the S&P 500 universe. So, we don’t hide from it. We’re quite proud of it. Si cela ne suffisait pas à convaincre du sérieux du bonhomme, il a récemment conseillé de vendre un rein pour garder ses bitcoins. Il devra compter sur Trump pour garder les siens.
Cet article ne constitue pas une recommandation d’investissement sur les thèmes ou les titres mentionnés.
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