Les héritiers

Les marchés saluent la poursuite du reflux de l’inflation et l’inflexion concomitante du discours des banques centrales. La croissance ralentit. Le rebond des fusions-acquisitions et des introductions en bourse se confirme. Point sur le thème du sport à l’occasion de la publication d’une étude d’UBS sur les nouveaux milliardaires, dont un jeune Autrichien entré au classement en 2022 après avoir hérité de 49% de Red Bull.

Macro 🌡️

Aux Etats-Unis, les ventes de maisons neuves baissent de 5,6% en octobre par rapport à septembre et les stocks sont élevés (7,8 mois de stocks). L’indice Case-Shiller du prix des logements résidentiels poursuit néanmoins son redressement. Le Beige Book (enquête des Fed régionales) montre que l’activité a ralenti au cours des précédentes semaines, avec un tassement des dépenses discrétionnaires en bien durables, tandis que les dépenses de tourisme tiennent. La semaine amène également quelques signaux de ralentissement de la demande d’emploi, dont les nouvelles inscriptions au chômage, supérieures aux attentes à 218 000. Avec de surcroît un core PCE, mesure d’inflation préférée de la Fed, ressortant à un très raisonnable 3,5% en octobre, la Fed infléchit son discours vers plus de modération. La croissance du PIB au T3 est revue de 4,9% à 5,1%.

Enfin de bonnes nouvelles, la confiance des ménages français s’améliore en novembre, tout en restant sensiblement dégradée à 87 (moyenne de longue période 100), et l’agence de notation Standard & Poors maintient finalement la note de la France à AA. L’inflation dans la zone € ralentit encore à 2,4% (c’était 2,9% en octobre) grâce notamment à l’énergie, dont la contribution devrait recommencer à croître dès décembre compte tenu des effets de base. En France, l’inflation est de 3,4%, en baisse également, tandis que le PIB est annoncé en baisse de 0,1% au troisième trimestre (après une estimation initiale à +0,1%). Le gouvernement maintient sa prévision de croissance à 1,4% pour 2024. Les opérateurs de marché attendent désormais une première baisse de taux de la BCE en avril.

L’OCDE attend 2,7% de croissance mondiale en 2024, après 2,9% cette année.

Le PMI manufacturier chinois retourne en territoire de contraction (49,4), tandis que le non manufacturier (services et construction) s’en rapproche à 50,2. Dans un mémo interne, la banque CICC demande à ses employés de ne pas faire de commentaires négatifs sur l’économie en privé comme en public et d’éviter de porter des marques de luxe. Et le gouvernement interdit aux actionnaires détenant 5% ou plus du capital d’une société cotée de vendre leurs titres, ce qui devrait rassurer les investisseurs…

Les membres de l’OPEP+ annoncent une réduction supplémentaire de leur production d’un million de barils/jour. Le pétrole baisse en raison du caractère « volontaire » de la décision (l’Angola a déjà déclaré qu’il ne réduirait pas sa production).

Micro 🏢

Charlie Munger, alter ego de Warren Buffett (en plu drôle) chez Berkshire Hathaway, est décédé à l’âge de 99 ans. De toutes ses saillies (par exemple ici et ici), nous retiendrons les deux traitant les principaux thèmes de 2023: l’intelligence artificielle (old fashioned intelligence works pretty well) et l’inflation (if I can be optimistic when I’m nearly dead, surely the rest of you can handle a little inflation).

Selon Adobe, les ventes en ligne lors du Black Friday ont crû de 7,5% aux Etats-Unis, celles de Thanksgiving de 5,5%. La Cyber Week (la semaine de Thanksgiving) devrait rapporter 38,1Md$, dont 7,3Md$ à crédit. A l’échelle mondiale, selon Salesforce cette fois, elles ont atteint 298Md$, en hausse de 6% par rapport à l’année dernière.  

Dans un memo interne, la direction d’Amazon aurait évoqué un objectif de 5,9 milliards de paquets livrés aux Etats-Unis en 2023, ce qui la ferait passer aisément devant UPS (et a fortiori Fedex, sans parler des services postaux US).

L’activiste Elliott dévoile une position de 2Md$ dans l’opérateur immobilier d’infrastructures de télécommunications (tours, fibre, small cells) Crown Castle et demande notamment une revue stratégique et des changements dans l’équipe de direction et le conseil d’administration.

Salesforce, le fabricant de logiciels SaaS de gestion de la relation clients, n’a pas encore retrouvé ses cours de 2021 mais s’en rapproche. La bourse a salué des résultats trimestriels et des objectifs supérieurs aux attentes.

La Commission Européenne émet des objections à l’acquisition d’iRobot par Amazon, dont elle estime qu’elle pourrait entraver la compétition dans le secteur des aspirateurs. La décision finale est attendue mi-février 2024.

Tesla livre ses premiers Cybertrucks. La version de base coûtera finalement 60 990$, plus de 50% de plus qu’initialement annoncé, et ne sera disponible qu’en 2025. Semaine chargée pour Musk, qui répond à sa manière subtile à ceux qui voudraient « faire du chantage » à la publicité sur X.

Les géants de l’assurance santé Cigna et Humanaétudieraient une fusion selon le Wall Street Journal. La rumeur est mal accueillie par les marchés : les deux titres baissent de plus de 5%.

AbbVie lance une OPA sur Immunogen, spécialiste des conjugués anticorps-médicaments, des thérapies ciblées contre le cancer, dont le premier traitement sur le marché cible le cancer de l’ovaire. AbbVie paie 10,1Md$, une prime de 95% sur le dernier cours coté.

Alors que les grossistes américains en cognac seraient assis sur un à deux ans de stocks, les résultats semestriels (exercice débutant en avril) de Rémy Cointreau baissent de 50%, sur un chiffre d’affaires en baisse de 27%, et la direction annonce un plan d’économies de coûts.

SheIn a déposé son dossier de cotation aux Etats-Unis. Selon Bloomberg, si la société vendait 10% de son capital au prix évoqué de 90Md$, elle deviendrait la cinquième société de consommation par la capitalisation boursière. 

Reddit, une sorte de forum de discussions et d’agrégateur de nouvelles (dive into anything) qui comptait en 2020 430 millions d’utilisateurs mensuels actifs, pourrait aussi s’introduire en bourse en 2024, de même que Skims, la marque de sous-vêtements de Kim Kardashian, et Rubrik, une startup de cybersécurité soutenue par Microsoft.

L’investissement en capital-risque dans la tech européenne devrait s’élever à 45Md$ cette année, une baisse marquée par rapport aux 82Md$ investis en 2022. L’Europe crée plus de startups que les Etats-Unis, et a vu 11 levées de plus de 100M$ dans des sociétés l’intelligence artificielle cette année. Les introductions en bourse et le M&A rebondissent fortement au troisième trimestre. Tous les détails sont dans le rapport d’Atomico.

Pas assez de femmes dans la tech ? DevTernity, une conférence ayant réuni plus de 1000 développeurs en ligne en 2022, pensait avoir trouvé la solution en incluant de faux profils féminins dans sa liste d’intervenants et de participants. La supercherie ayant été éventée, les nombreux désistements ont entraîné l’annulation de l’édition 2023.

Les héritiers 🏆

Sur les 137 nouveaux milliardaires de 2022 (selon une étude UBS), 53 sont des héritiers d’une fortune combinée de 150,8Md$. Parmi les Millenials (la génération Y, née entre 1981 et 1996), la palme revient au Chinois Zhang Yiming, fondateur de Bytedance (TikTok), dont le patrimoine est estimé par Bloomberg à 54,9Md$. Il est suivi de l’Américain Mark Zuckerberg (Meta Platforms, 42,7Md$). A ces deux self-made men succèdent Lukas Walton, héritier Walmart, et l’Autrichien Mark Mateschitz, qui a hérité l’an dernier de 49% de Red Bull, société co-fondée par son père et l’entrepreneur Thaïlandais Chaelo Yoovidhya en 1984, et dont la fortune est estimée à 15,7Md$.

Red Bull ne produit pas la boisson énergétique, à base de caféine et de taurine, censée améliorer endurance, concentration, temps de réaction, vigilance, vitesse et statut émotionnel. La société se charge seulement de la commercialisation, et a révolutionné le marketing en parrainant des équipes sportives dans le monde entier et en faisant la promotion de sports à risque (dont le recorddu monde de chute libre de Felix Baumgartner). Son chiffre d’affaires approche les 10 milliards d’euros, et son budget sponsoring 1Md€. C’est de loin la boisson énergétique la plus vendue au monde, et avec environ 35% de part de marché en valeur aux Etats-Unis, elle est installée devant la marque locale, Monster, pourtant appuyée par The Coca-Cola Company.

Monster, cotée sur le Nasdaq, capitalise environ 57Md$ et illustre avec près de 19% de performance annuelle moyenne sur 10 ans (source Morningstar) l’attractivité du secteur des boissons énergétiques, et du thème du sport en général. L’augmentation de la pratique sportive dans le monde se traduit par un marché de près de 600Md$ (boissons énergétiques, vêtements et chaussures, installations et équipements). Selon PwC, la croissance du marché du sport devrait accélérer à 6,6% au cours des trois à cinq prochaines années, contre 5,5% pour les trois à cinq précédentes. Les véhicules cotés sont nombreux, des distributeurs spécialisés (Footlocker) aux marques comme Nike, Adidas ou Lululemon, en passant par les stations de ski (Vale), les chaînes de salles de sport (Planet Fitness) ou les boissons protéinées (cf le succès de Bellring Brands). 

Pour une exposition diversifiée, il peut être judicieux de recourir à des paniers, car on trouve relativement peu de véhicules d’investissement, hormis quelques fonds ou ETF souvent investis sur un thème plus large (santé et bien-être) ou plus étroit (paris et jeux ou e-sports).