Après avoir terminé le mois de janvier en hausse (1,6% pour le S&P500, 1% pour le Nasdaq, 2,9% pour l’Eurostoxx), les marchés ont trébuché cette semaine sur fond de déceptions sur le timing de la première baisse de taux et d’inquiétudes sur les banques régionales, avant de se reprendre grâce aux résultats d’Amazon et de Meta.

Macro 🌡️

Aux Etats-Unis, l’ISM manufacturier reste en territoire de contraction mais se rapproche de 50 et la composante nouvelles commandes se reprend fortement. La Fed maintient ses taux à 5,25%-5,50% et laisse entendre qu’il est peu probable qu’elle les baisse en mars, dans l’attente d’une confirmation du ralentissement de l’inflation. Les créations d’emploi (ADP) sont nettement inférieures aux attentes, les demandes d’allocations chômage remontent à 224 000, de même que le total des chômeurs, proche d’un plus-haut de deux ans. Fin de la surchauffe du marché de l’emploi en apparence, mais les créations d’emploi non agricoles annoncées en fin de semaine sont presque deux fois supérieures au consensus et le taux de chômage reste à 3,7%. Enfin, la confiance du consommateur remonte (79 vs 69,7 auparavant). Tout va bien, donc, sauf la dette : Nassim Taleb (entre autres) alerte sur ce qu’il nomme un cygne blanc.

Dans la zone €, le taux de chômage (décembre) est stable à 6,4% et l’inflation augmente de 2,8% en janvier (c’était 2,9% en décembre). En France elle est de 3,1% après 3,7% en décembre. Le PIB français progresse de 0,7% (annualisé) au quatrième trimestre, le PIB allemand baisse de 0,3%, pour la zone € c’est +0,1%. 

La Banque d’Angleterre laisse son taux directeur inchangé à 5,25% et ne mentionne plus la possibilité de hausses supplémentaires.

Le PMI manufacturier chinois (enquête Caixin) reste stable en janvier à 50,8. Orientée vers les sociétés exportatrices, l’enquête est plus favorable que les données du bureau national des statistiques, qui montrent un PMI manufacturier toujours en contraction (49,2).

Micro 🏢

Alphabet publie un chiffre d’affaires trimestriel en hausse de 13% et un résultat net en hausse de 51%, mais les ventes issues de Google Search, à 48Md$ vs 48,15Md$ attendus par les analystes, et des avancées jugées trop lentes dans l’IA, entraînent des prises de bénéfices. 

New York Community Bancorp perd 38% le jour de sa publication (et 11% le lendemain) alors qu’elle coupe son dividende, passe 552M$ de provisions pour créances douteuses (essentiellement liées à l’immobilier), soit 10 fois le total des dix dernières années, et augmente ses réserves, l’acquisition de Signature Bank lui ayant fait passer le cap des 100 Md$ d’actifs entraînant une supervision plus stricte. La banque japonaise Aozora Bank a plongé elle aussi à l’annonce d’une perte liée à ses investissements dans l’immobilier commercial américain, tandis que Deutsche Bankquadruple ses provisions sur le même secteur. L’immobilier commercial représente près de 30% des actifs des banques régionales, et la baisse des prix est considérable : l’immeuble Aon Center, à Los Angeles, s’est récemment vendu 45% de moins que son prix d’achat en 2014, et Boston Properties a déclaré avoir acheté pour 1$ 29% d’un immeuble de Manhattan dans lequel le vendeur, le fonds de pension public du Canada, avait investi 71M$.

Microsoft affiche un chiffre d’affaires trimestriel en hausse de 18% (30% pour la division cloud Azure, dont 6% venant de l’intelligence artificielle) et un résultat net en hausse de 33%, mais l’objectif de chiffre d’affaires pour le prochain trimestre déçoit (à la marge). Le groupe vient de lancer un outil de productivité pour sa suite Office nommé Copilot AI, à un prix de 30$, mais ne communique pas sur les souscriptions.

Apple retrouve la croissance après 4 trimestres de ventes en baisse mais le marché s’inquiète de la trajectoire en Chine, où les ventes ont baissé de 13% au quatrième trimestre et qui représente environ 20% de son chiffre d’affaires.

AMD déçoit également en anticipant pour le prochain trimestre un ralentissement, la croissance des ventes de processeurs graphiques ne compensant pas la baisse ou la stagnation des ventes de processeurs pour les PC et serveurs.

Amazon publie un chiffre d’affaires trimestriel en hausse de 14%, avec des ventes AWS (cloud) en hausse de 13%, plutôt décevantes par rapport à la concurrence, mais une croissance notable dans la publicité. Les résultats sont en forte hausse grâce à la baisse des coûts opérationnels (historiquement le point faible du groupe), et les objectifs du premier trimestre supérieurs au consensus.

Meta affiche un chiffre d’affaires trimestriel en hausse de 25% et un triplement du résultat net (à relativiser, les résultats ayant été particulièrement faibles en 2022 en raison des investissements massifs en capex et opex), fixe un objectif de ventes pour le premier trimestre supérieur d’environ 10% au consensus, et annonce la mise en place d’un dividende et d’un rachat d’actions de 50Md$. Les apps du groupe (Instagram, WhatsApp et Facebook) comptent 3,19 milliards d’utilisateurs quotidiens et 3,98 milliards d’utilisateurs mensuels.

Tesla pourrait déménager son siège au Texas à la suite de la décision d’un juge du Delaware de sucrer le package de 56Md$ d’Elon. Il faudrait néanmoins que le Delaware autorise une manœuvre « Musk-selfish ».

Byron Allen, propriétaire via son Allen Media Group de 22 stations de TV dont le Weather Channel, fait une offre de 14Md$ (30Md$ avec la dette) sur Paramount Global (studio Paramount, CBS, Nickelodeon), une prime de 50%.

Les résultats préliminaires 2023 d’Adidas font état de ventes stables à changes constants (-5% en publié) en raison de la réduction des stocks chez les distributeurs et de la baisse des ventes de Yeezy, la marque issue de la collaboration lucrative et controversée avec Kanye West. Le groupe projette une croissance 2024 autour de 5%, y compris 250M€ de ventes de Yeezy, et un rebond marqué de son résultat opérationnel. Le titre baisse de 6% sur l’annonce.

Pour BNP Paribas, c’est -9% le jour de la publication en raison notamment d’une baisse des objectifs 2025 de rentabilité des capitaux propres tangibles et de croissance de résultat (8% entre 2022 et 2025 contre 9% auparavant).

L’IPO d’Athens International Airport rencontre un franc succès, avec un book sursouscrit quelques heures après le début de l’opération, et lève 785M€ (pour 30% du capital). Renault annule l’IPO d’Ampère, sa filiale dédiée à l’électrique, effectivement pas le thème idéal. Avions contre véhicules électriques, pas le symbole idéal non plus.

New kid in town ⚕️

Cette semaine, le laboratoire pharmaceutique danois Novo Nordisk publiait ses résultats 2023, et le spécialiste du diabète devenait le seul Européen avec LVMH à dépasser le seuil de 500Md$ de capitalisation boursière. En 2023, Novo affiche 31% de croissance de chiffre d’affaires (en DKK), 147% de croissance des ventes de traitements de l’obésité, et vise pour 2024 des ventes en hausse de 17 à 25% et un résultat opérationnel en hausse de 19 à 27%. Wegovy (obésité), lancé dans 8 pays, poursuit son expansion, contrainte par une capacité de production insuffisante. L’occasion de s’interroger d’une part sur l’innovation dans la santé, d’autre part sur les écarts de capitalisation entre tech et autres secteurs, et entre US et Europe : 500Md$ de capitalisation boursière totale pour LVMH ou Novo Nordisk, à rapprocher de 200Md$ de capitalisation additionnelle pour Facebook le jour de l’annonce de ses résultats. 

Selon l’OMS, 650 millions d’adultes et 124 millions d’enfants et d’adolescents étaient obèses en 2016, soit 13% de la population adulte et 7% des 5-19 ans. On ne parle que des obèses, pas des personnes en surpoids (environ 50% de la population des pays développés). Selon Novo Nordisk, 2% des obèses prennent un traitement médical. Un mois de traitement par Wegovy coûte cher, grosso modo le prix d’un iPhone Pro ou l’équivalent de plus de 6 ans de revenus publicitaires d’un utilisateur américain de Facebook. Alors certes, les prix vont baisser, certes la concurrence d’Eli Lilly est là, et bien entendu le profil de risque d’un groupe pharmaceutique n’est pas celui d’un géant de la tech (en raison de la propriété intellectuelle notamment), mais pour ce qui est de la taille du marché, le parallèle pourrait s’avérer légitime.

Cette année, en plus de la poursuite des lancements dans l’obésité, on pourrait voire une (timide) avancée dans le traitement d’Alzheimer. Si Biogen annonce cette semaine retirer du marché Aduhelm, aux résultats cliniques contestables et dont l’autorisation par la FDA en 2021 avait été jugée au terme d’une enquête du Congrès entachée d’irrégularités, Eli Lilly pourrait lancer au premier semestre un produit aux résultats plus probants (bien que loin d’un véritable traitement). Si Aduhelm, dont le coût annuel s’élevait à plus de 25 000$, réalisait des ventes négligeables, la question reste ouverte pour ses successeurs. Là aussi le marché, qui compte environ 35 millions de patients (6 millions de plus tous les ans), dont seuls les cas modérés seront éligibles au traitement, est significatif.

Et 2024 est également l’année du lancement du premier traitement d’édition du génome (la technologie CRISPR-Cas 9 dont je vous parlais récemment et résumée ici en vidéo). Technologies de rupture, produits nécessaires, groupes globaux et marchés colossaux : on peut aussi se tourner (sélectivement) vers la santé pour investir dans l’innovation.

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