Les marchés terminent la semaine en hausse, malgré les déceptions sur le plan économique de part et d’autre de l’Atlantique, contrebalancées aux Etats-Unis par un bon début de saison de résultats.

A moins d’un mois des élections américaines, que peut-on en attendre pour les marchés ?

Macro 🔭

 

Aux Etats-Unis, le sondage NFIB (PME) affiche son 33ème mois d’affilée au-dessous de sa moyenne long terme de 98, à 91,5. Les nouvelles inscriptions au chômage repartent à la hausse (258 000 vs 225 000 la semaine dernière), l’indice des prix à la consommation est supérieur aux attentes (CPI et core CPI respectivement en hausse de 2,4% et 3,3% annualisé en septembre), les prix à la production augmentent de 1,8%. L’indice de confiance du consommateur de l’université du Michigan baisse encore en octobre (68,9), de même que le sondage IBD/TIPP (optimisme économique). D’après les minutes de la dernière réunion de la Fed, les gouverneurs étaient partagés entre une baisse de 0,25% et de 0,5%, même si cette dernière option était majoritaire. Les taux longs reviennent à 4% (vs 3,6% en septembre).

Les minutes du comité de septembre de la BCE indiquent des inquiétudes sur la croissance économique et la confiance dans la trajectoire baissière de l’inflation, avec en conclusion la volonté d’aller plus loin dans « la modération du degré de restriction de la politique monétaire ». Les ventes au détail dans la zone € ont augmenté de 0,8% en août, en-deçà des attentes. Les prix à la consommation augmentent de 1,6% (septembre). Le gouvernement allemand revoit à la baisse ses attentes de croissance pour 2024 (à -0,2%). L’économie allemande est à l’arrêt depuis quasiment trois ans. Fitch met la note de la dette française sous surveillance négative. Les agences de notation sont généralement en retard sur les marchés, qui sont eux-mêmes plutôt cléments pour l’instant.

Au Japon, le sondage Economy Watchers (sentiment dans les services aux particuliers) s’éloigne de nouveau de l’expansion (-47,8). Les prix à la production augmentent de 2,8% (annualisé, septembre).

Pendant la Golden Week en Chine, les déplacements ont augmenté de 10%, les dépenses d’environ 8%. Les marchés se retournent en début de semaine après la forte hausse engendrée par l’annonce de mesures de relance. Aujourd’hui, le ministre des finances chinois annonce de nouvelles mesures de soutien à l’immobilier et une émission de dette souveraine afin de financer les gouvernements locaux et les banques détenues par l’Etat. Cela manque de détails, et de mesures destinées à soutenir la consommation, mais d’autres annonces sont attendues au cours des prochaines semaines.

Les ventes de montres de luxe de seconde main, en forte baisse depuis mars 2022, se stabilisent.

Micro 🔬

JP Morgan publie de très bons résultats trimestriels, surprenant sur la marge d’intérêt et les revenus de la banque d’investissement. Le CEO Jamie Dimon affiche néanmoins son optimisme légendaire, s’alarmant des déficits et des besoins en infrastructure et militaires de son pays, et des risques géopolitiques croissants dans le monde.

Wells Fargo, BlackRock et Bank of New York Mellon publient également des résultats supérieurs aux attentes.

L’activiste Starboard Value annonce avoir pris une participation au capital de Pfizer, dont le titre a été divisé par deux depuis son pic covid. Les précédents CEO et CFO, initialement associés à l’activiste, prennent leurs distances après l’annonce. La société les aurait menacés de poursuites (et de supprimer leurs stock-options).

Le DOJ et autres parties prenantes au procès antitrust perdu cet été par Alphabet envisagent de demander au juge d’imposer la scission de la société lors du procès destiné à déterminer la sanction, programmé en avril 2025. La proposition finale sera communiquée le 20 novembre. A ce stade, les mesures envisagées sont la cession d’Android, de Google Play store ou de Chrome. Alphabet prévoit de faire appel. Quant à savoir ce que ces mesures apporteraient au consommateur, qui bénéficie de tous ces services gratuitement, c’est une autre histoire. Sans compter qu’une recherche Google consomme à peu près dix fois moins d’énergie que la même requête sur ChatGPT. Pour les précédents, plongez dans la fin des années 90 avec cet article qui retrace les déboires juridiques du 800-pound gorilla de l’époque, Microsoft, poursuivi pour avoir développé Internet Explorer aux dépens de Netscape. Le jugement, bien que mal exécuté, a permis l’émergence de Google, et n’a pas entraîné in fine de scission de Microsoft, mais une décennie de purgatoire en bourse.

Roblox, environ 27 Md$ de capitalisation boursière, m’intriguait sans que j’arrive à me convaincre : il y a peu d’éditeurs de jeux vidéo cotés, encore moins d’investissables, et la plateforme de jeux vidéo en ligne permettant aux développeurs de créer leurs propres jeux et de les monétiser, et comptant 71 millions d’utilisateurs quotidiens fin 2023, avait au moins l’avantage de la rareté. Mais la société était toujours en pertes 20 ans après sa création (only in the US), malgré un chiffre d’affaires de 2,8 Md$, donc elle est restée sur la watchlist. Cette semaine, le short seller Hindenburg Research publie    un rapport qui clôt le débat (vérifiez que vos enfants ne l’utilisent pas).

Samsung Electronics publie des résultats trimestriels préliminaires significativement inférieurs au consensus de marché en raison d’un stockage préalable de ses puces mémoire par ses clients dans le mobile et de la concurrence chinoise. Le patron de la division présente ses excuses. Au moins sa femme ne lui demande pas de prendre sa retraite. #tavares

Tesla dévoile son Cybercab, qui devrait coûter moins de 30 000$ et entrer en production en 2026 (deux objectifs sur lesquels le dirigeant a tendance à dériver, de son propre aveu), un Robovan et laisse son robot Optimus faire le show, mais la présentation ne donne aucun détail sur la flotte de robotaxis qui devait entrer sur le marché en 2020 déjà. Le titre clôture en baisse de 9% le lendemain, après un rebond opéré au cours des derniers mois en anticipation de l’événement, et Uber (nettement plus avancé grâce à son partenariat avec Waymo, filiale d’Alphabet) prend 11%.

Les ventes de BMW en Chine ont baissé de 30% au troisième trimestre, celles de Mercedes de 13%. Pour Volkswagen, c’est -15%. Les véhicules électriques et hybrides ont récemment passé la barre de 50% du marché, et 19 des 20 modèles les plus vendus sont chinois (le vingtième étant Tesla).

La Chine met en place des droits de douane pouvant aller jusqu’à 39% sur le cognac. La Commission Européenne étudie les moyens de soutenir les producteurs.

Rio Tinto achète Arcadium Lithium pour 6,7 Md$, une prime de 90% sur le dernier cours coté, mais au-dessous du prix de janvier dernier, et en bas de cycle. La dernière acquisition de Rio remonte à 2007 avec Alcan, racheté à la barbe d’Alcoa et de Vale avec une prime de 65% au pic du cycle de l’aluminium.

La minute innovation 🧚🏻

Cet article du NY Times sur la levée d’OpenAI annoncée la semaine dernière nous avait échappé. Il ajoute notamment quelques détails sur le pricing de ChatGPT, le chiffre d’affaires attendu en 2025 et l’objectif 2029, et les conditions particulières négociés par l’un des investisseurs.

HBO suggère dans le documentaire Money Electric : The bitcoin mystery que Satoshi Nakamoto, le mystérieux inventeur du bitcoin, est un développeur du nom de Peter Todd. Celui-ci réfute et s’inquiète pour sa sécurité (Nakamoto possède 1 million de bitcoins).

Geoffrey Hinton, surnommé le parrain de l’IA (et ancien de Google), et John Hopfield se voient décerner le prix Nobel de physique pour leurs travaux sur les réseaux de neurones artificiels.

Deux scientifiques de Google Deepmind partagent le prix Nobel de chimie cette semaine. Peut-être qu’ils sont dominants parce qu’ils sont bons ? Même si l’ancien boss, Eric Schmidt, trouve qu’ils ne fichent plus rien.

Faites vos jeux 🎲 

En attendant la finalisation d’une proposition d’investissement sur le nucléaire (mille excuses pour l’url défectueuse à ceux qui ont cliqué sur le lien la semaine dernière, je vous contacterai ultérieurement, et vous pouvez toujours m’écrire par retour d’email), on s’écarte des thèmes pour parler des élections américaines et de leur impact potentiel sur les marchés.

Les élections sont des événements relativement rares et interviennent rarement dans le même contexte macroéconomique. Partant, les corrélations avec un directionnel de marché sont difficiles à établir. Une étude a testé l’impact des élections sur la performance du S&P500 pendant les trois mois suivant l’élection depuis 1948. Elle n’a trouvé de relation statistiquement significative que dans trois cas : président et Congrès démocrates, président démocrate et Congrès républicain, et président démocrate et Congrès divisé. Pas de quoi tenter un pari dans de bonnes conditions. En revanche, contre-intuitivement, les marchés affichent une meilleure performance sous les présidents démocrates, mais dans ce cas précis les hausses d’IS au programme de Kamala Harris pourraient changer la donne. La seule quasi-certitude, c’est que les deux programmes sont inflationnistes (via les droits de douane pour Trump et la politique budgétaire pour Harris).

Pour ce qui est de l’impact potentiel des différents scénarios sur les secteurs, Trump est favorable aux énergies fossiles, mais les renouvelables n’ont jamais aussi bien fonctionné en bourse que pendant son mandat. Les démocrates sont favorables aux renouvelables, mais les titres pétroliers ont mieux fonctionné pendant le mandat Biden.

Donc on s’abstient de faire ses jeux avant les élections. Et si vous tenez vraiment à le faire, les derniers sondages, dont la synthèse se trouve ici ou ici, donnent les démocrates vainqueurs à la présidentielle et au Congrès. Sur les deux principales plateformes de trading sur les élections, Kamala Harris perd un peu de terrain. Elle est encore favorite sur PredictIt, où les paris sont limités à 850$, perdante sur PolyMarket, basée sur la blockchain et attirant plutôt la communauté crypto, où la rumeur veut qu’un proche de Musk ait placé un gros ordre (ici dans Bloomberg et ici pour plus de détails).

Cet article ne constitue pas une recommandation d’investissement sur les thèmes ou les titres mentionnés.