Réparer les vivants

Hausse des indices des deux côtés de l’Atlantique. Les données économiques américaines mettent en évidence un ralentissement de la croissance et de l’inflation, entraînant une baisse des taux longs. En Europe, l’inflation ralentit, la croissance reste inexistante. Les publications des sociétés de consommation pointent également vers un ralentissement. Point sur l’actualité des thérapies géniques.

Macro 🌡

Aux Etats-Unis, à 3,2% en glissement annuel, le CPI (Consumer Price Index) confirme le ralentissement rapide de l’inflation en octobre. L’inflation sous-jacente, à 4%, ralentit marginalement. Le rendement du 10 ans américain se stabilise près de 4,5%. La production industrielle d’octobre est en baisse, les demandes initiales d’allocations chômage sont supérieures aux attentes, et l’indice NAHB des promoteurs immobiliers baisse à 34 en novembre après 40 en octobre. L’économie ralentit, et Morgan Stanley anticipe des baisses de taux significatives, jusqu’à 2,375% fin 2025, tandis que Goldman Sachs n’attend rien avant fin 2024, avec des baisses mesurées jusqu’à 3,5-3,75% mi-2026. 

Le taux d’inflation annuel ressort à 2,9% dans la zone €. Des économistes sondés par Bloomberg prédisent qu’il sera inférieur à 2% début 2025. Au troisième trimestre, le PIB a baissé de 0,1% dans la zone. Le taux de chômage était de 6,5% en septembre. La Commission Européenne revoit à la baisse ses estimations de croissance pour la zone en 2023. Elle attend 0,6%, et 1,2% en 2024.

Lors de sa visite aux Etats-Unis, Xi Jinping assure que la Chine ne souhaite pas la guerre et promet des mesures pour rendre le pays plus attractif pour les sociétés étrangères. Par ailleurs, ce gouvernement chinois va investir 137Md$ dans son marché immobilier, tandis que la journée de shopping Single’s Day déçoit.

Le canal de Panama (5% des échanges commerciaux par voie maritime), utilisé notamment par les tankers transportant les dérivés du pétrole des raffineries américaines en Asie, manque d’eau. Les passages sont donc rationnés au moins jusqu’en février, entraînant une hausse des coûts du fret et du prix du propane en Asie. 

L’OPEP et l’Agence Internationale de l’Energie augmentent leurs estimations de demande de pétrole, pour 2023 et 2023/24 respectivement. Le prix du baril a perdu près de 20% depuis fin septembre : les stocks sont plus élevés que prévu, certains membres de l’OPEP+ ne se conforment pas aux coupes de production prévues, et la demande est moins certaine dans un contexte de ralentissement économique global.

Toujours dans les actifs réels, les prix des montres de luxe en seconde main marquent un nouveau plus-bas. L’indice Bloomberg Subdial, qui relève les prix des 50 montres les plus vendues sur le marché d’occasion, est en baisse depuis 42% depuis son plus-haut d’avril 2022.

Micro 🏢

Walmart perd 8% (après un bon parcours cette année) à l’annonce de résultats supérieurs aux attentes assortis d’un message prudent : la société déclare qu’elle pourrait avoir à gérer une période de déflation dans les prochains mois, que le consommateur se montre plus prudent, et qu’elle a constaté un ralentissement de la croissance des ventes dans la deuxième quinzaine d’octobre.

Tendance inverse (et couvertures de shorts) pour le concurrent Target, dont le titre prend 18% grâce à des résultats très supérieurs aux objectifs en raison d’une bonne gestion des dépenses et des stocks, et malgré des ventes à magasins comparables en baisse pour le second trimestre d’affilée. Là aussi, la direction déclare attendre un consommateur sous pression à court terme.

Toujours dans la consommation, TJX Cos, le leader des magasins de déstockage d’invendus, publie de bons résultats trimestriels. Dans un contexte inflationniste, la chaîne bénéficie de la recherche de bonnes affaires par les consommateurs.

Cisco, spécialiste de l’équipement de réseaux et première capitalisation boursière du marché en 2000, perd 10% sur des résultats satisfaisants mais des objectifs décevants, la société notant un ralentissement des commandes en octobre et attendant une baisse des investissements de la part de ses clients dans le cloud et les télécoms en 2024.

Encore un activiste au capital de Disney avec l’entrée de ValueAct.

L’équipementier des semiconducteurs Applied Materials fait l’objet d’une enquête des autorités américaines pour violation de l’interdiction d’exporter vers la Chine.

Sanofi envisagerait la cotation de ses activités grand public.

Dans un marché du luxe où les signaux de ralentissement se multiplient, c’est au tour de Burberry de prévenir que les objectifs annuels ne seront probablement pas tenus, les ventes ayant fortement ralenti au cours du trimestre à fin septembre.

Alibaba revient à l’équilibre et affiche 8,5% de croissance de chiffre d’affaires au troisième trimestre, mais renonce à la cotation séparée (spin off) de sa division cloud en attribuant la décision aux mesures de restriction des exportations de semiconducteurs des US. Le titre baisse de 10%.

La proportion de refinancements inférieurs au tour précédent (downrounds) en capital-risque atteint un plus-haut de 10 ans à 17,1%. Pour quelques graphes sur l‘évolution des valorisations chez les VC américains, c’est ici.

Et les mentions de grèves, syndicats et contrats de travail ont augmenté de 80% par rapport à l’année dernière dans les conférences de résultats trimestriels du S&P500…revanche du travail sur le capital, même aux Etats-Unis ?

Réparer les vivants 🔬

CRISPR Therapeutics et Vertex ont obtenu une première autorisation de mise sur le marché cette semaine au Royaume-Uni (la réponse de la FDA est attendue le 8 décembre) pour Casgevy, un traitement de deux maladies du sang d’origine génétique, la drépanocytose et la bêta-thalassémie dépendante des transfusions. S’il y a déjà quelques thérapies géniques sur le marché, c’est le premier enregistrement d’un traitement d’édition du génome.

Les thérapies géniques permettent d’insérer du matériel génétique sain dans une cellule grâce à un virus afin de corriger une déficience, selon le schéma simple présenté ici. L’édition génomique, ou technique des ciseaux moléculaires, permet de remplacer la séquence défectueuse du gène par une séquence saine. Décrite dans cette vidéode l’Inserm ou dans les deux premières minutes de celle-ci, visuellement très réussie mais en anglais, la technique a valu à Emmanuelle Carpentier et Jennifer Doudna le prix Nobel de chimie en 2020. Le fait de remplacer ou réparer le gène permet aux cellules de fabriquer la protéine dont l’absence est à l’origine de la maladie (d’autres applications existent dans le cancer).

Le concept de la thérapie génique a été découvert dans les années 70, et a généré dans les années 90 une première vague d’euphorie scientifique et boursière (introductions en bourse, acquisitions de biotechs spécialisées par des grands groupes), mais la mort d’un patient a freiné l’enthousiasme pour quelques décennies. La première thérapie génique a néanmoins été autorisée en 2003 en Chine, suivie d’une autre en 2012 en Europe, pour le traitement de l’hypercholestérolémie génétique. C’est en 2012 également que les premières publications sur CRISPR-cas 9 apparaissent, et les années suivantes voient d’autres approbations réglementaires et un renouveau des investissements et des études cliniques. En 2023, on compte 2220 essais en cours, dont 100 d’édition génomique, et la Food and Drug Administration estime qu’elle devrait autoriser 20 thérapies géniques d’ici 2025.

L’indice MSCI ACWI Genomic Innovation, qui regroupe des sociétés cotées de génomique au sens large (séquençage, diagnostic moléculaire, bio-informatique etc) a délivré une performance annualisée de 5% environ depuis 10 ans, inférieure à celle du MSCI World (l’indice représentatif des bourses mondiales), qui est d’environ 7%. Il est surtout plus volatile que l’ensemble du marché, comme pour toute technologie de rupture, évoluant au gré des résultats cliniques, des effets secondaires, de lancements qui n’ont pas toujours délivré leurs promesses, et de controverses sur les prix très élevés (cf notre précédente édition). Après une performance exceptionnelle en 2021, il a corrigé significativement plus que le secteur des biotechnologies dans son ensemble, avant de se reprendre récemment grâce aux développements dont nous venons de parler. Si la technologie semble proche de la maturité, le thème est encore risqué, et suppose une approche diversifiée via un panier de titres de génomique, voire un choix plus large de titres représentatifs d’un éventail d’innovations médicales.