finance et IA

Les marchés américains terminent la semaine à l’équilibre alors que Nvidia fait un nouveau plus-haut avant de perdre près de 10% dans les jours suivants. Malgré les procédures pour déficit excessif lancées par la Commission Européenne, l’Eurostoxx rebondit.

Où en sont les entreprises, financières notamment, de l’usage de l’IA ?

Macro 🔭

Aux Etats-Unis, les ventes au détail (mai) ralentissent
notablement à 2,3% (annualisé). Les sondages d’activité à la production des Fed
de NY et Philadelphie sont très décevants, tandis que le PMI composite
s’améliore (54,6 en juin). 7 gouverneurs de la Fed s’expriment,
indiquant un rythme lent de baisses de taux avec un premier mouvement entre
septembre et la fin de l’année. Les nouvelles inscriptions au chômage
s’établissent à 238 000, en ligne avec le rebond (encore modéré)
enregistré la semaine dernière. L’indice NAHB (sentiment dans la construction
résidentielle), les mises en chantier et les permis de construire sont faibles,
seules les ventes de maisons existantes sont un peu plus élevées que prévu. Le
marché immobilier américain est à l’arrêt
(un plus-bas de 30 ans) en raison
du lock-in
effect
 
: en trois ans, les prêts hypothécaires sont passés de
2,65% à 7%, renchérissant les coûts d’emprunt tandis que les prix de vente
augmentaient du fait de la rareté de l’offre. 70% des propriétaires ont un taux
hypothécaire inférieur à 4%, dans un marché où la portabilité de l’emprunt est
rare.

Le ZEW allemand (sentiment des investisseurs) s’améliore
moins que prévu en juin à 47,5, plus que prévu dans la zone € (51,3). Les salaires
dans la zone €
progressent de 5,3% en mai, l’inflation de 2,6%, et les PMI
flanchent, enregistrant leur pire lecture de l’année. La Commission Européenne
propose de lancer des procédures pour déficit excessif contre 7 pays
dont la France. Selon un sondage auprès des investisseurs de Bank of America
cité par Bloomberg, la France est passée de pays préféré en Europe en mai à
pays le plus susceptible d’être sous-pondéré au cours des 12 prochains mois.
L’émission de dette française (10,5 Md€, échéances 3 à 8 ans) est sursouscrite.
Jusqu’ici tout va bien.  

Parmi les conséquences de l’instabilité politique, on
compte la migration des millionnaires. Le Royaume-Uni en a perdu 8% depuis le
Brexit, et cette année il figure juste après la Chine au palmarès
des perdants. Destination préférée : les Emirats Arabes Unis, pour la
troisième année d’affilée.

L’inflation revient à 2% au UK, mais la banque
centrale laisse les taux inchangés, contrairement à la Banque Nationale Suisse,
qui les coupe de 0,25% et revoit ses anticipations d’inflation à la baisse
(moins de 1,5% sur la période 2024-2027).

Au Japon, l’inflation accélère en mai (2,8%
annualisé), et une hausse de taux prochaine est évoquée.

 

En Chine, la production industrielle augmente de 5,6%
(annualisé) en mai, les ventes au détail accélèrent pour la première fois
depuis novembre (+3,7%), mais les prix de l’immobilier s’enfoncent
 (-4%). La masse monétaire M1 (billets,
pièces et dépôts à vue) se contracte à un rythme pas observé depuis 1996. La
banque centrale laisse ses taux inchangés et envisagerait un programme
d’achat d’obligations d’Etat afin de contrôler la courbe des taux.

Micro 🔬

Nvidia devient la première capitalisation boursière mondiale (3 300 Md$), faisant de Jensen Huang la 12ème fortune mondiale (près de 120 Md$).

Le salaire médian des CEO américains est de 16,3 mM$, en hausse de 12% sur un an.

Le fabricant de véhicules électriques Fisker s’est placé sous protection de la loi des faillites, entraînant une baisse des titres du secteur. Celebrating a decade of GoodKarma, c’est l’accroche imaginée pour la première société d’Henri Fisker par les Chinois qui l’ont reprise à la barre du tribunal il y a 10 ans.

Tesla reçoit l’autorisation de tester la conduite autonome à Shanghai, alors qu’une étude publiée dans Nature et analysant 37 000 accidents conclut que celle-ci (de niveau 4, i.e. sans intervention humaine) est plus sûre sauf quand le véhicule tourne ou quand la lumière est faible (un détail). Comme je ne suis pas sectaire, je vous laisse suivre le développement du Full Self Driving sur un site de fans de Tesla.

Accenture publie des résultats trimestriels sans éclat (CA en baisse de 1%, BPA en baisse de 2%) mais le marché salue des commandes en progression de 22% et le mot magique, IA générative, qui représente 2 Md$ de commandes et 500 M$ de CA à date. Le groupe revoit marginalement à la baisse ses objectifs annuels de chiffre d’affaires et de résultat net.

Inside Out (Vice Versa 2) génère 155 M$ d’entrées lors de son premier week-end d’exploitation aux Etats-Unis et au Canada. De quoi mettre du baume au cœur des dirigeants (et des actionnaires) de Disney.

Réglementation, hausse des taux et complexité de la gestion du risque de crédit poussent Apple à abandonner son service de BNPL (Buy Now Pay Later), lancé l’année dernière aux Etats-Unis. Le service sera bientôt rendu disponible au travers de partenariats, avec Affirm notamment. Apple serait aussi en train de développer un nouveau casque de réalité augmentée moins haut de gamme pour un lancement fin 2025. Le Vision Pro coûte 3 500$, contre 1 500$ pour le Quest de Meta.

“Every day we seek to honor the memory of those lost through a steadfast commitment to safety and quality.” Dave Calhoun, Président de Boeing, à l’adresse du Sénat. L’avionneur serait sur le point de trouver un accord (conjointement avec Airbus, dont un appareil perd à son tour une pièce au décollage cette semaine) pour le rachat de son fournisseur Spirits Aerosystems.

Après le piratage de début juin de Snowflake (stockage dans le cloud), les cybercriminels demandent des rançons allant jusqu’à 5 M$ aux sociétés dont ils ont récupéré les données. Par ailleurs, AutoNation (réseau de concessionnaires automobiles coté) et ses pairs flanchent en bourse alors que 15 000 concessionnaires ne peuvent opérer depuis quelques jours en raison d’une cyberattaque du software qu’ils utilisent (CDK).

Gilead Sciences interrompt l’étude clinique de son injection bisannuelle de prévention du SIDA en raison d’un taux d’efficacité de 100% (rendant non-éthique la poursuite de l’étude en double aveugle).

Golden Goose, la marque de sneakers à 500€, reporte son IPO à la bourse de Milan en raison de la volatilité accrue sur les marchés européens, et aussi parce que le pricing, plutôt en bas de fourchette, laissait anticiper des débuts difficiles. La levée de 600 M€ valorisait la société à 1,7 Md€, loin des 3 Md€ envisagés en avril selon la presse. Permira, l’actionnaire majoritaire, avait acheté sa participation à Carlyle en 2020 sur une valorisation de 1,28 Md€. Be Younique.

Le CERS (Comité Européen du Risque Systémique, rattaché à la BCE) fait un point sur la finance privée (private debt/equity) dans son dernier rapport (en page 36), et conclut à un besoin de transparence accrue mais à l’absence de risque systémique.

 

Revolut mettrait en vente pour 500 M$ de titres sur une valorisation de 40 Md$ (c’était 33 Md$ lors de sa dernière levée en 2021). 

La minute innovation 🧚🏻

Employeurs, tentés par le flex-office ? Think twice. Aux Etats-Unis, les sociétés constatent que pour faire revenir leurs employés au bureau, mieux vaut offrir un bureau fixe qu’un cours de yoga. Et parfois ça ne suffit pas : 50% des employés de Dell, sommés de choisir entre remote assorti d’absence de promotions ou d’évolutions dans leur société, et hybride (3 jours par semaine au bureau), ont choisi…remote.

Les premiers ETF Ether au comptant pourraient être lancés dès le 2 juillet.

Sam Altman envisagerait de faire d’OpenAi une société à but lucratif, et de l’introduire en bourse.

 

Londres-New York en 3h30 : c’est l’objectif de Boom Supersonic, dont l’Overture pourrait accueillier ses premiers passagers en 2029. 

Attentes exagérées

Finance et IA

Citi publie un rapport sur l’intelligence artificielle dans la finance, et note que si elle devrait augmenter la productivité des banques (9% de résultat en plus d’ici 2028, en extrapolant les résultats d’un sondage réalisé auprès de banques, d’assureurs et de gérants d’actifs), le fossé entre la hype et la production de masse est large.

Les services financiers sont en théorie le cas d’application parfait pour l’IA générative car ils traitent essentiellement des données. Ils commencent tout juste à l’utiliser néanmoins, essentiellement pour des preuves de concept. Aucun établissement (fintechs comprises) n’est à un stade de développement avancé, et seules 11% des banques, 6% des assureurs et 13% des fintechs sont à un stage de maturation sur la technologie.

L’automatisation des nombreux processus manuels est une source de gains de productivité, mais elle est à double tranchant car les « frictions » sont une des principales raisons pour lesquelles les clients ne changent pas d’établissement facilement. Accessoirement, l’emploi dans la banque et l’assurance, qui ont le taux de procédures automatisables le plus élevé de tous les secteurs avec respectivement 54% et 48%, serait à risque si l’IA était utilisée plus largement (aux Etats-Unis, la finance au sens large représente 6% de l’emploi total). Et il ne fait aucun doute que la réglementation continuera de jouer son rôle, de protection du consommateur, mais également de frein à l’évolution. L’exemple du bot to bot évoqué par certains, où un client se décharge des tâches qui l’ennuient (renégocier son prêt ou prendre des décisions d’investissement) grâce à son agent IA qui interagit avec les agents IA des banques relève de la science-fiction, d’autant que la traçabilité exigée par les régulateurs est pour l’instant hors d’atteinte avec une IA générative.

La plupart des banques et assurances traditionnelles n’ont jusqu’ici pas mis à profit le potentiel de la technologie, en raison de leur dette technologique (leurs investissements sont considérables, mais largement dédiés à la maintenance des systèmes existants), culturelle et organisationnelle. Et peut-être aussi parce que les inefficiences du système rendent l’arbitrage entre établissements complexe pour le consommateur final, expliquant en partie la faible rotation des clients. Que l’IA change la donne, même sous la pression de clients plus exigeants, est peu probable. Elle sera probablement utilisée par des acteurs plus agiles qui continueront à grignoter des parts de marché. Ce bref compte-rendu mêle analyse personnelle et chiffres tirés de l’étude ; pour les détails et les conclusions de Citi : AI in finance.

 

Enfin, selon un sondage de Lucidworks auprès de 2 500 dirigeants, la proportion de sociétés dans le monde prévoyant d’augmenter leurs investissements dans l’IA dans les 12 prochains mois est passée de 93% à 63% en un an. Selon le bureau du recensement du gouvernement américain, 5% des entreprises l’utilisent actuellement. On its way to the trough of disillusionment ?

Cet article ne constitue pas une recommandation d’investissement sur les thèmes ou les titres mentionnés.