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Semaine en dents de scie et globalement positive, malgré une publication de l’emploi US vendredi remettant en cause le scénario de pivot des banques centrales. La banque du Japon surprend le marché en évoquant une hausse de taux. Point sur l’or et le bitcoin, dits réserves de valeur, qui atteignent de nouveaux plus-hauts.

Macro   🌡️

Aux Etats-Unis, le début de semaine conforte le scénario de tassement de l’emploi (avec notamment un nombre de postes ouverts par chômeur de 1,3, loin du plus-haut de 2 observé en mars 2022). Le marché table sur des baisses de taux à hauteur de 1,25% en 2024, mais le chiffre le plus important de la semaine, les créations d’emploi non agricoles de novembre, est meilleur que prévu tandis que le taux de chômage baisse de 3,9 à 3,7% et que l’indice de confiance du consommateur de l’université du Michigan augmente fortement, engendrant quelques incertitudes sur la date du pivot de la Fed. 

Un officiel de la BCE déclare qu’une hausse de taux supplémentaire est plutôt improbable. En milieu de semaine, les anticipations de marché sont que 6 baisses de 0,25% seront mises en œuvre en 2024, et que la BCE sera la première des grandes banques centrales à entamer le cycle d’assouplissement monétaire.

La Banque du Japon surprend les marchés en suggérant qu’elle pourrait renoncer aux taux négatifs (ils le sont depuis 2016, le taux 10 ans japonais n’a pas dépassé 1% depuis 2012, et shorter les obligations japonaises se disait « faire une veuve » en langage de trader). Reste à savoir si elle osera le faire, avec un PIB du troisième trimestre annoncé à -2,9%.

Le Chinois Evergrande, promoteur immobilier le plus endetté au monde, ne sera finalement pas liquidé cette semaine et a jusqu’au 29 janvier pour proposer à ses créditeurs un plan de restructuration. L’agence de notation Moody’s passe les perspectives de la dette chinoise de stables à négatives (les obligations souveraines ont une notation A, soit un score de 3 sur une échelle de 9). A noter quand même une amélioration des PMI, un rebond des exportations et une baisse des importations. L’indice des 300 plus grandes valeurs chinoises baisse de 12% cette année.

Bill Gates, qui investit dans la cleantech via son fonds Breakthrough Energy Ventures, déclare que la température globale augmentera probablement de plus de 2°, et que si l’on ne s’approche pas trop des 3° un grand nombre des dommages annoncés ne se produira pas. Il est favorable à l’interdiction des subventions pour les énergies fossiles et à une taxe sur le charbon et se montre optimiste sur la fusion et la fission nucléaires et sur l’acier vert.

Micro  🏢

Spotify annonce 17% de réduction de ses effectifs, mais globalement les licenciements dans la tech US, massifs en début d’année, ont fortement diminué. 

Amazon se prépare à l’offensive de SheIn, qui devrait faire son entrée en bourse en 2024, en coupant ses commissions pour les négociants vendant des articles d’habillement à moins de 20$.

Pour sa prochaine levée, Space X serait valorisée à plus de 175Md$ (en janvier c’était 137Md$, cet été 150). De quoi compenser la débâcle Twitter.

Robinhood Markets est en forte hausse cette semaine alors que les volumes de trading de cryptos sur sa plateforme augmentent de 75% en octobre par rapport à novembre. Les autres valeurs stars du confinement, les meme stocks, ces titres gonflés par la spéculation de petits porteurs se liguant via les réseaux sociaux, restent à la peine : l’ETF Roundhill qui reproduit leur performance ferme ce mois-ci, en baisse de 58% depuis son lancement.

Alaska Air affiche la pire performance du S&P500 le jour de l’annonce du rachat de son concurrent Hawaiian Airlines pour 1,9Md$, une prime de 270% sur le dernier cours coté.

Lululemon athletica, le fabricant de vêtements de yoga, publie un chiffre d’affaires en hausse de 19% au troisième trimestre, se répartissant entre 9% de croissance pour les boutiques existantes, 18% pour l’e-commerce, et 14 ouvertures de boutiques (portant le total à 686). Une belle performance dans un secteur de l’habillement sinistré.

Zuck a vendu pour 189M$ d’actions Meta (Facebook, Instagram et al) pour le compte de son trust et de sa fondation. C’est la première vente depuis 2 ans. Il en détient encore pour quelque 100Md$.

Alphabet lance Gemini, son concurrent de chatGPT, et affirme qu’il bat GPT-4 ; à la marge selon l’article de la MIT Tech Review.

La FDA lance une enquête sur des cancers secondaires au traitement par cellules CAR-T, qui permet de s’appuyer sur le système immunitaire du patient pour éliminer les cellules cancéreuses de manière ciblée dans certains lymphomes et leucémies. Les quelques traitements sur le marché sont commercialisés notamment par Novartis et Gilead.

Roche fait l’acquisition de Carmot Therapeutics, société américaine non cotée spécialisée dans le diabète et l’obésité, pour 3,1Md$. AbbVie lance une OPA sur Cerevel, spécialisé dans les maladies neurologiques, pour 8,7Md$. Face à des expirations de brevets considérables d’ici la fin de la décennie, les big pharmas achètent de la croissance.

Encore et toujours l’année de l’intelligence artificielle : le champion français Mistral AI serait sur le point de lever 445M€ auprès d’Andreessen Horowitz, Nvidia et Salesforce sur une valorisation de 1,85Md€, tandis que X.AI, la startup (sic) de Musk, s’apprête à lever 1 Md$.

Pour couronner un débat sur l’ESG dont la profondeur est rarement la principale caractéristique, la BCE publie une étude (disponible seulement en anglais) selon laquelle les banques qui publient des rapports détaillés sur les questions environnementales accordent en moyenne 4% de prêts de plus que les autres aux industries polluantes, et obtiennent néanmoins de meilleurs scores des agences de notation spécialisées. On peut ne pas être surpris, voire faire l’hypothèse que c’est vrai dans les autres secteurs.  

La loi industrie verte exclurait les fonds PEA-PME des quotas éligibles dans la gestion par horizons des PER et de l’assurance-vie, une décision surprenante alors que les PME et ETI françaises cotées peinent à trouver des investisseurs.

Stores of value 👛

L’or a dépassé 2100$ l’once lundi, surpassant le plus-haut d’août 2020, avant de baisser en fin de semaine. Le prix de l’or dépend de l’offre (16 années de réserves mondiales au rythme d’extraction actuel selon l’agence géologique américaine USGS), de la demande (notamment des banques centrales et d’industries comme la joaillerie et la technologie), de l’inflation (pour se couvrir contre une dévaluation de la monnaie), des taux (l’or ne générant pas de revenus, il est pénalisé quand les taux sont élevés) et des incertitudes géopolitiques (valeur refuge). Récemment, il aurait été porté par les anticipations de baisses de taux, les achats par les banques centrales (russe et chinoise notamment) dans un contexte de dédollarisation, et les incertitudes géopolitiques. Le métal jaune évolue au-dessous de son plus-haut ajusté de l’inflation, soit 850$ en janvier 1980 selon Bloomberg (l’équivalent de 3000$ aujourd’hui). 

Pour sa part, le bitcoin a pris 20% en un mois et 165% depuis le début de l’année. Pour le regretté Charlie Munger, c’était de la mort aux rats à 150$, et de la mort aux rats plus chère à 9000$. Ses défenseurs revendiquent son rôle de couverture contre l’inflation (quantité limitée, comme l’or), sa liquidité et le fait qu’il ne soit pas contrôlé par un gouvernement. La hausse récente est peut-être liée aux anticipations de baisses de taux, et donc au retour de la liquidité, mais surtout à l’approbation possible aux Etats-Unis au cours des prochains mois de quelques ETF au comptant, qui contrairement aux ETF existants détiendraient du bitcoin et devraient donc en acheter au fur et à mesure que les clients finaux achèteraient l’ETF. Ces véhicules permettant d’investir dans le bitcoin sans détenir de wallet ou s’exposer à une contrepartie risquée sont susceptibles d’ouvrir le marché à des investisseurs particuliers plus nombreux, et surtout d’institutionnaliser l’actif. La SEC pourrait se déclarer en janvier 2024 sur les dossiers présentés notamment par Blackrock, Invesco et Wisdom Tree.

Environ 9% des Français détiendraient des crypto-actifs, et seuls 7% d’entre eux ont plus de 66 ans. Pour les lingots d’or, il est plus difficile de trouver des statistiques et sondages récents. Deux actifs refuge donc, partageant un certain nombre de caractéristiques, à savoir qu’ils ne rapportent rien, sont coûteux à produire et à stocker, mais ne s’adressent pas à la même démographie : Gen Z tech bros versus baby-boomers gold-bugs.