Petite baisse aux Etats-Unis en cette semaine des trois sorcières : le regain d’inflation, largement ignoré en début de semaine, finit par inquiéter, tandis que les signaux de ralentissement économique se multiplient. L’Eurostoxx affiche une petite hausse, alors que la situation économique ne se dégrade pas, tandis que la première baisse de taux se rapproche. Point sur TikTok, le protectionnisme et le thème des relocalisations.
Macro 🔭
Aux Etats-Unis, l’inflation accélère de nouveau en février (CPI à 3,2% vs 3,1% annualisé en janvier). Les actions écartent allègrement la nouvelle, mais les obligations s’enfoncent tandis que l’allocation de bons du Trésor US de mardi (39 Md$ alloués à 4,166%) attire une demande réduite. Pour les prix à la production, le rebond est plus marqué (1,6% contre 1% en janvier), et en fin de semaine les marchés pricent une probabilité de baisse de taux en juin de 54% (c’était plus de 70% avant le CPI). Les nouvelles demandes d’allocation chômage sont stables par rapport à la semaine précédente. Les ventes au détail déçoivent. L’Empire State Manufacturing, le sondage sur l’activité de production de la Fed de New York, signale un ralentissement des commandes, et l’indice du Michigan (sentiment du consommateur) est à peu près stable.
En Allemagne, l’inflation de février, à 2,5%, est en ligne avec les attentes et en baisse par rapport au mois précédent (2,9%). Les membres du Conseil des gouverneurs de la BCE évoquent plus ou moins à l’unisson une baisse des taux en juin, l’un deux se prononce même pour 4 baisses d’ici la fin de l’année. Schématiquement, l’économie de la zone € n’est pas flamboyante mais ne ralentit plus, et les taux vont baisser plus tôt qu’aux US, expliquant sans doute la légère surperformance récente de l’Eurostoxx.
Le widow maker est de retour : vendre à terme des obligations d’Etat japonaises en anticipation d’une hausse des taux de la BOJ, c’était le trade perdant garanti, le faiseur de veuves, depuis deux ou trois décennies. Il retrouve des aficionados alors que les négociations avec les syndicats se soldent par des hausses de salaires de 5,28%, la plus forte augmentation depuis des décennies.
La dette mondiale atteint 100 000 Md$, soit environ 100% du PIB.
Micro 🔬
Les dividendes ont augmenté de 5,6% en 2023, pour un montant global de 1660 Md$.
Il n’a pas suffi à Adobe de parler intelligence artificielle pour faire monter son titre lors de sa présentation de résultats. Des objectifs de chiffre d’affaires inférieurs au consensus ont entraîné jusqu’à 14% de baisse en séance.
Madrigal Pharmaceuticals obtient de la Food and Drug Administration l’autorisation de mise sur le marché du premier traitement de la NASH (stéatose hépatique non alcoolique ou maladie du foie gras), une forme d’hépatite causée par l’accumulation de graisse dans le foie qui affecte 5% des adultes (essentiellement obèses et/ou diabétiques) aux Etats-Unis.
A quelques jours de sa première cotation théorique, Reddit, le réseau social aux 73 millions d’utilisateurs quotidiens (si vous ne connaissez pas l’histoire du chaos causé par WallStreetBets pendant le confinement, c’est ici), doit amender son prospectus en raison d’une enquête de la Federal Trade Commission. Celle-ci s’inquiète de la vente des données générées par les utilisateurs du réseau social à Google, à des fins d’entraînement de modèles d’IA. Reddit espère lever jusqu’à 748M$ sur une valorisation de 6,5Md$ (pour environ 800M$ de chiffre d’affaires en 2023, et 90 M$ de pertes). La société, qui vise une cotation depuis 2021, se lance dans un marché potentiellement difficile et avec une enquête de la FTC.
Robinhood Markets, le broker en ligne où les membres de WallStreetBets font leurs opérations (en raccourci) déclare des volumes de courtage en hausse de 41% (annualisé) en février, à 80,9 Md$, dont 6,5 Md$ pour les cryptos (+86% par rapport à février 2023), et 23,6 millions de clients.
Le cours du fabricant de véhicules électriques Fisker perd 40% alors qu’il s’apprête à se placer sous la protection de la loi des faillites. Fisker produit un unique SUV, l’Ocean, ou plus précisément le commercialise puisque la production est intégralement externalisée à Magna, et en Autriche (pour être vendue aux US). Score ESG Morningstar medium, un euphémisme. Le premier « constructeur automobile » fondé par Henri Fisker a fait faillite en 2013, son modèle se nommait Fisker Karma. Ca ne s’invente pas.
Coquille : la semaine dernière, nous voulions bien écrire qu’Eli Lilly et Berkshire seraient peut-être les premières techs à capitaliser 1000 Md$, pas 1 Md$. 🙇♀️
La minute innovation
Cette semaine avait lieu South by SouthWest (SXSW), la conférence/festival dédiée aux créatifs qui se tient chaque année à Austin, Texas. Parmi les innovations primées, j’ai un faible pour ces alternatives au plastique et pour le robot enchanté français.
Et bientôt, un architecte IA vous fournira vos plans sur un brief du genre « Je veux une maison Art Déco ».
Machine arrière
Les députés américains ont voté cette semaine le ban de TikTok (projet de loi « Protecting Americans from Foreign Adversary Controlled Applications Act ») en raison du risque que le gouvernement chinois ne l’utilise pour faire circuler de fausses informations ou manipuler ses 170 millions d’utilisateurs américains. Si le Sénat entérine la décision, l’app devra être cédée par sa maison mère Bytedance à une société américaine dans les six mois ou sera interdite aux Etats-Unis. Steven Mnuchin, ex-secrétaire d’Etat au Trésor de Trump et déjà à la manœuvre sur la recapitalisation récente de New York Community Bancorp, fait le tour des investisseurs pour racheter. D’autres sont également sur les rangs. L’« adversaire étranger », évidemment, apprécie modérément, même s’il se trouve que les réseaux sociaux américains sont interdits en Chine.
Cette même semaine, les CEO (de Tesla et de First Solar pour les plus récents) se plaignent devant les sénateurs de l’impact de la Chine sur les fabricants domestiques de panneaux solaires ou de véhicules électriques, et Washington ouvre également une enquête sur les risques data et cyber des voitures chinoises reliées à internet.
Aux-Etats-Unis, le retour au protectionnisme est patent et bipartisan. Les droits de douane imposés par Trump en ont été la manifestation la plus visible, mais l’administration Biden impose par exemple que les produits et services achetés par le gouvernement soient américains à 75% à partir de 2029, et quelques sociétés ont annoncé des investissements manufacturiers domestiques ou des relocalisations. On ne note pas pour autant d’inflexion majeure en termes d’emploi manufacturier, reparti légèrement à la hausse depuis 2010 mais sans accélération récente. Quant à l’Europe, hormis la future taxe carbone, elle reste opposée à toute forme de protectionnisme.
La remise en question de la globalisation a commencé en 2008 (très bonne infographie du FMI, qui dénombre 2845 restrictions aux échanges en 2022, ici). Entre mesures protectionnistes de gouvernements de plus en plus populistes, volonté de réduire des dépendances mises en évidence pendant la crise covid, tensions géopolitiques croissantes et volatilité des coûts des matières premières et du transport, et moindre acceptabilité sociétale de schémas de production parfois absurdes, le thème des relocalisations pourrait devenir intéressant.
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Cet article ne constitue pas une recommandation d’investissement sur les thèmes ou les titres mentionnés.