Que vaut le bitcoin?

Semaine très positive pour les marchés des deux côtés de l’Atlantique, Nasdaq en tête, de même que pour le Japon et la Chine.

Le bitcoin dépasse les 100 000$. De ceux qui pensent que c’est un schéma de Ponzi à ceux qui le valorisent 10 M$, qui a raison ?

Macro 🔭

 

Aux Etats-Unis, le secteur manufacturier surprend positivement pour une fois avec un rebond de l’ISM (toujours inférieur à 50 quand même), et un PMI composite en petite amélioration. Les enquêtes d’emploi de la semaine pointent sur un marché de l’emploi stable ou en léger ralentissement, mais en fin de semaine, la statistique des créations d’emploi non agricoles pour novembre surprend plutôt à la hausse. Le taux de chômage s’établit à 4,2% (vs 4,1% le mois précédent). L’indice de confiance du consommateur de l’université du Michigan se redresse, de même que les attentes d’inflation à un an (2,9%). Le président de la Fed estime qu’il y a un peu moins de risques que l’institution ne le pensait pour l’emploi et la croissance, un peu plus pour l’inflation, impliquant que les baisses de taux pourraient ralentir.

A l’aube d’une deuxième année de récession en Allemagne, et alors que le PMI manufacturier de novembre est solidement sous les 50 (43 exactement), le président de la Bundesbank s’exprime en faveur d’une réforme du « frein à l’endettement », qui fixe une limite de déficit de 0,35% du PIB chaque année. Le chancelier Scholz propose un fonds d’investissement de 100 Md€ pour l’Allemagne. Le taux de chômage dans la zone € est stable à 6,3% en octobre. Le PMI est un peu meilleur que prévu (48,3).  L’agence de notation Moody’s met à jour ses perspectives pour la France : déficit de 6,3% du PIB en 2024, 5,3% en 2025 et 4,7% en 2026. Le spread OAT-Bund se resserre. Parce que Christine Lagarde a opportunément rappelé cette semaine que la BCE disposait d’un instrument de protection de la transmission ? 🍀

La Chine annonce interdire les exportations de gallium et de germanium à destination des États-Unis, après les avoir restreintes l’an dernier. Ces sous-produits du raffinage du zinc et de l’alumine entrent notamment dans la fabrication des semiconducteurs, des fibres optiques et des panneaux solaires. La Chine fournit 94% de la demande mondiale en gallium et 83% de celle de germanicum. Flexing its muscles. Le PMI des services (Caixin) recule légèrement en novembre mais reste en territoire d’expansion (51,5). La Chine a dépassé l’Europe en nombre de nouveaux principes actifs pharmaceutiques l’année dernière (mais on a le Doliprane).

L’OCDE prévoit 3,3% de croissance mondiale en 2025 et alerte sur les risques croissants : tensions commerciales et protectionnisme, escalade potentielle des conflits géopolitiques et défis budgétaires dans certains pays.

Pour la qualité de vie, c’est en Europe qu’il faut s’expatrier selon Mercer. Enfin, en Suisse (4 villes dans le top 10). J’espérais quand même trouver dans le classement une bouffée d’optimisme, mais la première ville française (Toulouse) est en 32ème place, Paris 34ème. Loin derrière Francfort ou Düsseldorf. Mais devant Milan, tout n’est pas perdu.

Micro 🔬

Le Buffett Indicator, qui compare la capitalisation du marché américain mesurée par l’indice Wilshire 5000 et son PIB, dépasse 200%. Il avait atteint 140% en 2000. Pour les autres pays, c’est ici. En Europe, pas d’inquiétude, à Taiwan, l’usine de semiconducteurs du monde, c’est rouge vif.

Les ventes du Black Friday aux Etats-Unis ont progressé de 3,4% (hors automobile) par rapport à l’année dernière (près de 15% pour les ventes en ligne, moins de 1% pour les ventes en magasin).

Le marché salue les résultats de Salesforce par une hausse de plus de 10%. La société affiche sur le trimestre 8% de croissance du chiffre d’affaires, 25% de croissance de résultats, et prévoit 7 à 9% de croissance de chiffre d’affaires au prochain trimestre. Bien, mais les activités acquises (Tableau, Mulesoft, Slack) ralentissent fortement. Le marché préfère se focaliser sur l’adoption des offres IA du groupe.

Trump déclare vouloir bloquer l’acquisition de US Steel par Nippon Steel d’un subtil « As President, I will block this deal from happening. Buyer beware !!! » Le gouverneur de Pennsylvanie lui demande d’en parler aux républicains locaux qui soutiennent l’opération. Pendant ce temps, la gouvernance japonaise, longtemps décriée, pourrait faire figure d’exemple : Seven & I (chaîne de magasins 7 Eleven) ferait l’objet d’un MBO de la famille fondatrice pour 60 Md$ en réponse à l’OPA du Canadien Alimentation CoucheTard, déclinée il y a quelques mois à 47 Md$.

Encore une semaine chargée pour Elon. Pour la deuxième fois, un juge rejette son package de rémunération, qui compte tenu de la hausse du cours totalise désormais plus de 100 Md$. Tesla va faire appel. Certains investisseurs de SpaceX vendraient leurs parts sur une valorisation de 350 Md$. Et Fidelity relève la valorisation de X dans ses fonds de 30% à un peu plus de 5 Md$, encore en baisse de 72% sur son prix d’achat. Pour finir, il dépose une injonction préliminaire dans le but d’interdire à OpenAI de se transformer en organisation à but lucratif.

Meta annonce à son tour se tourner vers l’énergie nucléaire pour ses datacenters et lance un appel d’offres pour la mise en opération de réacteurs au début de la prochaine décennie.

Le DG d’Intel, Pat Gelsinger, part en raison de désaccords avec son conseil d’administration, notamment en raison de son opposition à la scission de la société entre production (fonderie), l’unité qui permet l’accès aux 7,9 Md$ de subventions pour relancer l’activité aux Etats-Unis, et design, ou à la cession de certaines activités comme les puces reprogrammables d’Altera ou les 88% du capital de Mobileye (technologie pour les voitures autonomes). Censé être l’homme du retournement, il laisse au bout de trois ans la société avec un cash flow inférieur d’un tiers à celui de 2020, un dividende suspendu, et un titre divisé par deux. A sa décharge, le cas n’est pas facile.

La minute innovation 🧚🏻

La nouvelle startup de Daniel Ek, le cofondateur de Spotify, s’appelle Neko Health et offre un scan de nombreux paramètres cardiaques et hémodynamiques pour 299£ (à Londres et Stockholm seulement pour l’instant).

Figure AI démontre la performance de son robot humanoïde dans une usine BMW. Et le robot Optimus de Tesla attrape des balles.

Le compte est bon? 🎲

Cette semaine, le bitcoin dépasse les 100 000$, Trump nomme à la tête de la SEC Paul Atkins, favorable aux cryptos, et un ami lecteur me reprend pour la énième fois parce que faute de mieux je le qualifie d’actif. Alors, pourquoi vaut-il zéro pour certains, 10 M$ pour d’autres ?

Commençons par le camp du zéro, dont un représentant éminent se nomme Warren Buffett. Il n’aime pas l’or non plus, parce que ce n’est pas utile et pas productif. En quoi a-t-il raison ? Disons que la genèse du bitcoin, c’est un peu comme si la mairie de Ploumanach décidait qu’elle se méfiait de Paris et Francfort et battait son propre écu en disant qu’il n’y en aura pas plus de 21. Si les habitants lui font confiance, il aura cours, et si les touristes se prennent au jeu, compte tenu de sa quantité limitée, sa valeur augmentera avec la demande. Dans le cas contraire, il vaudra zéro. Dans le camp des sceptiques qui se sont exprimés cette semaine, on trouve aussi l’ex-secrétaire d’Etat au Trésor américain Lawrence Summers, qui trouve l’idée d’en mettre dans les réserves dingue, et l’ex-membre de la Fed Bill Dudley, qui estime (à raison) que cela entraînerait de l’inflation.

Dans le camp des 10 M$, Michael Saylor, patron de MicroStrategy, un peu plus biaisé que Buffett puisque les 92 Md$ de capitalisation boursière de sa société dépendent à 99% du bitcoin. Comment peut-il avoir raison ? Si le bitcoin s’institutionnalise. L’agrément donné par la SEC à des ETF bitcoin en janvier a été un premier pas dans cette direction. Début décembre, les ETF US détenaient 1 million de bitcoins, à peu près le même montant que Satoshi Nakamoto. La ruée vers MicroStrategy, largement le fait d’institutionnels, milite aussi pour l’institutionnalisation. A relativiser tout de même, les mêmes étaient au capital d’Enron ou d’Orpea. Enfin, le bitcoin est une monnaie officielle. Au Salvador, ce qui ne valide pas une thèse d’investissement. En revanche, si les Etats-Unis en mettent dans leurs réserves, son statut se rapproche de celui de l’or. C’est l’enjeu du Bitcoin Act, qui propose que la Fed vende une partie de ses réserves d’or (qui totalisent à date près de 700 Md$) pour acheter 1 million de bitcoins (800 000 nets des 200 000 tokens saisis à date, qui seraient incorporés aux réserves).

Que se passe-t-il, donc, si le bitcoin devient une « monnaie » de réserve ? Tout le monde veut en acheter, la quantité est limitée, donc la loi de l’offre et de la demande fait qu’il ne peut que monter. D’où les 10 M$ de Michael Saylor (il a même donné une fourchette de 3 à 49 M$, mais pour la simplicité des calculs je garde 10). Sur cette base, la totalité des bitcoins déjà « émis » (les derniers devraient arriver sur le marché en 2140) équivaudraient à 198 000 Md$. Pour mettre ce chiffre astronomique en perspective, l’or extrait de terre à date ainsi que les réserves estimées non encore extraites, au prix actuel d’environ 2650$/once, représente 18 000 Md$, l’or détenu par les banques centrales dans le monde 3 à 4 000 Md$. Sauf à anticiper une inflation stratosphérique, le bitcoin à 10 M$ est de la foutaise (je ne parle même pas des arguments de Michael Saylor).

1M$ ? Admettons, s’il acquiert le statut de réserve pour les grandes banques centrales et devient donc véritablement le pendant numérique de l’or. En conclusion, la thèse d’investissement qui valorise le bitcoin zéro est rationnelle, celle qui le voit multiplié par dix au cours des prochaines années aussi, un catalyseur majeur est relativement proche, à chacun de déterminer ce qu’il peut et veut miser. L’achat de MicroStrategy, en revanche, est purement spéculatif.

Cet article ne constitue pas une recommandation d’investissement sur les thèmes ou les titres mentionnés.