Investir dans la transition énergétique

Une remontée dans les dernières heures de trading vendredi permet aux indices américains de limiter leurs pertes, tandis que le rebond de l’inflation jette un froid sur la cote européenne.

Les valeurs liées à la transition énergétique retrouvent les faveurs du marché, l’occasion à l’approche des vacances de faire un point sur les carburants durables d’aviation.

Macro 🔭

 

Aux Etats-Unis, l’indice Case-Shiller du prix des maisons (mars) augmente un peu plus que prévu à 7,4% annualisé. La confiance du consommateur (indice du Conference Board) s’améliore significativement (102 en mai). La croissance du PIB au T1 est révisée de 1,6% à 1,3% (QoQ). Le PCE (indicateur d’inflation préféré de la Fed), en hausse de 2,8% sur un an, est en ligne avec les attentes, les dépenses de consommation d’avril déçoivent, et les marchés attendent désormais 35bps de baisses de taux d’ici la fin de l’année.

L’inflation dans la zone €, en accélération à 2,6% (mai), jette un froid sur les marchés, qui attendent désormais 2 baisses de taux de 0,25%, avec 25% de probabilité pour une troisième. A contrario, les anticipations d’inflation des consommateurs de la zone € baissent (2,9% d’inflation sur les 12 prochains mois dans le sondage d’avril de la BCE, 2,4% à 3 ans), un plus-bas depuis avril 2021, et le taux de chômage perd encore 0,1% (6,4% en avril). Alors que les indicateurs allemands étaient plutôt orientés à la hausse (modeste) ces derniers temps, l’IFO (indice du climat des affaires) déçoit un peu, de même que les ventes au détail (-1,2% en avril, en France c’est -0,8%). Etant donné l’influence du climat sur ces dernières, on n’a pas d’attentes très élevées pour celles de mai. S&P Global Ratings dégrade la dette française à AA-, prévoyant une dette/PIB de 112% en 2027 (109% en 2023).

Au Japon l’indicateur avancé surprend à la hausse, l’inflation à la baisse (1,8% sur un an contre 2,2% le mois dernier).

La Chine annonce un fonds de 48 Md$ pour les semiconducteurs. Le FMI relève ses prévisions de croissance à 5%, tandis que le PMI manufacturier de mai déçoit (le PMI composite reste en zone d’expansion, à 51. PwC pourrait battre le record de Deloitte (l’année dernière) de la plus forte amende infligée par le gouvernement chinois en raison de déficits dans l’audit du promoteur immobilier en faillite Evergrande. On parle de 138M$ et de la suspension de tout ou partie de ses activités. Quand on connaît la fiabilité des chiffres du gouvernement sur l’économie, c’est moche.

La SEC autorise huit ETF Ethereum au comptant.

Micro 🔬

La dernière réunion du FOMC a minimisé le risque systémique de la dette privée, tout en relevant quelques facteurs de risque. La classe d’actifs star du moment, dont les encours représentent 1700 à 2100 Md$ selon les estimations, est également évoquée cette semaine par Jamie Dimon, le patron de JP Morgan, qui ne voit pas de risque systémique non plus, mais à qui les notations de certaines dettes rappellent les mortgages d’avant 2008. L’opinion du FMI, dans son rapport du mois dernier sur la stabilité du secteur financier, se trouve ici. Le sujet, comme souvent avec le non coté : les valorisations, laissées à la libre appréciation des fonds, peuvent varier de 40% d’un évaluateur à un autre. Aux Etats-Unis, les « business development companies », des prêteurs privés cotés, traitent d’ailleurs au-dessous de la valeur qu’ils affichent pour leurs dettes, et Moody’s a réduit les perspectives de stables à négatives pour trois d’entre elles, FS KKR Capital Corp, Oaktree Specialty Lending Corp, et Blackrock TCP Capital Corp, qui comptent 20 Md$ d’actifs. A un cran du junk bond, alors que leurs prêts non performants atteignent respectivement 6,4%, 5,4% et 2,2% des encours.

Salesforce publie un chiffre d’affaires trimestriel en hausse de 11%, en bas de sa fourchette d’objectifs, maintient ses prévisions pour l’année et et projette 8% de croissance pour le trimestre prochain (à fin juillet), ce qui en ferait le premier trimestre en croissance à un chiffre depuis près de 20 ans, en raison d’un allongement des cycles de ventes. Verdict : -20% à la clôture.

Ironie du sort, HP, archétype du hardware dont plus personne ne veut (en bourse), publie le même jour des ventes de PC en hausse d’un petit 3%, certes, mais en accélération, après deux ans de décroissance. La société affirme que les PC IA représenteront environ 10% des livraisons au deuxième semestre. Les ventes totales du groupe, elles, sont à peine stables.

Si j’avais le temps de faire du shopping en ce moment, j’aurais peut-être identifié le Nvidia du retail, Abercrombie & Fitch, qui prend 20% sur l’annonce de ses résultats (CA +22%, résultats x7 environ), portant la hausse sur 1 an à plus de 450%. Grand retour de Gap aussi, dont les ventes des 4 marques (Gap, Old Navy, Athleta et Banana Republic) repassent en territoire positif pour la première fois depuis des années. Comme dans la tech, la revanche des boomers (de la value diront les quants).

Du côté des activistes, Nelson Peltz vend l’intégralité de sa position dans Disney tandis qu’Elliott s’attaque au fabricant de semiconducteurs Texas Instruments, dont il trouve que les investissements pour relocaliser sa production aux Etats-Unis sont trop conséquents.

39% des introductions en bourse à New York cette année sont le fait de sociétés étrangères, un plus-haut de 10 ans (38%). Navrant pour la santé des places européennes (et donc à terme pour le financement des sociétés). Les raisons : valorisations plus élevées, plus de gérants spécialisés sectoriellement, moins de restrictions (essentiellement ESG) à l’investissement. Don’t tell Pouyanné.

Beaucoup de M&A cette semaine, avec notamment l’acquisition par Merck & Co d’Eyebiotech Ltd, participation du fonds français Jeito, pour 3 Md$, et ConocoPhillips s’offre la société d’exploration et production Marathon Petroleum (pétrole de schiste notamment) pour 22,5 Md$ (17Md$ en titres, c5 Md$ de dette). Le Canadien Brookfield s’offre le Français Neoen (production d’énergie solaire et éolienne) pour 6,1 Md€ (27% de prime, et 9,9 Md€ de VE), tandis que BHP se retire du deal Anglo American.

La minute innovation 🧚🏻

Des chercheurs de Cambridge ont trouvé le moyen de recycler le ciment (8% des émissions de CO2).

A rock a day keeps the doctor away (piqué à Reddit), c’est en résumé ce que vous conseillent les AI Overviews de Google (manger une pierre par jour, vraiment), en test actuellement. Some say these results are rock solid, but I find this hard to swallow.

Elon voudrait construire la gigafactory du calcul, un super-ordinateur contenant 100 000 GPUs (Nvidia H100) pour accélérer le développement de son chatbot IA Grok. xAI est valorisée 24 Md$ après une levée de 6Md$.

Le Chinois BYD est sur le point de lancer deux berlines hybrides avec une autonomie de 2000 km, à moins de 14 000$. Cet analyste souligne l’adaptation rapide des constructeurs chinois marchés export, où les stations de chargement sont beaucoup moins répandues qu’en Chine.

 

Le passage de l’art au divertissement, puis à la distraction et enfin à l’addiction : The rise of dopamine culture, à méditer pour l’avenir des industries de loisir.

Or vert

Investir dans la transition énergétique grâce aux carburants d’aviation durables?

Après trois années de baisse, les titres « verts » ont retrouvé des valorisations plus en ligne avec leurs fondamentaux, et recommencent à susciter de l’intérêt (cf l’OPA sur Neoen). Parmi les innovations intrigantes du secteur, on compte les carburants durables d’aviation (sustainable aviation fuels), qui proviennent de sources autres que le pétrole et peuvent être mélangés au kérosène dans des proportions allant de 10 à 50% selon le mode de production, réduisant les émissions de 70% en moyenne. Les 9 modes de production homologués (décrits dans ce document du département de l’énergie américain – l’Association Internationale du Transport Aérien (IATA) en reconnaît 7) utilisent des déchets solides, des huiles (y compris les résidus de cuisson) ou de la biomasse, ou un processus de capture du carbone de l’air. Ils ont déjà été utilisés par 490 000 vols commerciaux, et la production 2023 s’élevait à 600 millions de litres (source IATA).

L’aviation représente 2% des émissions de CO2. L’IATA s’est fixé un objectif Net zéro pour 2050 auquel les carburants durables contribuent à hauteur de 65%. Elle estime les besoins à 23 milliards de litres en 2030, et près de 450 en 2050, et n’est pas favorable à une législation, qui se met néanmoins en place : en octobre 2023, L’Europe a adopté RefuelEU Aviation, qui impose 2% de carburants durables en 2025, et 70% en 2050, et le Japon impose 10% d’ici 2030. Les Etats-Unis encouragent l’usage avec l’attribution de crédits carbone, et la production avec des crédits d’impôts et un Sustainable Aviation Fuel Challenge visant la production d’environ 14 milliards de litres par an à partir de 2030, et une baisse de son prix, actuellement 3 à 5x supérieur à celui du fuel. Les Etats-Unis autorisent aussi malheureusement l’utilisation de bioéthanol, alors que l’Europe refuse les carburants dont la production entre en compétition avec celle de denrées agricoles (ici le maïs).

La capacité de production pourrait approcher 2 milliards de litres en 2024, et doit donc être multipliée par 10 d’ici 2030 pour atteindre la trajectoire NetZéro fixée par l’IATA. Un vrai défi quand on connaît la complexité et l’intensité capitalistique du raffinage. Une société ayant englouti 1 Md$ dans la production à partir des déchets solides récupérés dans les décharges est d’ailleurs sur le point de faire faillite aux Etats-Unis.

Bref, la visibilité sur la demande est plutôt bonne, la capacité de production est insuffisante, le cas d’investissement serait clair sans l’éternelle question de la marge de raffinage, sensible au prix du diesel, avec des contrats long terme qui repricent en ce moment à une marge inférieure, et au prix des intrants, en hausse également. Risqué à court terme, prometteur à long terme. Sans compter la perspective d’échapper aux préconisations de Janco.

Cet article ne constitue pas une recommandation d’investissement sur les thèmes ou les titres mentionnés.