Embrasser la chaleur

Les marchés ont la gueule de bois en ce début d’année. L’inflation rebondit un peu en Europe, le marché de l’emploi américain reste relativement solide, et les anticipations de baisses de taux reculent, en ampleur et dans le temps, tandis que les risques géopolitiques restent bien présents. Retour sur les performances 2023 et aperçu des tendances 2024.

Macro 🌡️

Aux Etats-Unis, le PMI manufacturier ressort un peu supérieur aux attentes mais la composante nouvelles commandes est faible. A 202 000, les nouvelles demandes d’allocations chômage restent peu élevées et les créations d’emploi non agricoles publiées vendredi s’élèvent à 216 000 (taux de chômage stable à 3,7%), entraînant un ajustement immédiat par le marché de la probabilité de baisses de taux par la Fed en mars à 50%, et du total de baisses sur l’année à 1,35% contre 1,5% auparavant. Les minutes de la réunion du FOMC (Federal Open Market Committee) de décembre font état d’officiels de la Fed convaincus que les taux sont à ou proches de leur plus-haut, mais réaffirmant qu’il est approprié de maintenir une politique restrictive jusqu’à ce que l’inflation baisse de manière durable. La dette dépasse 24 trillions de $ pour la première fois.

Le taux de chômage allemand passe de 5,8 à 5,9%. Rebond de l’inflation en décembre : 3,8% en Allemagne, 4,1% en France, 2,9% dans la zone € (vs 2,4% en novembre). Les marchés anticipent des baisses de taux de 1,45% en 2024 (c’était 1,75% la semaine dernière).

Le FTSE 100 fête ses 40 ans, et sur la période, il a massivement sous-performé le MSCI World, avec un écart accentué depuis le Brexit.

Micro 🏢

Xiaomi lance sa première berline électrique, le SU7, qui utilisera la nouvelle architecture du fabricant de smartphones, HyperOS, pour une expérience intégrée à laquelle iOS et Android ne sont pas encore parvenus. L’autonomie serait de 670 à 800km selon les modèles, avec une vitesse de charge de 220km/5 minutes (dans les deux cas c’est optimiste selon les spécialistes) et un passage de 0 à 100 km/h en 2,78 secondes. Prix non encore spécifié, mais elle est beaucoup plus jolie que la Tesla. Lancement en Chine cette année.

Toujours dans les véhicules électriques, Tesla a vendu 1,8 millions d’exemplaires en 2023, contre 1,6 millions pour le Chinois BYD, mais ce dernier a pris la tête au quatrième trimestre avec plus de 520 000 véhicules vendus contre près de 485 000 pour Tesla. Et la firme américaine rappelle 1,6 millions de voitures, soit quasiment toutes celles qu’elle a vendues depuis le lancement en Chine, en raison d’un défaut d’Autopilot, son système de conduite assistée.

Mobileye Global, fabricant de technologies pour la conduite autonome, perd 25% à l’annonce que les ventes du premier trimestre sont attendues en baisse de 50% par rapport au trimestre précédent en raison de stocks élevés chez ses clients.

Le management de Disney et l’activiste ValueAct se mettent d’accord sur la composition du conseil d’administration.

Dyne Therapeutics publie des résultats encourageants de son traitement de la myopathie de Duchenne.

Carrefour ne commercialise plus les produits PepsiCo(Pepsi, Frito Lay’s, Doritos, 7 Up etc) en France, en Italie, en Espagne et en Belgique en raison d’un désaccord sur les hausses de prix poussées par la marque.

Le gouvernement néerlandais reproduit une mesure américaine en interdisant au fabricant de machines de photolithographie (destinées à produire certaines puces) ASML l’exportation vers la Chine.

Bref, les tensions augmentent aussi entre la Chine et l’Europe, d’ailleurs l’anti-trust chinois ouvre une enquête pour dumping et dommages industriels dans le domaine des “spiritueux importés fabriqués à partir de vin distillé dans des récipients de moins de 200 litres originaires de l’UE”, pénalisant les groupes cotés Rémy CointreauPernod Ricard et Diageo.

Embrasser la chaleur 🧡

A l’heure des bilans et bonnes résolutions, un résumé bref et non exhaustif de 2023 : environnement géopolitique agité et faillites bancaires ont laissé le pas dans le courant de l’année au ralentissement généralisé de l’inflation et aux anticipations d’assouplissement monétaire. La chronique de la récession la plus annoncée de l’histoire se conclut en soft landing (aux Etats-Unis du moins), permettant, en association avec le pivot de la Fed, un scénario de fin d’année que les marchés nomment Goldilocks (Boucle d’Or). 

Bilan 2023 pour les principaux marchés actions mondiaux (en devises locales) : +43% pour le Nasdaq , +28% pour le Nikkei 225, +24% pour le S&P500, +20% pour le DAX, +% pour le Sensex (Inde), +16,5% pour le CAC 40, +14% pour le Dow Jones, +4% pour le FTSE100 et -4% pour le Shanghai Comp. Parmi les matières premières : +13% pour l’or, +8% pour l’argent, -10% pour le baril de brent. Et 154% pour le bitcoin, 107% pour les 7 Magnifiques. Pour un résumé par région et par secteur, c’est ici

Au classement 2023 de l’innovation, le GII (Global Innovation Index) établi par l’Organisation mondiale pour la propriété intellectuelle, c’est encore la Suisse qui détient la première place (pour la treizième année consécutive). Les Etats-Unis se classent en troisième position tandis que la France est onzième.

2023 est aussi l’année de ChatGPT et du tout IA, du RTO (return to the office), des médicaments anti-obésité, et de la mer, ou la liquidité, qui se retire en montrant ceux qui nageaient nus pour reprendre les mots de Warren Buffett : par exemple SVB Financials, Credit Suisse, WeWork ou Bed, Bath & Beyond. Quant aux 500 individus les plus riches au monde, ils ont gagné 1,5 trillions de $, après avoir perdu 1,4 l’année précédente, et Françoise Bettencourt-Meyers est la première femme à intégrer le club des plus de 100Md$.

2024 est l’année comportant le plus d’élections dans l’histoire : plus de 60 pays représentant la moitié de la population mondiale tiendront des élections présidentielles ou législatives, plus ou moins libres. Un test pour la démocratie. Parmi eux, les Etats-Unis, dont les marchés réagissent historiquement bien en année électorale, même si cette édition semble un peu plus aléatoire que d’ordinaire. 

Les risques géopolitiques et climatiques restent bien présents et pourraient entraîner des rebonds d’inflation, notamment via leur impact sur les prix de l’énergie (cf Suez et Panama). On surveillera aussi l’impact des hausses de taux de 2023 sur la croissance économique, et, corollaire de la croissance et de l’inflation, la date de la première baisse de taux et l’amplitude de l’assouplissement monétaire. 

Les wildcards ? Le bitcoin, dépendant de la décision de la SEC sur les ETF au comptant (le 10 janvier). Le marché chinois, dont la prime de risque atteint des niveaux précédant historiquement un rebond, mais qui fait toujours face à ses problèmes de shadow banking, de marché immobilier, de « déglobalisation », et de mesures défavorables aux entreprises (le gaming il y a quelques jours) d’un dirigeant qui appelle dans ses vœux 2024 à « un développement de grande qualité », invocation utilisée 128 fois l’année dernière mais dont personne n’est sûr de comprendre la signification. Enfin, le pétrole, si la géopolitique affecte l’offre, ou si un redémarrage surprise de la Chine augmente la demande.

Quelques tendances émergeant ou se poursuivant en 2024, puisées notamment dans les big ideas in tech d’Andreessen Horowitz : smartcity (technologies permettant d’améliorer la sécurité et les infrastructures, notamment énergétiques, des villes), médecine programmable (dont les thérapies géniques), nouveaux protocoles simplifiant l’usage des cryptos, créativité ouverte à tous grâce à l’intelligence artificielle, généralisation des NFT comme marques digitales, automatisation des services financiers, remplacement des films par les jeux vidéo (et le métavers ?).

En 2024, le programme Pantone Color of the Year fête ses 25 ans avec Peach Fuzz, qui « capture notre désir de prendre soin de soi et des autres » et qui « mêle naturellement jeunesse et intemporalité ». Elle succède à Viva Magenta, « couleur audacieuse, intrépide et vibrante dont l’exubérance favorise une célébration joyeuse et optimiste ». Je vous souhaite une année combinant l’audace et l’intrépidité du Magentaverse et la chaleur de Peach Fuzz.