Semaine négative pour les indices mondiaux : retour à la réalité sur la complexité de la situation géopolitique et sur la date des premières baisses de taux, qui s’éloigne aux Etats-Unis comme en Europe. Point sur le thème du luxe.
Macro 🌡
Aux Etats-Unis, l’indice NAHB (sentiment des promoteurs immobiliers) chute à son plus bas niveau depuis janvier et les ventes de logements existants baissent de 15%. L’indicateur économique avancé du Conference Board est plus négatif qu’attendu, enregistrant un dix-huitième mois de déclin, et pointe résolument vers une récession. L’indice manufacturier de la Fed de New York pour octobre est également faible. En revanche, les ventes au détail pour septembre sont très supérieures aux attentes et les nouvelles demandes d’allocations chômage tombent au-dessous de 200 000 pour la première fois depuis janvier : le consommateur américain ne craque toujours pas. Et dans un sondage, les économistes de Wall Street attendent désormais un PIB en hausse de 3,5% en octobre, alors qu’ils n’anticipaient que 3% il y a un mois. Le président de la Fed, Jerome Powell, déclare que les données économiques ne mettent pas en évidence une politique monétaire trop restrictive à ce stade. Les taux longs dépassent 5% pour la première fois depuis mi-2007.
Amélioration du ZEW (indicateur de sentiment économique allemand) en octobre, pour le troisième mois d’affilée. Selon un sondage Bloomberg réalisé auprès d’économistes, ceux-ci pensent que la BCE ne baissera pas les taux avant 2024, et que l’inflation sera proche de sa cible de 2% en 2025. Les économistes de l’OFCE publient des prévisions moroses pour la France en 2024 : croissance du Pib de 0,8%, inflation à 3,3% et taux de chômage de 7,9%. L’indicateur de climat des affaires français recule et s’établit à 98, au-dessous de sa moyenne de long-terme de 100. Soulagement : Moody’s ne dégrade pas notre notation de crédit malgré l’envolée des déficits publics.
Le PIB chinois du troisième trimestre dépasse les attentes à 4,9%.
Micro 📰
La publication trimestrielle de Tesla déçoit, en chiffre d’affaires et en résultat. Surtout, la conférence téléphonique est morose, Musk déclarant que la hausse des coûts de financement pèse sur les ventes, et qu’il va avoir du mal à augmenter la production du Cybertruck, et encore plus à rentabiliser celui-ci.
Netflix affiche la plus forte hausse du nombre de ses abonnés depuis des années, à 8,76 millions. La société compte 247,15 millions de clients. Le groupe relève ses attentes de marge opérationnelle (20%) et de cash-flow (6,5Md$) pour l’année) et annonce une augmentation des prix aux US, au UK et en France.
American Express publie ses résultats trimestriels, supérieurs aux attentes mais mal reçus car les volumes de paiements enregistrés par la division commerciale ralentissent fortement (+1%), les entreprises réduisant leurs dépenses. Dans les PME, c’est +2%, dans les grands groupes 0. Pour les consommateurs américains en revanche, c’est 9% (et même 18% pour les Millenials/Gen Z). Amex représente près de 20% du volume d’achat par carte aux Etats-Unis.
Les résultats de Discover Financial Services, qui représente pour sa part 4% des volumes de paiements par carte, baissent fortement en raison de provisions pour pertes de crédit significatives. Un petit signal d’alerte sur la santé du consommateur américain.
Intuitive Surgicals, fabricant du robot chirurgical Da Vinci, est sanctionné à la publication de résultats mettant en évidence un ralentissement des ventes de ses systèmes. Un des facteurs d’explications : la diminution du nombre de chirurgies bariatriques en raison du succès des médicaments anti-obésité dont nous avons parlé dans de précédentes éditions.
Le Département du Commerce américain publie de nouvelles restrictions à l’exportations des semiconducteurs. Nvidia déclare que cela n’aura pas d’impact sur ses résultats à court terme. Et la Chine restreint ses exportations de graphite, un matériau clef pour les batteries des véhicules électriques dont le pays est le premier producteur et exportateur. Le régulateur chinois serait également en passe de bloquer l’acquisition de VMWare par Broadcom.
LuluLemon Athletica remplace Activision dans le S&P500.
Choice Hotels International, qui a 7 100 hôtels en franchise dans le monde, lance une OPA hostile sur Wyndham Hotels & Resorts (9 300 hôtels dans 95 pays).
Le cours de VF Corp (Vans, The North Face, Supreme) rebondit après l’annonce que l’investisseur Engaged Capital a pris une participation au capital. L’activiste demande entre autres des coupes de coûts de 300M$ et des changements au conseil d’administration.
L’anti-trust européen valide l’acquisition de la société de biotechnologie Seagen par Pfizer.
La FCA, équivalent britannique de l’AMF, lance une enquête sur les méthodes de valorisation de leurs portefeuilles par les fonds de capital-investissement. La boîte de Pandore est ouverte, pour un secteur qui n’hésite pas à mettre en avant sa faible volatilité par rapport aux actions cotées, sans nécessairement insister sur le corollaire, l’absence de liquidité et des valorisations très théoriques.
Tout ce qui brille 💎
L’Oréal a publié cette semaine son chiffre d’affaires au 30 septembre, qui confirme que le thème du luxe perd de son attractivité à court terme. Alors que les ventes du groupe progressent de 11,1% à données comparables, celles de la division Luxe n’augmentent que de 3,2%. Les chiffres de LVMH ont aussi montré un net ralentissement au troisième trimestre (9% de croissance des ventes en données comparables contre 17% au premier semestre), Hermès et Kering publient la semaine prochaine.
Plusieurs facteurs entrent en jeu : un retour à la normale après trois années d’une croissance atypique probablement due aux économies générées par les divers plans de relance (pour les Américains, le ralentissement est manifeste depuis fin 2022) ; des Européens moins enclins à la dépense en raison des tensions géopolitiques et de l’inflation ; et un ralentissement en Asie en raison d’une reprise chinoise un peu contrariée et des turbulences du marché gris : depuis le mois de mai, le gouvernement chinois veut mettre fin à la pratique des daigous, ces intermédiaires situés hors de Chine qui achètent des objets de luxe pour les Chinois du continent, à l’étranger ou en duty-free (à Hainan par exemple, qui représentait 13% du marché du luxe chinois en 2021). On en compterait un million.
A long terme, la disparition d’un marché parallèle ne peut que bénéficier à l’image et au prix de vente des marques, dont certaines, comme LVMH, tentaient déjà d’y mettre fin. A court terme, c’est un challenge, qui s’ajoute à la conjoncture plus incertaine.
Le marché global du luxe est évalué à environ 350Md$. Il a affiché une croissance de 5,8% en moyenne de 1994 à 2022, avec des périodes de stagnation ou de baisse après l’éclatement de la bulle internet, au moment de la crise Lehman ou de la crise de l’€, et pendant la pandémie, et un rebond spectaculaire au sortir de celle-ci, et notamment en 2022, où les ventes se sont significativement écartées de la tendance long terme. La croissance pourrait être divisée par deux au cours des prochaines années : si le top 2% des consommateurs, qui représente 40% des ventes du secteur, est plutôt insensible à la conjoncture économique, le reste de la clientèle souffre du ralentissement.
Sur 10 ans, l’indice S&P Global Luxury affiche une performance de 5,36% par an, conforme à celle du marché dans son ensemble (5,64 % pour le S&P Global 1200 Index). Par le passé, les crises ont permis de se positionner dans de bonnes conditions sur le thème du luxe, qu’il faudra donc suivre au cours des prochains mois.