Semaine de rebond grâce au discours dovish de la Fed et, paradoxalement, aux petits signaux de ralentissement de l’économie américaine. Bad news is good news. En Europe, la croissance est à l’arrêt, l’inflation ralentit fortement, et la BCE envisage toujours une hausse de taux à laquelle ne croit pas le marché. La saison de résultats se poursuit, avec des mentions inhabituellement élevées de ralentissement de l’activité. Point sur ce que sont devenues les sociétés du monde d’après.
Macro 🌡
Aux Etats-Unis, la Fed maintient ses taux inchangés et indique qu’elle étudiera l’impact du resserrement monétaire sur l’économie et l’inflation pour déterminer si d’autres hausses sont nécessaires, un discours interprété comme dovish par le marché. L’ISM manufacturier déçoit, enregistrant son douzième mois de contraction. Le sondage ADP sur l’emploi en octobre est mitigé, de même que les créations d’emplois non agricoles, supérieures aux attentes tandis que le taux de chômage remonte à 3,9%. Le PMI composite, bien que toujours en territoire d’expansion, est décevant. Le prix moyen des maisons (indice Case-Shiller) reprend 2,6% (données annualisées pour le mois d’août).
L’inflation ralentit fortement en Allemagne, à 3% vs 4,3% le mois précédent (annualisé), et le chômage remonte à 5,8%. Le PIB du troisième trimestre baisse de 0,1%, pour un sixième trimestre de contraction. Le PIB français a crû de 0,1% au troisième trimestre, en net ralentissement par rapport au trimestre précédent (0,6%). L’inflation dans la zone € s’élève à 2,9% grâce à un effet de base fortement négatif sur l’énergie, dont le pic avait été atteint en octobre dernier. Isabel Schnabel, membre du conseil des gouverneurs de la BCE, déclare que d’autres hausses de taux seront peut-être nécessaires pour juguler l’inflation. Le marché attend pour sa part une première baisse en juin 2024, et 1% de baisse d’ici la fin de l’année.
Le Japon lance un plan de soutien à l’économie de 17 000MdJPY (107Md€).
Le PMI Caixin chinois repasse en territoire de contraction.
Micro 🏢
ON semiconductors, dont les puces ont pour principal client final l’industrie automobile, voit son titre lourdement sanctionné sur la publication de ses résultats trimestriels, et surtout de ses objectifs, marqués par un ralentissement de la demande de véhicules, notamment électriques. Ce ralentissement intervient au moment où le syndicat des travailleurs de l’automobile met fin à 6 semaines de grève après avoir conclu un accord avec General Motors, Stellantis et Ford comprenant notamment des hausses de salaire de 25% sur la durée du contrat. Ford estime le surcoût à 900$ par voiture.
Tesla a perdu près de 20% de sa capitalisation boursière depuis la publication des résultats du troisième trimestre en raison d’inquiétudes sur la demande de véhicules électriques, tandis que X (ex-Twitter), acheté 44Md$ il y a un an, ne vaut plus que 19Md$. Moins de 1% des utilisateurs sont passés sur le plan premium, et on a le droit d’être dubitatif sur le nouvel objectif de faire du réseau social une app « pour tout » offrant des services bancaires, de recrutement ou d’e-commerce. Une bonne nouvelle quand même pour le milliardaire : l’activité d’internet par satellite Starlink (SpaceX) serait à l’équilibre.
Pinterest poursuit sa série de bons résultats trimestriels en annonçant des chiffres supérieurs à ses objectifs, y compris pour le nombre d’utilisateurs actifs mensuels, qui s’élève désormais à 482 millions, avec un ARPU (les revenus générés par utilisateur) moyen de 1,61$.
Palantir fait également mieux que prévu et clôture en hausse de 20%. La société spécialisée dans l’analyse de données, en particulier pour les services de renseignements, est rentable pour le quatrième trimestre d’affilée, et se trouve donc éligible au S&P500. Le CEO, Alex Karp, déclare pendant la conférence des analystes qu’à sa connaissance Palantir est la seule société à avoir dit depuis l’origine qu’elle choisissait son camp, et qu’elle ne fournit donc de produits qu’au monde occidental et soutient les Etats-Unis et Israël.
Apple publie des ventes en baisse pour le quatrième trimestre d’affilée et avertit que son chiffre d’affaires, pénalisé par un ralentissement en Chine sur fonds de tensions politiques entre Washington et Beijing et de retour sur le marché de Huawei, sera stable au prochain trimestre. Les analystes attendaient 5% de croissance. Lors de l’événement Scary Fast, la société a dévoilé ses nouveaux Mac, équipés des puces maison.
Estee Lauder revoit ses objectifs à la baisse en raison de difficultés dans le travel retail en Asie et d’un ralentissement de ses ventes en Chine. Le chiffre d’affaires du troisième trimestre a baissé de 10%.
Le Danois Novo Nordisk publie des résultats stellaires, portés par son médicament anti-obésité Wegovy, dont le chiffre d’affaires augmente de 734%.
Toujours au Danemark, Orsted, le spécialiste de l’éolien, voit ses ventes divisées par deux. N’ayant pu obtenir des autorités, notamment américaines, de pouvoir répercuter ses hausses de coûts dans les prix de l’électricité fournie par ses développements d’éolien offshore, la société doit interrompre un certain nombre de projets. Le titre a perdu plus de 80% de sa valeur en deux ans.
Les mentions d’affaiblissement de la demande pendant les conférences d’analystes sont à un plus-haut historique pendant cette saison de résultats du troisième trimestre.
Le monde d’après 🎢
Souvenez-vous. Le monde était confiné et les couplets sur le monde d’après, connecté grâce à la technologie, florissaient, tandis que flambaient les paniers d’actions des sociétés qui le rendaient possible. Trois ans plus tard, qu’en reste-t-il ? Le télétravail s’est répandu, mais perd du terrain : moins de 26% des ménages américains comptent encore au moins un membre travaillant à distance. Début 2021, c’était 37%. Les employeurs n’y trouvent plus leur compte. Certains, comme Goldman Sachs, imposent le retour à la semaine de cinq jours au bureau.
Peloton, le fabricant de vélos d’intérieur connectés, publie cette semaine des pertes et attend des abonnements payants en baisse de 6% pour l’année. Le titre a été divisé par 30 depuis son plus-haut. Zoom Video Communications, qui publie ses résultats dans deux semaines, cote aux environs de 60$, contre près de 500$ fin 2020. Docusign a perdu 85% de sa valeur, HelloFresh (livraison de repas à domicile) plus de 75%. WeWork (co-working) a l’intention de se placer sous la loi des faillites la semaine prochaine. Et Sam Bankman-Fried, le patron de FTX, est déclaré coupable des 7 chefs d’accusation retenus contre lui.
Bref, l’humanité n’est pas encore prête à travailler de chez elle en commandant des pizzas payées en cryptomonnaies depuis son canapé, ce qui n’est pas forcément une mauvaise nouvelle. Reste que la séquence est intéressante, car illustrant bien les effets de mode dont peuvent bénéficier les investissements. L’investissement thématique permet d’accompagner des tendances structurelles et conjoncturelles, d’investir dans les leaders futurs plutôt que dans les sociétés bien établies sur les marchés actuels. Les tendances structurelles sont des mouvements qui façonnent l’économie à long terme, comme la démographie (thème du vieillissement), l’innovation (médicale par exemple) ou la transition énergétique (même si cette dernière, compte tenu des investissements massifs annoncés il y a trois ans, a connu une dimension conjoncturelle). Les tendances conjoncturelles, comme celle de l’économie covid, peuvent être tout aussi porteuses, à condition de les déceler à temps et de ne pas manquer le point de retournement, et sont donc plus risquées.
Et pour le vrai monde d’après, c’est bien sûr en Californie que ça se passe, c’est bien sûr porté par des milliardaires de la tech, et c’est ici.